Juin 9, 2018 par LHK Liban: les réfugiés ne doivent pas rentrer chez eux… croissance économique oblige. Enfin, peut-être… Le petit Liban est une fois de plus déstabilisé par la volonté de tiers puissants étrangers. Ce pays, incapable de se défendre, accueille en masse les réfugiés. C’est si vrai que ceux-ci représentent 50% de la population qui y réside. Ce n’est plus de l’humanitaire, mais une révolution démographique. Plus grave encore est le rôle qu’y jouent les organisations supranationales. On peut être surpris de découvrir dans l’article (ci-dessous) de Scarlett Haddad de l’OLJ que le HCR lui-même intervient auprès des déplacés afin de leur déconseiller de rentrer chez eux… Ce constat, fait par une analyste politique qui compte dans la région, mérite d’être mis en
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Liban: les réfugiés ne doivent pas rentrer chez eux… croissance économique oblige. Enfin, peut-être…
Le petit Liban est une fois de plus déstabilisé par la volonté de tiers puissants étrangers.
Ce pays, incapable de se défendre, accueille en masse les réfugiés. C’est si vrai que ceux-ci représentent 50% de la population qui y réside.
Ce n’est plus de l’humanitaire, mais une révolution démographique.
Plus grave encore est le rôle qu’y jouent les organisations supranationales.
On peut être surpris de découvrir dans l’article (ci-dessous) de Scarlett Haddad de l’OLJ que le HCR lui-même intervient auprès des déplacés afin de leur déconseiller de rentrer chez eux… Ce constat, fait par une analyste politique qui compte dans la région, mérite d’être mis en perspective avec une autre information de poids qui émarge de ce billet. Il s’agit du rôle économique des déplacés qui concurrencent sévèrement la population active libanaise, et même les PME du pays.
De fait, les organisations supranationales ont d’autres projets pour le pays du cèdre. Dans un deuxième article repris ci-dessous, vous découvrirez comment et pourquoi « Le FMI reconnaît un réel impact des réfugiés sur le marché du travail« . Dans une étude sur l’impact des réfugiés sur la vie économique libanaise, l’organisation supranationale s’appuie principalement sur Robert Solow.
Ainsi, « le FMI rappelle que l’afflux de réfugiés sur le marché du travail est censé avoir un impact limité à long terme. Certes, à court terme, l’arrivée de nouveaux travailleurs exerce une pression à la baisse tant sur l’emploi que sur les salaires des travailleurs locaux, du fait de la substitution de certains d’entre eux par une main-d’œuvre moins chère. Une situation qui bénéficie par conséquent surtout aux détenteurs de capitaux. Mais, selon ce modèle, à long terme, ces derniers réinvestiront les gains dans leurs outils de production, ce qui se traduira notamment par une hausse de la demande de travail et de la rémunération offerte. Ceux qui avaient quitté le marché de l’emploi seront ainsi encouragés à le réintégrer. En fin de course, résume le FMI, « les économies devraient être en mesure de s’adapter à toute addition de main-d’œuvre ». Il ajoute néanmoins que le coût comme la durée de la phase de transition « varient de pays en pays » et dépendent notamment des caractéristiques et compétences des réfugiés.
(…)
le FMI aboutit à la conclusion suivante: « Tout en reconnaissant que l’exercice est « délicat », l’institution appelle donc le gouvernement libanais à faciliter l’accès des Syriens au marché du travail. « Si ces réfugiés devaient rester au Liban pour un certain temps, leur capacité à subvenir à leurs besoins réduirait le poids sur le budget libanais et allégerait leurs (demandes) de ressources humanitaires des bailleurs de fonds ». En outre, « les réfugiés autonomes et qui ont pu améliorer leurs compétences en exil rentrent dans leur pays d’origine plus rapidement », avance le FMI en citant une étude de la Banque mondiale de 2015. » (Le FMI reconnaît un réel impact des réfugiés sur le marché du travail)
Nous pouvons conclure en pronostiquant que les déplacés palestiniens, syriens ne quitteront pas le Liban de sitôt. Tant que les promesses hypothétiques d’une théorie de la croissance économique, basée exclusivement sur les variables financières du travail et du capital, serviront de référence politique et sociétale, la vie des peuples continuera d’être sacrifiée par une politique déshumanisée car financiarisée.
Liliane Held-Khawam
Pour le Liban, le problème n’est pas avec les « déplacés » syriens, mais avec les organisations internationales Scarlett HADDAD | OLJ
Entre le Haut Comité des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et les autorités libanaises, le torchon brûle. La crise n’est toutefois pas une surprise, car au cours des dernières semaines, les autorités libanaises ont multiplié les indices sur leur intention d’ouvrir en grand le dossier des « déplacés » syriens, appellation voulue par le Liban officiel pour éviter de donner aux Syriens installés au Liban depuis la guerre dans leur pays le statut de « réfugié ». Dans ce bras de fer qui s’annonce, le Liban officiel affirme que les déplacés syriens ne sont pas en cause, mais bien les organisations internationales qui multiplient les entraves pour empêcher leur retour chez eux.
Depuis le début, le dossier en question a été conflictuel et suspect. Dès les premiers mois du conflit syrien (mars 2011) et alors qu’il n’y avait pas encore d’affrontements armés, puisque le mouvement de protestation était encore pacifique, des tentes ont commencé à être installées autour de la région de Wadi Khaled au Akkar en prévision de l’arrivée de Syriens fuyant les troubles dans leur pays. À cette époque toutefois, il n’y avait pas de réelle inquiétude, la tendance générale étant de croire que le régime syrien devrait disparaître dans les mois suivants et qu’il n’y avait donc pas lieu de craindre une arrivée massive de Syriens, ceux-ci devant rentrer chez eux une fois la paix rétablie après la chute du président Bachar el-Assad. D’ailleurs, dans le nord du Liban, en particulier au Akkar et à Tripoli, l’opinion publique était en général favorable au renversement du régime syrien et voyait d’un bon œil l’afflux des partisans de l’opposition avec leurs familles.
C’est bien plus tard que l’attitude des habitants du Nord à l’égard des Syriens a commencé à changer pour de multiples raisons, dont la moindre n’est pas la concurrence professionnelle et leur présence de plus en plus nombreuse et prolongée. En décembre 2016, lors de la formation de l’actuel gouvernement, c’est un Akkariote ouvertement hostile au régime syrien qui a été sciemment choisi pour devenir ministre chargé des Déplacés. Il s’agissait de Mouïn Merhebi qui, depuis, est pratiquement marginalisé, car la tendance générale a changé.
Plusieurs facteurs ont poussé le Liban à changer d’attitude dans l’approche de ce dossier. D’abord, le fait que la guerre en Syrie se prolonge et il n’y a pour l’instant aucun indice sérieux sur le fait qu’une solution définitive est proche. Ensuite, la situation économique et sociale libanaise est devenue très grave et exige une réaction libanaise à plus d’un niveau, notamment sur le plan de la lutte contre le chômage chez les jeunes, ceux-ci étant sérieusement concurrencés par la main-d’œuvre syrienne.
Enfin, l’attitude des Libanais à l’égard de ce dossier a changé, même ceux qui appuyaient l’opposition syrienne et qui sont hostiles au régime syrien ne veulent plus accueillir les déplacés syriens dans leurs villages. Certaines municipalités, dans toutes les régions, prennent d’ailleurs des mesures spécifiques pour limiter les déplacements des Syriens après le coucher du soleil. Il ne s’agit pas de mesures racistes, affirment les autorités concernées, mais d’un souci d’éviter d’éventuelles frictions, dues à la promiscuité, à la misère et au désœuvrement, à la demande des habitants. C’est dire qu’aujourd’hui, la plupart, sinon tous les Libanais sont favorables à un processus progressif de retour. Le Liban officiel avait d’ailleurs envoyé des signaux dans ce sens. D’abord, le président de la République en avait ouvertement parlé à la tribune des Nations unies et dans d’autres rencontres internationales, arabes et européennes. Ensuite, le directeur de la Sûreté générale, qui joue, entre autres rôles, celui de lien agréé avec le régime syrien, a déjà parrainé le retour chez eux de quelques milliers de Syriens.
Mais cette initiative a été très mal accueillie par l’ONU et la communauté internationale en général, qui a précisé que le Liban ne peut pas renvoyer ainsi les déplacés chez eux, et toute opération de retour doit être « sûre, digne et volontaire ». La communauté internationale estime à cet égard avoir fait une concession au Liban en renonçant à exiger que le retour soit lié à une solution politique en Syrie. Mais en même temps, les membres de Haut Comité des réfugiés présents au Liban ont multiplié les enquêtes auprès des déplacés eux-mêmes, notamment dans la région de Chebaa, pour leur déconseiller de rentrer chez eux en leur disant que les maisons sont détruites et que la sécurité n’est pas totalement assurée.
Pour les autorités libanaises, ces arguments ne sont pas convaincants car les organisations internationales ont les moyens d’agir en Syrie même, et les aides qui sont données ici peuvent être octroyées là-bas. De plus, affirmer, comme le font certaines organisations internationales, que le président syrien ne veut pas que les déplacés reviennent ne peut être vérifié que si l’on tente réellement d’amorcer le retour. Sinon, cela reste des accusations politiques.
Les autorités libanaises avancent aussi pour justifier leur détermination à lancer le processus du retour que le Liban a vécu trois expériences d’accueil de déplacés. Il y a eu les Chypriotes en 1974, lors du conflit entre la Turquie et Chypre. Ils sont restés quelques mois et ils sont rentrés lorsque le cessez-le feu a été conclu, sans attendre une solution politique qui n’a toujours pas été trouvée. Il y a eu aussi l’expérience des réfugiés palestiniens qui sont hors de chez eux depuis 70 ans et qui n’ont aucune perspective de retour en vue, sans parler d’une solution politique. Et, enfin, il y a depuis 2011 les déplacés syriens qui sont plus d’un million et demi. Si on leur ajoute les Palestiniens, le chiffre s’élève à 2 millions de déplacés pour une population de près de 4 millions d’habitants. Les chiffres sont hallucinants, et si on devait donner une idée des proportions, cela voudrait dire qu’il y aurait près de 165 millions de déplacés aux États-Unis sur 330 millions d’habitants, ou encore près de 35 millions sur 70 millions de Français ! Quand on pense que l’Europe refuse d’accueillir un million de réfugiés syriens, alors comment peut-on demander au Liban d’accueillir un nombre équivalent à la moitié de ses habitants ? Selon les autorités libanaises, c’est une question de survie pour le pays, sans aucune arrière-pensée raciste. Entre les Libanais et les Syriens, il y a beaucoup trop de liens familiaux, géographiques et économiques pour qu’il puisse y avoir une approche raciste.
De plus, les Syriens souhaitent rentrer chez eux.
Mais ce sont les organisations internationales qui s’y opposent pour des raisons qui ne sont pas convaincantes aux yeux des autorités libanaises. C’est pourquoi le conflit entre le ministère des AE et le HCR aujourd’hui et, demain peut-être, d’autres parties internationales risque de s’envenimer. Mais c’est en rang uni que le Liban espère faire front.
Scarlett Haddad
Liban: un décret de naturalisation de Syriens suscite la polémique. RFI
(Source http://www.rfi.fr/moyen-orient/20180606-liban-decret-naturalisation-syriens-polemique)