En 2016, Volkswagen a démarré le développement de ses futures navettes autonomes en partenariat avec Aurora, un spin-off issu de Google, toujours à la pointe de la conduite autonome. Alors que les microbes semblent enfin perdre du terrain, voilà qu’une nouvelle épidémie s’abat sur l’Europe : celle de l’élargissement des pistes cyclables ! Une évolution qui semble parfois plus viser à gêner le trafic automobile qu’à encourager l’usage du vélo… En Allemagne, le Prof. Andreas Knie, relayé par le grand quotidien Die Welt, a ouvertement appelé à profiter de l’épidémie pour se « distancier de l’automobile privée ». Avec ce mot d’ordre d’une parfaite franchise : « il faut supprimer toute place pour le trafic automobile » en ville ! Détail intéressant,
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En 2016, Volkswagen a démarré le développement de ses futures navettes autonomes en partenariat avec Aurora, un spin-off issu de Google, toujours à la pointe de la conduite autonome.
Alors que les microbes semblent enfin perdre du terrain, voilà qu’une nouvelle épidémie s’abat sur l’Europe : celle de l’élargissement des pistes cyclables ! Une évolution qui semble parfois plus viser à gêner le trafic automobile qu’à encourager l’usage du vélo…
En Allemagne, le Prof. Andreas Knie, relayé par le grand quotidien Die Welt, a ouvertement appelé à profiter de l’épidémie pour se « distancier de l’automobile privée ». Avec ce mot d’ordre d’une parfaite franchise : « il faut supprimer toute place pour le trafic automobile » en ville !
Détail intéressant, le Prof. Knie est spécialisé dans la « mobilité digitale » et siège également à la direction de Choice GmbH, une société active dans le « car sharing public ». Ainsi donc, les gens qui mènent aujourd’hui la vie dure aux automobilistes ne sont-ils pas nécessairement hostiles à l’automobile en tant que telle. Il se pourrait même qu’ils y soient en réalité très favorables. Avec un projet bien précis : remplacer les voitures privées par des véhicules « publics », disponibles en car sharing… et bien sûr autonomes !
La société Waymo, une filiale d’Alphabet (la maison-mère de Google), a débuté ses activités commerciales de transport de passagers avec des véhicules autonomes en 2018 déjà. Business Insider explique que les courses sont parfois « moins chères » qu’avec Uber. A en croire le célèbre cabinet de conseil Deloitte, l’Europe ne devrait pas tarder à suivre…
Comme avec Uber, il s’agira d’utiliser une application pour réserver des courses en temps réel, avec une tarification fixée automatiquement par l’intelligence artificielle. La différence résidera dans la possibilité de choisir entre taxis individuels et car sharing, pour obtenir un meilleur prix. Dans tous les cas, les villes qui déploieront ce système de transport auront la possibilité de prélever une taxe « automatiquement » sur chaque course (road pricing), en plus d’éventuels frais (par ex. journaliers), liés à l’autorisation de circuler de chaque véhicule (congestion charging). C’est ce qu’explique par exemple ce rapport financé par la Commission européenne.
Oubliée depuis le Moyen-Âge, l’idée d’instaurer des péages urbains fait son grand retour !
Le futur pneu sans air de Michelin. Un must pour simplifier (et automatiser) au maximum la maintenance de nos futurs taxis autonomes, destinés à circuler 24h24 et 7j/7…
Le corollaire de ce nouveau business model, qui intéresse tout autant les municipalités en mal de financements que les opérateurs de véhicules autonomes, est l’interdiction pour les voitures traditionnelles de circuler en ville. Comme l’explique en effet le mathématicien et homme politique français Cédric Villani, faire cohabiter véhicules autonomes et voitures pilotées par des humains est tout simplement trop dangereux. C’est bien pour cela que les constructeurs automobiles sont aujourd’hui forcés de développer des concepts de conduite autonome, et que les voitures de luxe, en particulier, intègrent de plus en plus de senseurs nécessaires à la détection d’obstacles…
Ce concept car de Mercedes se transforme en salon lorsqu’il fonctionne en mode autonome (en ville). Hors des smart cities, le conducteur pourra reprendre le volant en faisant pivoter son siège.
Les propriétaires de voitures équipées pour fonctionner de manière autonome pourront ainsi s’insérer dans le trafic des smart cities, quitte à devoir s’acquitter d’une taxe pour pouvoir circuler dans cet environnement hyperconnecté (et donc fortement consommateur d’électricité). Les propriétaires de voitures dépourvues de senseurs, eux, devront abandonner leur véhicule avant d’entrer en zone urbaine.
Et si l’on profitait de la couverture 5G pour supprimer aussi les facteurs-livreurs ? Les chauffeurs de taxis et de bus ne seront sans doute pas les seuls dégâts collatéraux de la mobilité autonome…
Les « questions d’éthique compliquées » de la voiture autonome
« La voiture autonome pose des problèmes techniques non encore résolus. Par exemple, les capteurs ne fonctionnent pas correctement dès qu’il y a des intempéries ou des imprévus. » (rapport du Parlement français sur la « stratégie en matière d’intelligence artificielle », mars 2018)
Même hors des villes, les véhicules autonomes ont des difficultés à s’insérer dans le trafic… voire même, tout simplement, à tenir compte des obstacles qui se présentent à eux.
Si elle promet d’immenses rendements pour les investisseurs financiers, la conduite autonome ne rime pas nécessairement avec un très haut niveau de sécurité routière. Afin d’éviter les collisions, la Fédération des cyclistes européens, une organisation « partenaire » de la Commission européenne, explique qu’il sera nécessaire, à l’avenir, de faire « porter des dispositifs » électroniques tant aux cyclistes qu’aux piétons. Via une connexion 5G ultrarapide, chacun sera ainsi « connecté » à un même « réseau », qui le géolocalisera en temps réel et de façon personnalisée (il n’y aura par exemple plus besoin de « plaque minéralogique » pour les voitures ; chacun sera identifié de façon numérique).
Or, même ainsi, l’absence de couacs sera loin d’être garantie, malgré la « vision zéro » à laquelle l’UE veut croire et qu’elle considère elle-même, au mieux, comme « une possibilité réaliste »…
Les attaques de hackers. Un risque sécuritaire majeur régulièrement évoqué en lien avec les véhicules autonomes… Que se passera-t-il d’ailleurs si un obstacle ou une panne empêche les voitures de communiquer entre elles ? Ne faut-il pas s’attendre à des collisions à grande vitesse ? Et quid d’éventuelles coupures de courant ? Tout le trafic ne se retrouvera-t-il pas subitement arrêté ?
Dès 2018, dans son célèbre (et passionnant) rapport parlementaire consacré à l’intelligence artificielle, le mathématicien et homme politique français Cédric Villani s’était penché sur le cas des véhicules autonomes. Et de poser une question « d’éthique » un brin désagréable : qui la voiture doit-elle tuer lorsqu’une collision est inévitable ?
En Suisse, la poignée de « navettes autonomes » actuellement en circulation (avec une vitesse limitée à 20km/h !) ne fait pas parler d’elle qu’en bien. On notera que pour la grande presse helvétique, c’est la cycliste qui a embouti la navette plutôt que l’inverse… Un cas de figure tout de même assez rare avec les bus conduits par des humains !
Une question dérangeante que le scientifique abordait à travers une fable futuriste, dans laquelle les usagers des services de transport autonomes doivent définir le comportement du véhicule en cas de collision imminente. Les primes d’assurance étant calculées en fonction des préférences exprimées par les utilisateurs. Chaque client doit dès lors répondre à des questions du type :
« La voiture […] a le choix entre tuer un chien, dix immigrés sans emploi, cinq grands patrons, [vos] parents ou détruire la voiture [avec] les bébés [dedans]. »
(On notera que dans cette société utopique, « tout le monde porte sur lui au moins un objet connecté qui l’identifie ». Ce qui correspond, de fait, à la « solution technologique » préconisée par la Commission européenne pour limiter les accidents…)
En 2016, le patron de Mercedes avait déclaré que ses véhicules autonomes seraient programmés pour sauver prioritairement leurs passagers, quelle que soit la situation : « Si vous pouvez sauver au moins une personne […] sauvez la personne dans la voiture. »
On comprend dès lors pourquoi l’UE parle de « questions d’éthiques sérieusement compliquées » à propos des véhicules autonomes. Comment décider en effet qui la voiture doit tuer dans tel ou tel cas de figure ? Quels critères doit-on considérer ? L’âge, le sexe, l’état de santé, les orientations politiques… ? Ou s’agira-t-il tout simplement de limiter le nombre des victimes ? Ou encore : peut-être donnera-t-on la priorité absolue aux passagers des transports autonomes, comme le proposait Mercedes en 2016, afin de rassurer la clientèle ? De telle sorte qu’un véhicule transportant une personne âgée préférera percuter un groupe d’enfants plutôt que risquer de freiner trop brusquement ?
La voiture intelligente « a vu » sa victime, mais n’a pas freiné…
En Suisse romande en particulier, toutes ces questions sont d’une parfaite actualité. Car outre la guerre à la mobilité qu’y mènent diverses municipalités, l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) est activement engagée dans cette course à la voiture autonome. Avec plus moins de succès, il est vrai.
Gros raté d’une navette autonome à Cossonay, dans le canton de Vaud… L’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) reste plutôt discrète sur sa participation à des projets dont le succès, à l’heure actuelle, demeure pour le moins mitigé. (Vidéo : Radio du Nord vaudois / via Facebook)
A quoi bon vouloir évaluer « en temps réel » des bus ou des trams ? L’application développée par l’EPFL pour les cantons de Vaud et Genève pourrait en revanche s’avérer utile pour déterminer si telle ou telle navette autonome « publique » est sale, sent mauvais, ou présente une panne ou une autre.
Les dures réalités de la « mobilité douce »
Si la communication pour faire accepter ces nouveaux modes de transport auprès de la population s’annonce délicate, les enjeux commerciaux autour de la « mobilité douce » ne doivent pas non plus être sous-estimés. Car on parle bien là de marchés destinés à peser des dizaines de milliards ! En outre, les promoteurs de la voiture autonome pourront s’appuyer sur un argument de poids pour faire adopter leur produit : le recours exclusif aux « énergies vertes ». C’est d’ailleurs là l’élément de communication central mis en avant la Green European Foundation, une organisation « financée par le Parlement européen » et entièrement consacrée à la promotion des smart cities…
Une argumentation très discutable, dans la mesure où la smart city consommera des montagnes d’énergie pour faire tourner ses réseaux 5G, qui soulèvent déjà tant des inquiétudes sur le plan sanitaire. De fait, l’intégration de chaque véhicule – et même de chaque personne, cycliste ou piéton ! – à ce réseau pourrait plus que doubler la consommation énergétique totale des antennes GSM par rapport aux niveaux actuels. (Cette estimation de l’opérateur de téléphonie public Swisscom ne portait d’ailleurs que sur l’exploitation de la bande des 3,5 GHz. Et ce, alors même que la montée à 40 GHz était déjà prévue…) Et on ne parle même pas de l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’intelligence artificielle via le cloud…
Pour favoriser la transition vers les véhicules autonomes, L’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) préconise tant « l’encouragement du trafic cycliste » que la multiplication des travaux routiers. Les projets de « piétonnisation » et autres péages urbains s’inscrivent dans cette même logique : décourager à tout prix l’emploi de la voiture, quitte à créer volontairement des embouteillages !
Ces plates considérations techniques n’empêcheront évidemment pas les bobos écolos qui rêvent de reconquérir nos centres-villes de s’enthousiasmer pour le marketing politique « vert » autour de la « mobilité douce ». On peut d’ailleurs se consoler en se disant que ce sont ces populations qui seront en première ligne pour servir de cobayes dans les expérimentations grandeur nature des métropoles connectées et de leurs partenaires financiarisés de la tech.
Par Vincent Held, auteur du Crépuscule de la Banque nationale suisse, d’Après la crise et d’Une civilisation en crise, Éd. Réorganisation du Monde, janvier 2020.