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Un officier blâmé pour son talent d’analyse ! David MAITROT

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Spécialiste des questions internationales et de défense, Hadrien Desuin est essayiste. Il vient de publier La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie (éd. du Cerf, 2017). Le 27 juin 2018, le Conseil d’État a confirmé le blâme infligé le 12 mai 2017 à un capitaine de gendarmerie pour avoir publié sur internet des analyses géostratégiques écrites sous le nom de plume d’Hadrien Desuin. Qu’on les approuve ou non, reconnaissons que ses textes résolument gaulliens sont intéressants, bien écrits, sérieux, et diffusés sur des supports de qualité : le Figaro, la Revue des Deux Mondes, Causeur, sans oublier un livre aux Éditions du Cerf. On est loin, très loin, d’un agité qui se défoulerait sur internet comme au café du commerce ! Et pourtant…. Jean-Hugues Matelly,

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Spécialiste des questions internationales et de défense, Hadrien Desuin est essayiste. Il vient de publier La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie (éd. du Cerf, 2017).

Un officier blâmé pour son talent d’analyse ! David MAITROT

Le 27 juin 2018, le Conseil d’État a confirmé le blâme infligé le 12 mai 2017 à un capitaine de gendarmerie pour avoir publié sur internet des analyses géostratégiques écrites sous le nom de plume d’Hadrien Desuin.

Qu’on les approuve ou non, reconnaissons que ses textes résolument gaulliens sont intéressants, bien écrits, sérieux, et diffusés sur des supports de qualité : le Figaro, la Revue des Deux Mondes, Causeur, sans oublier un livre aux Éditions du Cerf. On est loin, très loin, d’un agité qui se défoulerait sur internet comme au café du commerce ! Et pourtant….

Jean-Hugues Matelly, Bertrand Soubelet, Pierre de Villiers, maintenant Hadrien Desuin.

Je trouve inquiétante et regrettable la volonté de l’Exécutif de s’octroyer le monopole de la réflexion sur les sujets de défense et de sécurité, et d’empêcher les militaires de nourrir le débat public et citoyen de leur expérience et de leur expertise.

A l’heure où l’on ne cesse de s’inquiéter des « fake news » et où les idéologies exacerbées tentent de se substituer aux faits objectifs, la vision militaire, fermement ancrée dans le réel, serait pourtant plus que jamais nécessaire.

A l’heure où des jeunes en quête d’un idéal et qui refusent de subir peuvent se laisser tenter par l’islam radical ou la contestation violente, le monde militaire offre l’exemple d’un engagement constructif, citoyen et crédible au service de tous, dans l’éthique et dans l’action. Ou oserait-on prétendre que les compagnons d’armes d’Imad Ibn Ziaten et Arnaud Beltrame n’ont rien à dire à la France ?

N’est-il pas plutôt temps que le pouvoir politique laisse parler les militaires au lieu de parler en leur nom au-dessus de leurs cercueils ?

Devoir de réserve, me dira-t-on. Certes. Mais n’avons-nous pas aussi un devoir de vérité vis-à-vis du seul et unique détenteur de la souveraineté, c’est à dire le peuple français, et vis-à-vis de ses représentants légitimes, c’est-à-dire le Parlement ?

Notre loyauté n’est pas envers l’État, mais envers la Nation (n’oublions pas justement Charles de Gaulle), mais que devient cette loyauté si nous laissons le gouvernement (de quelque bord politique qu’il soit) s’accaparer la parole et la pensée sur des sujets majeurs pour lesquels nous sommes les « sachants » par excellence ?

De quel droit le gouvernement pourrait-il empêcher les parlementaires d’entendre d’autres visions et d’autres idées que les siennes ? De quel droit le gouvernement pourrait-il empêcher les citoyens de nourrir leur réflexion à d’autres sources que la sienne ? Tant qu’il qu’il n’y a ni désinformation, ni atteinte à l’honneur de l’Armée, ni révélation de secrets stratégiques, ni déloyauté vis-à-vis de la France.

Or, autant que je sache et si j’en juge à ce que j’ai lu de leur plume, Jean-Hugues Matelly, Bertrand Soubelet, Pierre de Villiers et Hadrien Desuin n’ont toujours cherché qu’à servir la France, qu’à alimenter des débats nécessaires et parfaitement légitimes, qu’à informer les citoyens pour les encourager à prendre leur citoyenneté à bras le corps en s’intéressant à des sujets majeurs pour notre destin collectif.

On nous parle beaucoup, et à juste titre, de l’importance stratégique du « lien Armée-Nation ». N’est-il pas censé être au cœur de la PSQ ? Or, de Sun Tzu à Clausewitz en passant par Ibn Khaldoun, on sait que tout divorce entre le peuple et ceux qui ont pour mission de le défendre est une catastrophe. Le peuple se retrouve moralement désarmé face aux ennemis de la Nation, et les détenteurs de la force légitime se démotivent ou pire, en arrivent à mépriser ce qu’ils finissent par percevoir comme une « populace » qui ne les comprend pas et ne les soutient plus. Est-ce ce que nous voulons ?

Ne nous méprenons pas. Il n’est pas question pour nous de faire de la « politique politicienne », en soutenant servilement ou en critiquant mécaniquement tel camp ou tel parti plutôt que tel autre. Mais avons-nous encore le droit de laisser nos concitoyens dans l’ignorance des faits que nous constatons ? L’opinion publique est le centre de gravité stratégique des démocraties libérales. N’est-il pas de notre devoir de renforcer la résilience de ce centre de gravité, non pas évidemment en lui faisant croire que nous seuls détiendrions la vérité, mais en lui apportant notre expertise pour alimenter et encourager sa réflexion, pour l’aider à ce que cette réflexion et ses décisions soit les plus lucides possible ?

La citoyenneté est une responsabilité encore plus qu’un ensemble de droits, et les Français méritent mieux que du pain et des jeux : ils méritent qu’on les pousse à s’interroger sur la complexité du monde contemporain, à s’impliquer dans les choix essentiels qui conditionnent l’avenir de notre Nation.

Et gageons qu’une telle prise de conscience collective servirait aussi à rendre sa crédibilité à la classe politique, ou du moins aux hommes et aux femmes politiques qui servent la République plutôt que de se servir d’elle – j’ose croire qu’il y en a, et plus sans doute qu’on ne le dit parfois ! Mieux nos concitoyens pourront se former et s’informer sur les enjeux de défense et de souveraineté, mieux ils comprendront le poids des responsabilités qui pèsent sur leurs élus, et pourront apprécier leur engagement et même accepter leur humaine faillibilité.

Je ne partage pas forcément les analyses, les opinions ou les propositions de Jean-Hugues Matelly, Bertrand Soubelet, Pierre de Villiers ou Hadrien Desuin. Mais j’estime qu’ils n’ont rien fait d’autre que défendre par la plume ce qu’ils avaient fait serment de défendre par les armes. Le Conseil d’État a fait précéder sa décision de la mention « Au nom du Peuple Français. » Eux quatre ne prétendent peut-être pas avoir agi en son nom, mais au moins ont-ils agi à son service.

Lieutenant-colonel David MAITROT

OAC du groupement du Haut-Rhin,  Membre du CFMG

https://www.assogendarmesetcitoyens.com/single-post/2018/07/18/Un-capitaine-bl%C3%A2m%C3%A9-pour-son-talent-d%E2%80%99analyse-

Hadrien Desuin : « Emmanuel Macron, la fin tant attendue du néoconservatisme ». Par 

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Dans son entretien accordé au Figaro le 21 juin, Emmanuel Macron s’exprime notamment sur ses positions internationales en Syrie. Hadrien Desuin décrypte pour FigaroVox les déclarations du Président de la République.


FIGAROVOX.- Dans son grand entretien au Figaro du 21 juin Emmanuel Macron s’est exprimé sur ses orientations internationales. Contrairement à son prédécesseur François Hollande, il ne fait pas du départ de Bachar Al-Assad une condition nécessaire au règlement du problème syrien. Qu’est-ce que cela vous inspire?

Hadrien DESUIN.- C’est une position qu’Emmanuel Macron avait déjà avancée devant Vladimir Poutine à Versailles. Elle se confirme. Il se range définitivement à l’avis de Jean-Yves Le Drian qui revendique cette ligne depuis les attentats de 2015. En tant que ministre de la Défense, il avait alors souhaité un changement de cap en Syrie avec l’intention de se coordonner avec la Russie. L’idée était de participer davantage aux frappes contre Daech et de cesser de soutenir militairement des rebelles trop proches du djihadisme. Malheureusement Laurent Fabius puis Jean-Marc Ayrault ont freiné de tous leurs poids et François Hollande n’a pas insisté.

Le retour à une approche plus réaliste de la situation au Proche-Orient est très appréciable.

Le retour à une approche plus réaliste de la situation au Proche-Orient est très appréciable. Emmanuel Macron pourrait rompre avec une vision complètement déconnectée du terrain syrien en vogue depuis 2011. Cet aveuglement idéologique reposait sur deux postulats: premièrement, Bachar Al-Assad est trop faible pour rester au pouvoir, deuxièmement, il est la cause de l’expansion de Daech. Les dernières déclarations d’Emmanuel Macron replacent nos intérêts de sécurité au dessus des postures de justicier international sans les évacuer complètement. Le changement de régime par la force ne résout rien au Moyen-Orient. La démonstration a déjà été faite avec Saddam Hussein en 2003 en Irak et avec Muammar Kadhafi en Libye en 2011. Imposer la démocratie par les armes et par le biais des milices islamistes c’est une stratégie d’«apprenti sorcier» qui aurait due être abandonnée depuis le début des troubles en Syrie. Nous n’avons pas les moyens d’attiser un troisième foyer djihadiste en Syrie, simplement pour apaiser nos consciences. Avec le bouclier russe, il est de toutes les façons inenvisageable de plaquer cette doctrine néo-conservatrice et unilatérale en Syrie.

Le Président de la République a cependant fermement réaffirmé l’existence de «lignes rouges», notamment les armes chimiques. Comment l’expliquez-vous?

Je pense qu’il s’agit de rassurer son aile interventionniste et atlantiste car le Président n’aime pas les solutions univoques. Il avait ouvert la possibilité de riposte militaire dans le cadre de l’ONU lorsqu’il était en campagne présidentielle et qu’une base aérienne de Bachar Al-Assad avait été attaquée à coups de Tomahawk. Le Conseil de Sécurité est en effet un garde-fou contre les tentations interventionnistes irréfléchies. L’origine des frappes chimiques n’est pas si simple à déterminer dans l’instant sauf à se fier à des agences de presse controversées. Après l’épisode de 2013 à Damas, il a fallu dépêcher une équipe d’enquêteurs indépendants sous l’égide de l’ONU. Cette impartialité nécessite du temps et du calme. Une riposte émotive et colérique, sur le modèle de ce qu’a décidé en plein dessert Donald Trump au printemps, parait très aléatoire. Un accord de désarmement chimique est toujours préférable à une aventure militaire.

La possibilité de frapper Al Qaida en Syrie dans son fief d’Idlib serait une avancée importante à condition de se coordonner avec la Russie.

A Versailles, le Président n’a d’ailleurs pas directement ciblé le gouvernement de Damas mais tous les belligérants qui feraient usage d’armes chimiques. Ce qui ouvre aussi la possibilité de frappes contre Al Qaida en Syrie. Jusqu’à présent les cibles de la France en Syrie se concentraient sur Daech dans l’Est du pays. La possibilité de frapper Al Qaida en Syrie dans son fief d’Idlib serait une avancée importante à condition de se coordonner avec la Russie qui exerce le contrôle de l’espace aérien dans cette province.

Emmanuel Macron déclare notamment «Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans»…

Pour qui dénonce l’emprise d’une petite caste néo-conservatrice jusqu’au plus haut niveau de l’État, c’est une grande satisfaction de voir l’Élysée identifier le danger d’une diplomatie prisonnière d’un discours moral, pseudo-humanitaire et sous influence des faucons de Washington et de l’OTAN. L’arrogance de Donald Trump aide beaucoup Emmanuel Macron à tourner la page de la décennie Sarkozy-Hollande et à formuler une forme de restauration des ambiguïtés du chiraquisme. La France maintient ses sanctions contre Moscou par exemple. Elle a accepté lors du dernier sommet de l’alliance atlantique à Bruxelles que l’OTAN participe à la guerre en Irak-Syrie. L’ambassade de France à Damas reste fermée. Le combat n’est donc pas gagné car toute une génération de diplomates installés par Nicolas Sarkozy, Bernard Kouchner et Laurent Fabius est en place.

Omniprésent dans les cercles de réflexion du quai d’Orsay et de la Défense, le parti « ultratlantiste » infuse toute notre administration.

Cette génération néo-conservatrice a grandi sous la présidence Reagan et a voulu rompre avec la tradition française de la raison d’État tout en ringardisant la synthèse gaullo-mitterrandienne. Il est difficile pour elle de se remettre en cause et de faire le bilan de 25 ans d’échecs stratégiques. Omniprésent dans les cercles de réflexion du quai d’Orsay et de la Défense, le parti «ultratlantiste» infuse toute notre administration depuis que les acolytes de Thérèse Delpech se sont multipliés dans les années 90 et 2000. Sous les feux de la rampe depuis l’arrivée de Nicolas Sarkozy au pouvoir, ils font part de leur amertume suite à l’entretien du président au Figaro. Ils ne s’y attendaient pas mais n’ont pas dit leur dernier mot. Leur obsession c’est le combat contre la Russie et l’Iran. Malgré Donald Trump, les faucons français exercent donc une pression interne et externe pour qu’Emmanuel Macron se tourne à nouveau vers l’Amérique et l’OTAN.

http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2017/06/26/31002-20170626ARTFIG00127-hadrien-desuin-emmanuel-macron-la-fin-tant-attendue-du-neoconservatisme.php

Liliane HeldKhawam
Bienvenue sur le blog personnel de Liliane Held-Khawam! Vous trouverez ici plusieurs publications parues dans la presse ou dans des revues spécialisées. Liliane Held-Khawam est née à Héliopolis (Egypte) et a vécu au Liban, en France, Suisse, Etats-Unis.

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