René Zeyer est un journaliste et auteur germano-suisse. Il publie dans Inside Paradeplatz La succession de dysfonctionnements du gouvernement fédéral entache gravement la réputation de la Suisse. Simultanément, la signature de l’ordonnance fédérale met en danger l’ensemble du patrimoine de la population. J’ai tenté de demander à un spécialiste de me dire s’il voyait dans l’ordonnance une limitation des potentiels futurs engagements en matière de garanties destinées aux grandes banques. Il n’a pu me répondre. Si un spécialiste ne peut répondre alors qui peut le faire? On dispose de nos biens, mais aussi du résultat de notre travail, actuel et futur, sans que nous n’ayons le droit d’en être informés! L’Etat de droit repassera. Pour le moment nous sommes pris en
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La succession de dysfonctionnements du gouvernement fédéral entache gravement la réputation de la Suisse.
Simultanément, la signature de l’ordonnance fédérale met en danger l’ensemble du patrimoine de la population.
J’ai tenté de demander à un spécialiste de me dire s’il voyait dans l’ordonnance une limitation des potentiels futurs engagements en matière de garanties destinées aux grandes banques. Il n’a pu me répondre.
Si un spécialiste ne peut répondre alors qui peut le faire? On dispose de nos biens, mais aussi du résultat de notre travail, actuel et futur, sans que nous n’ayons le droit d’en être informés!
L’Etat de droit repassera. Pour le moment nous sommes pris en otage par notre propre gouvernement qui nous impose une responsabilité qui ne nous incombe pas, et dont les vrais responsables-coupables- bénéficient d’immunité parfaite. Aucun des ex-patrons de Credit Suisse n’a quoi que ce soit à craindre. Nous l’avons vu précédemment avec Swissair, avec le crash de UBS de 2008, et surtout avec la présence extraordinaire de Blythe Masters au Conseil d’administration de CS.
Retour à la Berne fédérale.
Le Wall Street Journal nous apprend que:
« Le président de la plus grande banque de Suisse a reçu un appel urgent la semaine dernière. De l’autre côté, trois hauts fonctionnaires suisses- la ministre des Finances Karin Keller-Sutter, le chef de la banque centrale Thomas Jordan et le régulateur financier Marlene Amstad – ont lancé un ultimatum déguisé en proposition. «
Par conséquent, il a suffi de trois fonctionnaires de l’Etat pour intimer l’ordre à un patron d’entreprise de racheter pour une bouchée de pain son concurrent. On reste ahuri devant un si grand mépris pour le Code des Obligations. L’étonnement est aussi à la hauteur de la facilité avec laquelle 3 personnes ont pu exproprier les actionnaires, fixer un prix de vente au rabais, etc., etc.
Le WSJ nous apprend au passage que
Cela pourrait-il expliquer partiellement le coup de fil au patron de l’UBS?
En me posant cette question, j’ai repensé à l’actuel patron du Credit Suisse, M Axel Lehmann. Saviez-vous que M Lehmann n’est arrivé au Credit Suisse qu’en 2021, et que depuis 2009 jusqu’en 2021, il travaillait pour… UBS.
J’ai appris tout à l’heure que Mme Keller-Sutter, ministre des finances avaient une formation de base d’interprète et pédagogue. Quel rapport avec les banques systémiques qu’elle est supposée sauvée? Aucun.En revanche, Mme Keller Sutter a un solide réseau dans le monde de la haute finance puisqu’elle était elle-même administratrice à la Bâloise assurances.
A ce titre, Mme la Conseillère fédérale siégeait aux côtés du président de l’Association des banquiers privés. Les liens politico-bancaires sont indéfectibles en Suisse.
Je voudrais juste dire pour conclure que si les investisseurs étrangers risquent de perdre toute confiance dans la place financière suisse, il en va de même du citoyen.
Je laisse la place (ci-dessous) à un journaliste connaisseur de la Paradeplatz de Zurich pour détailler la chose.
LHK
Une violation claire du droit- publication du 20 mars- René Zeyer
Le sauvetage d’urgence du Credit Suisse bafoue l’État de droit. Règlement prévu : corbeille à papier. Droit d’urgence : toujours. L’argent du contribuable : bien sûr.
La « meilleure solution » annoncée par le Conseil fédéral – l’UBS rachète le CS pour un pourboire et est libérée de tout risque par le contribuable – est un gâchis.
Un gâchis.
Dans le meilleur des cas, l’UBS gagnera des dizaines de milliards et, dans le pire des cas, le contribuable en perdra autant.
Mais ce qui est encore plus grave, c’est qu’on assiste ici à un bricolage de l’Etat de droit qui pourrait tout aussi bien faire passer la Suisse pour une république bananière.
En guise d’amuse-gueule, voici ce que le Credit Suisse a publié sur son site Internet encore existant :
« On Sunday, Credit Suisse has been informed by FINMA that FINMA has determined that Credit Suisse’s Additional Tier 1 Capital (deriving from the issuance of Tier 1 Capital Notes) in the aggregate nominal amount of approximately CHF 16 billion will be down to zero ».
Site du Credit Suisse
« Compte tenu des circonstances uniques affectant l’économie suisse dans son ensemble, le Conseil fédéral suisse est en train de publier une ordonnance d’urgence adaptée à cette transaction particulière ».
« Plus important encore, la fusion sera mise en œuvre sans l’approbation des actionnaires d’UBS et de Credit Suisse, qui serait sinon nécessaire, afin d’accroître la sécurité des transactions ».
On entend et on s’étonne :
L’autorité de surveillance des banques FINMA, après avoir baissé les bras pendant des mois et approuvé même les déclarations absurdes du président du CS-VR Lehmann selon lesquelles la sortie de capitaux pouvait être stoppée, voire annulée, annonce soudain que le capital Tier 1 supplémentaire de la banque, d’une valeur nominale de 16 milliards de francs, sera réduit à zéro.
Pourquoi ? Pour cette raison. Mais cela ne suffit pas. Une fois de plus, il y a des « circonstances uniques », c’est-à-dire une situation totalement surprenante et imprévisible selon laquelle le CS connaît de graves difficultés.
Comme ni le Conseil fédéral, ni la BNS, ni la FINMA ne pouvaient ne serait-ce que s’en douter jusqu’à dimanche, le droit d’urgence est une nouvelle fois appliqué.
C’est en effet ce que propose l’UBS. Qu’en pensera la banque saoudienne qui a récemment acquis environ 10 pour cent du CS pour un prix d’achat de 4 francs par action ?
L’Arabie saoudite n’est pas vraiment considérée comme un havre d’Etat de droit, notamment en ce qui concerne le traitement des dissidents (et des femmes).
Mais exproprier brièvement un gros actionnaire par une ordonnance d’urgence et lui retirer le droit de protester – c’est monstrueux.
Mais ce n’est pas tout.
L’actionnaire du CS est exproprié au profit d’un tiers (UBS), ce tiers a fixé le prix d’achat (75 centimes), en même temps la perte de l’UBS est limitée à 5 milliards de francs.
Faites le calcul :
3 milliards de « prix d’achat » plus 5 milliards de perte maximale donnent 8 milliards, soit l’équivalent de la capitalisation boursière du CS jusqu’à vendredi soir.
Mais si cette perte de 5 milliards ne se produit pas, l’actionnaire du CS ne participe plus à cette « plus-value », car à 0,75 franc par action, il est entre-temps devenu actionnaire de l’UBS.
Mais ce n’est pas tout.
En dernière instance, c’est la Confédération, donc le contribuable, qui s’en porte garant. Celui-ci met également 9 milliards supplémentaires dans le feu, sans qu’on le lui demande, si l’UBS devait découvrir d’autres cadavres dans les profondes caves du CS.
Il n’est pas question d’une éventuelle responsabilité des « gros bonnets » au plus haut niveau du CS, qui ont mené cette banque autrefois fière à sa perte.
Remboursement au moins partiel des milliards de bonus que ces perdants ont encaissés au cours des 14 années qui ont suivi la crise financière de 2008 ? Pas un mot à ce sujet.
Que va-t-il se passer avec les milliers d’employés du CS en Suisse ? Au conseiller en placement de 50 ans, à la collaboratrice de 55 ans ?
Le Conseil fédéral, la BNS, la FINMA, le Conseil fédéral et les dirigeants des banques impliqués s’en moquent éperdument.
Flanqués de ces chefs qui se sont réveillés bien trop tard de leur profond sommeil, un président de la Confédération en difficulté, totalement dépourvu de connaissances, et une ministre des Finances fraîchement nommée, interprète de formation et totalement dépourvue de connaissances, annoncent un bricolage qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire économique suisse.
Et tout cela doit à nouveau être réglé par le droit d’urgence ?
Toute la magnifique législation « too big to fail », adoptée en grande pompe et censée empêcher précisément ce qui se passe actuellement, est tout simplement jetée à la poubelle ?
N’a-t-on pas prétendu qu’en cas de crise, qui ne pourrait de toute façon plus se produire grâce à des prescriptions beaucoup plus strictes en matière de capital, il existerait des procédures testées et approuvées, accompagnées de manuels, qui permettraient de séparer et de liquider les parties pourries d’une banque d’importance systémique ?
Alors que les parties saines survivraient et que les services tels que le trafic des paiements et le traitement des crédits continueraient à fonctionner sans problème ?
Environ un tiers de la valeur boursière ; c’est une blague, mais une mauvaise blague.
Avec en plus la garantie que les contribuables prendront le relais si des charges anciennes devaient apparaître ?
Pour que cette mascarade puisse avoir lieu, les actionnaires et les parties prenantes du CS sont purement et simplement expropriés – et en même temps privés de toute possibilité de se défendre.
Le Conseil fédéral, dépassé, fait ce qu’il n’a plus jamais voulu faire : il applique le droit d’urgence. La FINMA fait disparaître d’un trait de plume un capital propre de 16 milliards.
La BNS, durement touchée par des pertes de plusieurs milliards, impose une limite de crédit de 150 milliards, sur la base de quelle ordonnance ?
Le Conseil fédéral fait payer le contribuable, plus 9 milliards dans le pire des cas pour les charges héritées du passé.
Ceux qui ont provoqué tout ce gâchis peuvent s’en aller les poches pleines.
L’UBS va très probablement gagner bêtement de l’argent dans l’affaire, sans que l’actionnaire du CS ou le contribuable n’y gagne quoi que ce soit. Tout cela est grave.
Mais ce qui est le plus grave, c’est cette nonchalance, cette furie avec laquelle l’Etat de droit est une fois de plus jeté aux orties.
Dans l’espoir, qui s’est jusqu’ici réalisé, que personne ne le remarque vraiment. Il ne manque plus qu’une chose à la Suisse pour devenir une république bananière : des bananes.
René Zeyer.