La manière dont les autorités sanitaires gèrent le sort du personnel soignant est très curieuse. En 2020, cette population ne trouvait plus le matériel usuel de protection de base. On a pu entendre en Suisse des médecins hospitaliers demander des masques et autres produits désinfectants en direct à la télévision… On les avaient scandaleusement exposés non seulement au Covid, mais à bien d’autres virus et bactéries. Soudain, début 2021, ces personnes étaient devenues une catégorie qu’il fallait protéger en priorité. Et le traitement génique, appelé vaccin, leur était destiné en priorité, en même temps qu’aux personnes âgées. https://lilianeheldkhawam.com/2021/07/18/vaccination-du-personnel-soignant-le-professeur-raoult-a-prepare-la-tache-du-president-francais/
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La manière dont les autorités sanitaires gèrent le sort du personnel soignant est très curieuse. En 2020, cette population ne trouvait plus le matériel usuel de protection de base. On a pu entendre en Suisse des médecins hospitaliers demander des masques et autres produits désinfectants en direct à la télévision… On les avaient scandaleusement exposés non seulement au Covid, mais à bien d’autres virus et bactéries. Soudain, début 2021, ces personnes étaient devenues une catégorie qu’il fallait protéger en priorité. Et le traitement génique, appelé vaccin, leur était destiné en priorité, en même temps qu’aux personnes âgées.
https://lilianeheldkhawam.com/2021/07/18/vaccination-du-personnel-soignant-le-professeur-raoult-a-prepare-la-tache-du-president-francais/
D’ailleurs, comment se fait-il que ce personnel soignant appartienne à la même catégorie que les personnes âgées pour lesquelles l’année 2020 marque le début de leur génocide? Souvenez-vous que l’on a refusé de les soigner et qu’on leur a fermé les portes des hôpitaux. Souvenez-vous de la signature du décret qui autorisait l’usage du Rivotril (en Suisse, la pratique est si courante que cela a dérangé peu de monde…) dans les EHPAD Trop âgées, ces personnes n’étaient pas prioritaires lors du tri. Subitement, quand le produit-miracle anti-Covid est arrivé, ces personnes ou plutôt les survivants de la catégorie sont devenues brusquement prioritaires…
En revanche, les forces de police qui sont au contact des populations et qui sont parmi les plus exposées n’ont pas besoin de se faire vacciner. Pourquoi?
Nous pouvons émettre à ce stade une hypothèse cynique mais basée sur des faits: Le « vaccin-traitement génique » est destiné en priorité aux personnes considérées comme inutiles. En revanche, les personnes qui auront pour tâche de contenir les millions d’insatisfaits en colère seront essentielles pour le système qui se met en place.
Il faut dire que nous sommes en phase d’expérimentation et qu’il fallait commencer par les cobayes dont les décès passeraient plus facilement inaperçu…
https://lilianeheldkhawam.com/2021/01/31/ces-morts-de-covid-19-qui-font-les-affaires-des-comptes-publics/ https://lilianeheldkhawam.com/2021/05/03/les-personnes-vulnerables-semblent-penalisees-par-le-vaccin-pourquoi-persister-sont-ils-devenus-des-indesirables/
Ok pour cette hypothèse concernant les personnes âgées, mais alors direz-vous le personnel soignant est tout aussi vital que les forces de l’ordre. Ils ont été les héros de la société en 2020, etc. etc. Eh bien, dans le cadre du grand RESET de la santé, ils seront parfaitement inutiles, car il y a changement de paradigme au plan médical. Je vous l’avais déjà présenté en 2020, mais aujourd’hui, je vous mets une publication académique convergente. Et si vous êtes, ou vous avez un proche, concerné par le domaine de la santé, je vous invite à lire soigneusement le texte qui suit.
Quand vous aurez fini de lire cette publication de 2014, vous comprendrez beaucoup mieux les bizarreries cauchemardesques que nous subissons depuis 1an et demi… La communauté des malades asymptomatiques y est déjà mentionnée:
17L’importance croissante de la place des technologies de prédiction moléculaire a pour conséquence de faire de chacun de nous les membres d’une même communauté : celle des malades asymptomatiques27.
https://journals.openedition.org/socio-anthropologie/1635#authors
LHK
Présentation de l’article:
De la nanomédecine à la nanosanté : vers un nouveau paradigme biomédical
1« Nouvelles frontières de la recherche en santé1 », « médecine du futur2 », « futur des soins de santé3 », « nouvelle ère scientifique4 », les expressions abondent pour qualifier la nouveauté et la spécificité de la nanomédecine. Cette dernière est généralement présentée comme une révolution médicale qui promet de transformer radicalement la médecine grâce aux nanotechnologies. Ses effets sont censés toucher l’ensemble des champs d’intervention de la médecine, du diagnostic au traitement, incluant de nouveaux dispositifs de délivrance des médicaments (drug delivery technologies), de nouveaux modes d’intervention combinant le diagnostic et la thérapeutique (le théranostic) ou encore de nouvelles techniques d’ingénierie tissulaire.
2De par son caractère transversal, la nanomédecine n’est pas simplement un nouveau domaine biomédical qui viendrait se greffer à ceux déjà existants. Elle constitue un nouveau paradigme des soins de santé qui promeut une autre approche de la prise en charge du patient et de l’intervention biomédicale. La particularité de ce paradigme est d’inclure l’ensemble des grandes tendances de la recherche biomédicale contemporaine sous la coupe du préfixe nano, soit la médecine prédictive, la médecine personnalisée et la médecine régénératrice. Afin de cerner la nature et les implications de ce nouveau paradigme, nous proposons dans cet article le concept de « nanosanté » qui permet de conceptualiser les enjeux liés à la recherche nanomédicale et, plus largement, à ces trois grands secteurs d’avancées biomédicales. Dans un premier temps, nous nous attarderons à définir le concept de nanosanté et à présenter notre démarche. Le reste de l’article exposera notre analyse qui s’articulera autour des trois éléments transversaux du paradigme nanomédical.
La nanosanté, un modèle transversal
3Regroupant les principes de la médecine prédictive, de la médecine personnalisée et de la médecine régénératrice (figure 1), le concept de « nanosanté » permet de saisir de manière globale la nature et les effets des implications du modèle de santé portée par la nanomédecine et, en ce sens, d’appréhender plus largement les enjeux liés aux avancées biomédicales les plus récentes. Ainsi, si la nanomédecine renvoie de manière générale aux diverses applications de la nanotechnologie au domaine de la recherche biomédicale, le concept de nanosanté réfère quant à lui aux effets et enjeux globaux de ces applications sur la santé et la société.
Figure 1 – Les trois champs de développement de la nanomédecineZoomOriginal (png, 69k)
- 5 Coenen-Huther J. (2003), « Le type idéal comme instrument de la recherche sociologique », Revue fra (…)
4Le concept de nanosanté doit se comprendre comme un idéal type servant de « modèle synthétique » destiné à donner un sens général aux différents facteurs qui forment la spécificité de l’application de la nanotechnologie à la médecine5. Il se veut un simple instrument conceptuel qui permet de synthétiser des éléments épars de la réalité nanomédicale et d’offrir une représentation de ce phénomène complexe pour en formaliser les grandes tendances et en apprécier les effets généraux.
- 6 Clarke A. et al. (2010), Biomedicalization. Technoscience, Health, and Illness in the US, Durham/Lo (…)
- 7 Rose N. (2007), The Politics of Life Itself. Biomedicine, Power, and Subjectivity in the Twenty-Fir (…)
- 8 Nous nous référons ici à la notion de « style de pensée » (Denkstill) développée par Ludwik Fleck : (…)
- 9 Kay L. E. (1996), « Life as Technology: Representing, Intervening and Molecularizing », dans Sarkar (…)
5D’un point de vue théorique, le concept de nanosanté contribue à rendre compte des dynamiques de biomédicalisation et de molécularisation. Le néologisme biomédicalisation a été proposé par Clarke et al. afin de conceptualiser la transformation qualitative de la dynamique de médicalisation sous l’effet des innovations technoscientifiques6. Il désigne une profonde mutation des modalités et des finalités de l’intervention biomédicale qui se définit moins par l’exercice d’un contrôle surles corps désignés comme pathologiques que par l’application de pratiques de transformation technoscientifique de ces corps au niveau de leurs unités biologiques fondamentales. À ce titre, cette nouvelle forme de contrôle médical renvoie à un large mouvement de fond épistémologique que Nikolas Rose a appelé la « molécularisation7 ». Puisant ses racines dans la biologie moléculaire, ce nouveau « style de pensée8 » repose sur le déplacement simultané du regard scientifique vers l’échelle des mécanismes vitaux et de la finalité de la pratique médicale vers la transformation technique de ces mécanismes. Comme le remarque l’historienne des sciences Lily E. Kay, le style de pensée moléculaire se fonde sur une conception technologique de la vie (life as technology)ayant pour finalité pratique l’ingénierie du corps9. Il faut ainsi voir dans la nanomédecine la forme médicale la plus aboutie de cette logique contemporaine de technoscientifisation du savoir et de la pratique biomédicale.
Considérations méthodologiques
- 10 Il faut préciser que pour des raisons de confidentialité les noms des chercheurs mentionnés dans ce (…)
6L’analyse qui suit se fonde sur deux principaux types de matériaux qualitatifs. D’une part, nous nous basons sur l’analyse de 27 entrevues semi-directives réalisées avec des chercheurs canadiens et français en nanomédecine travaillant dans des laboratoires universitaires. Les chercheurs interrogés représentent les trois grands secteurs d’activité de la nanomédecine et ont été sélectionnés en fonction de leur expertise dans chacun de ces secteurs10. D’autre part, nous avons analysé des livres d’introduction aux principes de la nanomédecine ainsi que des articles scientifiques (peer reviews) provenant de revues biomédicales. Nous avons également étudié des documents d’initiatives officielles en nanomédecine, tels que ceux de l’Initiative canadienne en médecine régénératrice et nanomédecine (IMRN) ou de la Plateforme technologique européenne en nanomédecine (PTEN). La mise en comparaison des données obtenues pour chacune de ces formes de matériaux a fait ressortir les grandes problématiques liées aux trois branches de la nanosanté que nous allons présenter ci-dessous.
Une médecine prédictive
- 11 European Technology Platform on Nanomedicine (2005), Vision Paper and Basis for a Strategic Researc (…)
- 12 Jain K. K. (2007), Biomarkers: Technologies, Markets and Companies, Bâle, Jain PharmaBiotech Public (…)
- 13 Lock M. (2010), « The Future is now. Locating Biomarkers for Dementia », dans Burri R. V., Dumit J. (…)
7L’une des grandes promesses de la nanomédecine est de développer de nouvelles technologies de diagnostic capables de détecter une maladie le plus précocement possible grâce à la recherche de biomarqueurs11. Référant à toute altération cellulaire au niveau de l’ADN, de l’ARN ou des protéines, les biomarqueurs sont des caractéristiques moléculaires qui peuvent être « objectivement » mesurées et évaluées comme indicateurs du fonctionnement normal ou pathologique des processus biologiques12. Ils sont considérés par un grand nombre de chercheurs comme l’essence même d’une maladie en gestation13.
- 14 Lock M. (2005), « The Eclipse of the Gene and the Return of Divination. », Current Anthropology, 46 (…)
8Contrairement à des spécialités comme l’épidémiologie ou l’anatomie pathologique, la nanomédecine s’intéresse particulièrement à la détection des signes de la maladie avant même qu’une personne ait commencé à être malade. Elle vise à générer une forme de savoir qui cherche, dans la condition biologique présente, les éléments prédictifs de sa condition future en rendant cette dernière calculable14. La mise en évidence de certains biomarqueurs sert à produire une connaissance prédictive de l’histoire « naturelle » du développement pathologique à venir afin d’intervenir le plus tôt possible.
Le modèle de la « cascade »
- 15 Boenink M. (2010), « Molecular Medicine and Concepts of Disease: The Ethical Value of a Conceptual (…)
9La nanomédecine se fonde sur un modèle de conceptualisation du pathologique que l’on peut décrire à partir de la métaphore d’une « cascade15 ». Basé sur la connaissance du fonctionnement des processus moléculaires, le modèle de la cascade comprend la maladie d’après le schéma suivant : des mutations moléculaires au sein de la cellule mènent à des changements au niveau cellulaire qui transforment le fonctionnement des tissus et des organes et causent des symptômes, des signes et des expériences subjectives de mal-être.
- 16 Ibid., p. 17.
10Ce modèle considère la maladie comme un processus dynamique dont la source se trouve au niveau de l’altération des composantes intracellulaires, c’est-à-dire des unités fondamentales du vivant. Il porte l’attention sur le développement temporel du pathologique et les relations de causes à effets entre ses différents stades. Une telle conceptualisation va au-delà de la simple représentation ontologique de la maladie comme altération d’un état de nature16. Raisonnement que l’on retrouve notamment à la base de l’anatomo-pathologie classique qui ne s’intéresse pas au processus précédant l’altération de l’état biologique. Cherchant à objectiver les éventuelles corrélations entre les facteurs de risques mis en évidence par les biomarqueurs et les maladies auxquelles ceux-ci pourraient se rapporter, la nanomédecine transcende le raisonnement épidémiologique sous-jacent à la médecine préventive et pousse vers de nouvelles avenues la médecine prédictive, telle qu’elle s’est développée jusqu’à présent avec la génomique.
« Avoir de l’avance sur la maladie »
11Pierre B., chercheur travaillant sur l’application des nanoparticules pour l’imagerie médicale en milieu clinique, résume comme suit le raisonnement caractéristique du nanodiagnostic : « La nanotechnologie permettra d’avoir des outils pour être plus prédictif, de faire des diagnostics plus précoces. […] Comme on va faire le diagnostic très en amont, on va avoir de l’avance sur la maladie. »
- 17 Dao Hai Z. et al. (2003), « Reliability of Tissue Microarrays in Detecting Protein Expression and G (…)
- 18 Dürr A. et al. (2009), « Enjeux de la médecine prédictive en neurogénétique : quelle place pour l’h (…)
- 19 Reynaudi M., Sauneron S. (2012), « Médecine prédictive : les balbutiements d’un concept aux enjeux (…)
12Le modèle du nanodiagnostic suggère non pas que les biomarqueurs révèlent la présence d’une maladie, mais en prédisent le développement. Ils sont considérés comme faisant partie intégrante de la définition d’une maladie, car ils en incarnent statistiquement la « présence ». Ainsi, une patiente à qui l’on détecte par microarrays un marqueur associé au cancer du sein « a » ce cancer17, même si la présence de la maladie n’est pas effective. L’analyse moléculaire nous confronte en fait à une situation paradoxale où la preuve de la maladie repose sur son absence, c’est-à-dire sur des signes non accessibles au champ perceptif18. Le présent de la maladie se définit en fonction d’un futur probabiliste, ayant pour effet d’introduire un raisonnement prédictif à la base duquel les faits objectifs sont définis à partir de corrélations de facteurs moléculaires de risques. Et cela malgré le fait que les relations de causes à effets entre la détection des prédispositions moléculaires et le développement futur de certaines maladies soient loin d’être évidentes. D’ailleurs, en l’état actuel de l’avancement scientifique, prévoir avec précision le passage du génotype au phénotype ainsi que la gravité et l’âge d’apparition d’une maladie reste quasi-impossible pour les maladies multifactorielles qui représentent la plupart des pathologies courantes19.
- 20 Hood L. (2010), « A Vision for Personalized Medicine », MIT Technology Review, http://www.technolog (…)
13Fondé sur une temporalité médicale tournée vers l’avenir de la santé plutôt que sur la présence effective de la maladie, le mécanisme intellectuel du nanodiagnostic se comprend donc comme la mesure quantitative du degré de risque, soit de probabilité de développement d’une pathologie en gestation. Comme l’exprime le biologiste Leroy Hood, le raisonnement prédictif vise à « interroger la santé plutôt que la maladie20». Ce raisonnement oriente le développement de la nanomédecine qui s’intéresse moins à combattre la maladie, qu’à maintenir la santé par le contrôle technologique de son état futur, exprimant une profonde transformation de la finalité de la pratique biomédicale qui redéfinit non seulement sa temporalité, mais aussi de manière concomitante son territoire d’intervention.
La production technologique du corps à risque du « patient-en-devenir »
- 21 Timmermans et Buchbinder définissent le patient-en-devenir « as an umbrella concept for those under (…)
- 22 Kenen R. H. (1996), « The At-Risk Health Status and Technology: A Diagnostic Invitation and the “Gi (…)
- 23 Les laboratoires sur puce ou lab-on-a-chip sont des surfaces de quelques centimètres carrés intégra (…)
- 24 Le concept est emprunté au sociologue Dominique Vinck. Voir Vinck D. (2009), « De l’objet intermédi (…)
14Le raisonnement asymptomatique et prédictif de la nanomédecine nous confronte à un brouillage de la frontière entre le corps normal et le corps pathologique, au milieu desquels émerge le corps à risque du « patient-en-devenir21». Le statut probabiliste de la catégorisation prédictive induit un état d’incertitude médicale qui génère cette nouvelle figure d’un patient asymptomatique se situant dans une zone intermédiaire à la frontière de la santé et de la maladie, du normal et du pathologique. Alors que la biomédecine conçoit traditionnellement son objet par rapport à un corps pathologique défini par la présence de symptômes avérés en opposition à un corps normal asymptomatique, le nanodiagnostic conçoit ici son objet par rapport à un corps à risque produit par les nouveaux dispositifs techniques de diagnostic moléculaire.
Ce sont en effet ces nouvelles technologies qui, de par les informations qu’elles produisent, donnent consistance à ce corps virtuellement porteur d’une maladie en devenir22, inversant le rapport présence/absence caractéristique de la médecine clinique. Elles sont, à l’image du laboratoire sur puce23, des objets intermédiaires24, c’est-à-dire des supports, des vecteurs de la pensée moléculaire qui matérialisent son système de pensée et de classification et à partir desquels se construit le corps à risque. Le pouvoir normatif du savoir médical est matérialisé dans ces nouvelles technologies capables d’effectuer le travail de traitement et d’analyse d’un processus de diagnostic sans forcément avoir besoin de la présence d’un médecin.
- 25 L’anthropologue Kaushik Sunder Rajan souligne l’importance des nouvelles technologies informationne (…)
15Pierre B. remarque ainsi que « pour le diagnostic on a vraiment un saut technologique majeur parce que vous avez l’entrée d’une nouvelle science, la physique de l’information, l’électronique, le microprocesseur. […] C’est le fait de traiter de l’information qui est important ». Bien que ce « saut technologique » ne soit pas propre à la nanomédecine, mais s’enracine plus profondément dans la dynamique de molécularisation, cette remarque met toutefois en évidence le fait que ce changement d’optique du savoir médical vers la connaissance du futur biologique trouve sa condition de possibilité matérielle dans les nouvelles technologies de traitement informationnel25.
- 26 Nous reprenons ici le concept utilisé par Jean Baudrillard dans : Baudrillard J. (1981), Simulacres (…)
16Puisque « c’est le fait de traiter de l’information qui est important », les technologies informationnelles sont la condition essentielle à la production et à la diffusion du savoir prédictif du nanodiagnostic.Ce sont elles qui donnent « réalité » à ce qui n’en a pas encore, soit le corps à risque du patient en devenir. En tant que vecteurs de la logique prédictive et asymptomatique de la pensée moléculaire, les technologies de nanodiagnostic produisent en fait une « hyperréalité26 » de l’état de santé, c’est-à-dire qu’elles font coïncider la réalité de l’état présent avec la connaissance prédictive générée par les dispositifs de diagnostic moléculaire. Autrement dit, la présentation de la réalité simulée ou informationnelle du futur biologique devient la réalité biologique présente, une hyperréalitéqui, d’une part, oblitère la virtualité originelle du corps à risque pour en faire une condition « réelle » en gestation et, d’autre part, masque l’opération technique productrice de cette condition.
Contrôler la santé, surveiller le corps
- 27 Lock M., Nguyen V.-K. (2010), An Anthropology of Biomedicine, West Sussex, Wiley/Blackwell, p. 331.
- 28 Gordon N., Sagman U. (2003), « Nanomedicine Taxonomy », Canadian Institutes of Health Research/Cana (…)
- 29 Bashirullah R. (2010), « Wireless Implants », IEEE Microwave Magazine, 11/7, p. S14-S23 ; Fortina P (…)
- 30 Lafontaine C. (2008), La société postmortelle, Paris, Seuil.
- 31 Johnson J. A., Evans W. E. (2002), « Molecular Diagnostics as a Predictive Tool: Genetics of Drug E (…)
Au regard du prisme de la pensée moléculaire, nous partageons une condition biologique aussi précaire que celle du malade chronique dont il faut suivre en permanence l’évolution de l’état de santé afin de guetter la moindre défaillance biologique. À cet effet, le développement de nouvelles technologies de surveillance de la santé est l’une des priorités de la nanomédecine28, comme, par exemple, les micropuces wireless implantables dans le corps29. La représentation idéale guidant le développement de l’ensemble des technologies de diagnostic moléculaire est celle d’une surveillance technologique du corps qui non seulement s’intégrerait à la vie quotidienne, mais s’étendrait aussi tout au long de la vie. De la naissance jusqu’à la mort30, le cours de l’existence serait entièrement biomédicalisé et sous contrôle technologique permanent31.
- 32 Walhout B. et al. (2010), Nanomedicine in the Netherlands: Social and Economic Challenges, La Haye, (…)
18Les dispositifs de nanodiagnostic élargissent ainsi considérablement les possibilités de surveillance technique du corps non seulement dans le temps (n’importe quand), mais aussi dans l’espace (n’importe où). Alors que les procédures de suivi de la santé étaient essentiellement circonscrites à un contrôle à l’hôpital ou dans une clinique, la miniaturisation des dispositifs de diagnostic permet aux instruments médicaux de se diffuser au-delà des murs des institutions médicales dans l’espace intérieur du corps et d’en surveiller continuellement les moindres changements physiologiques et moléculaires32.
- 33 Lafontaine C. (2003), « Nouvelles technologies et subjectivité », Sociologie et sociétés, 35/2, p. (…)
19Cette décentralisation du soin a pour conséquence de remettre en cause les frontières de l’intimité corporelle en renversant radicalement l’axe intériorité-extériorité, public-privé. Renversement qui est une conséquence directe des nouvelles technologies de l’information dont la particularité est de contribuer au rétrécissement de l’espace intime33.
La nécessité de l’information a pris le pas sur l’intime. Comme un gant que l’on retournerait sur lui-même, le corps est entièrement mis à jour pour en évaluer en permanence les déviations et anormalités afin d’éviter tout « risque ». Cette mise sous observation constante de l’intimité biologique contribue à brouiller toute différenciation claire entre ce qui relève du privé et du public, rendant flou ce que l’on considère comme appartenant aux territoires de l’intime. Sur ce point, Sébastien R., chimiste et toxicologue, nous a clairement exprimé ses craintes quant au développement de ces dispositifs de surveillance :
- 34 Acronyme de Radio Frequency Identification « Technique qui permet d’identifier des objets en utilis (…)
Il y a un gros problème éthique. Jusqu’où va la liberté ? J’ai d’ailleurs aussi un problème avec le RFID34. On vend de la RFID à tout vent. On en est à dire « On va nanotaguer ». […] C’est nanotaguer des médicaments comme l’insuline qui permettrait simplement de dire par relais satellite à l’infirmière ou au médecin que le patient a bien pris son médicament. Ça veut dire quoi ? Ça soigne quoi ? Ça soigne rien. […] Le fait de rajouter une puce RFID ne va pas améliorer quoi ce soit à l’efficacité de l’insuline. […] Pour moi, ça, c’est un grave problème. C’est de l’électronisation de l’homme, un asservissement du patient et de l’homme. […] Moi, ça me fait très peur ces medical devices. On perd une indépendance, une liberté. Il y a un humanisme qui est perdu, je pense…
Une médecine personnalisée
- 35 Ranganathan R. et al. (2012), « Nanomedicine: Towards Development of Patient-Friendly Drug-Delivery (…)
- 36 European Technology Platform on Nanomedicine, Vision Paper and Basis for a Strategic Research Agend (…)
20Les nanodispositifs de détection prédictive et de surveillance biologique nous confrontent à l’autre grande promesse de la nanosanté : celle d’être une médecine personnalisée. La nanomédecine se présente en effet comme une approche médicale patient-friendly35 qui permettrait à partir d’un diagnostic personnalisé d’avoir une thérapeutique « sur mesure » offrant la promesse d’une médecine qui prendrait en compte la « spécificité » de chaque patient36. Mais de quelle « spécificité » parle-t-on au juste ? Et qu’entend-on exactement par « sur mesure » ?
Individualité moléculaire et personnalisation du soin
- 37 Jain K. K. (2002), « Personalized Medicine », Current Opinion in Molecular Therapeutics, 4/6, p. 54 (…)
- 38 Jain K. K. (2004), « Role of Pharmacoproteomics in the Development of Personalized Medicine », Phar (…)
21La nanomédecine se veut l’application la plus poussée du concept de médecine personnalisée qui doit son essor aux avancées en pharmacogénomique37 et en pharmacoprotéomique38. Pierre B. résume cette application de la manière suivante :
La médecine personnalisée […] c’est l’idée qu’avant on prenait un médicament pour tout le monde, alors que maintenant on va pouvoir définir des profils par patient en fonction de son patrimoine génétique, de son métabolisme. Tel patient il faudra en mettre plus, d’autres moins, d’autres on sait à l’avance que ça marchera pas. Donc c’est ce concept-là, c’est d’arriver à avoir des objets qui sont plus façonnés, adaptés pour le patient spécifiquement et pas un produit qu’on va donner à tout le monde. Moi je vois dans la nanomédecine cet aspect, l’aspect personnalisation au patient. Pour moi, c’est un concept qui est vrai et également qui va passer par des nouveaux outils qui seront soit des produits de contraste, soit des nanosondes ou des nanos… qui vont nous aider à faire le diagnostic. […] C’est pas une personnalisation au sens interpersonnel, psychologique ou autre. C’est vraiment la personnalisation au sens de la variabilité biologique.
- 39 Boenink M., « Molecular Medicine and Concepts of Disease », art. cité, p. 18.
22Jusqu’au développement de la médecine moléculaire, le savoir biomédical s’est développé à partir d’une conception de la santé et de la maladie définie sur une base populationnelle. Les dispositifs de diagnostic moléculaire offrent cependant la possibilité d’avoir un certain nombre d’informations dont le point de référence central est l’individu lui-même39. L’histoire de l’évolution biologique individuelle devient centrale. La valeur prédictive des informations issues des données fournies par les biomarqueurs se comprendrait alors par rapport à la comparaison des valeurs antécédentes propres au développement biologique d’une même personne.
23Cependant, l’identification des biomarqueurs n’aboutit pas à une individualisation radicale du soin, malgré ce que laisse entendre l’utilisation ambiguë du concept de personnalisation dans les discours présentant les potentialités de la nanomédecine. La personnalisation du soin se comprend dans un sens plus réductionniste qui ne remet pas foncièrement en question le modèle de référence populationnel. Elle est en fait un raffinement de ce modèle sur la base d’une stratification plus poussée des groupes de patients d’après leur « patrimoine génétique » et leur « variabilité biologique ». En ce sens, les dispositifs nanométriques contribuent moins au développement d’une médecine dont le seul point de référence serait l’individu lui-même qu’à celui d’une catégorisation plus fine du profil moléculaire de chaque patient permettant de développer des thérapies adaptées à des sous-groupes de population. Et cela afin de réduire les chances de surtraitement ou, à l’inverse, de sous-traitement. C’est ce qu’expriment ces deux chercheurs :
[…] en fait personnaliser le traitement ça veut dire […] je prends une femme qui a un cancer du sein, je vais faire une analyse génétique pour voir et puis une analyse de ses cellules tumorales pour voir si ça va réagir à tel ou tel traitement, si elle a tel ou tel gène qui permet de montrer qu’il y a une résistance, enfin « screener » le profil biologique, génétique du malade et de la maladie et de dire quel sera le traitement le plus adapté à la cible… [Joëlle D.]
[…] on adapte déjà la dose de médicaments au poids des gens, mais là ça va beaucoup plus loin, c’est-à-dire, par exemple, qu’un patient qui a une tumeur exprimera tels et tels antigènes donc on saura très tôt qu’il fera partie d’un sous-groupe donc on va arriver à individualiser tellement de paramètres du malade… que ça sera un individu spécifique qui ressemblera pas à celui d’à côté parce que celui d’à côté il aura pas de diabète, il aura dix ans de moins et donc le traitement sera un tout petit peu différent à cause de cette différence. On va arriver à faire des paradigmes… enfin des armes décisionnelles adaptées aux multiples paramètres d’un individu. [Pierre B.]
- 40 Ricroch A., Dekeuwer C. (2007), « Enjeux éthiques de la médecine prédictive », Droit, déontologie (…)
- 41 Dion-Labrie M. et al. (2008), « Réflexions éthiques sur la médecine personnalisée : l’alliance de l (…)
- 42 Collin J. et al. (2006), Le médicament au cœur de la socialité contemporaine : Regards croisés sur (…)
24La « spécificité » du patient s’élabore sur la base d’une catégorisation moléculaire à partir de laquelle se comprend concrètement le sens de l’expression médecine personnalisée. Autrement dit, la médecine personnalisée fait comme si le diagnostic était sur mesure et le patient un cas individuel40, mais il reste un cas dans une série de référence statistiquement établie, quoique plus fine. C’est parce que le patient « fera partie d’un sous-groupe » que « ce sera un individu spécifique ». La personnalisation du soin se comprend en rapport à une conception de l’individualité définie sur la base des caractéristiques moléculaires d’un sous-groupe d’individus partageant la même condition. L’individualité biologique et, en tout premier lieu, l’individualité moléculaire sont les points de départ à partir desquels est pensé le soin. C’est sur la base de ce réductionnisme que s’élaborent les nouvelles possibilités thérapeutiques « sur mesure » qui remettent en cause le modèle pharmaceutique du blockbuster, dont le principe est de créer un médicament dans l’optique qu’il soit utilisable par le plus grand nombre possible d’individus41. En ce sens, après le paradigme de la spécificité du médicament, la perspective ouverte par « la pharmacogénétique remet au goût du jour le primat de la spécificité du patient, mais une spécificité objectivée, seule compatible avec la “vraie science”42 ».
- 43 Canguilhem G. (2009), Le normal et le pathologique, Paris, PUF.
- 44 Lafontaine C. (2004), L’empire cybernétique, Paris, Seuil.
- 45 Dion-Labrie M. et al., « Réflexions éthiques sur la médecine personnalisée : l’alliance de la scien (…)
- 46 À ce sujet voir le numéro spécial « Guérir grâce à la thérapie : peut-on encore y croire ? » paru d (…)
25Loin de signifier la réintroduction de ce que Canguilhem considérait être la réalité individuelle et qualitative de la maladie43, le passage d’un modèle de traitement en masse à un modèle personnalisé s’effectue sur la base d’un renouvellement du modèle biomédical qui s’est historiquement constitué à partir du rejet de l’expérience subjective du patient et de l’objectivation de son corps. La figure du patient, telle qu’elle est conceptualisée par la médecine personnalisée et reprise par la nanomédecine, s’inscrit dans cette perspective. Elle renvoie à un individu réifié à partir de ses caractéristiques moléculaires et consacre de ce fait la représentation informationnelle de l’humain44. La médecine personnalisée repose ainsi sur un important paradoxe : « C’est en se faisant la plus scientifique et objective possible que cette médecine veut devenir adaptée à la situation unique de chaque patient45. » De ce point de vue, la nanomédecine est moins une révolution que la poursuite de l’orientation amorcée par la génétique et la génomique avec la thérapie génique, dont elle tente de ranimer l’enthousiasme déçu46. Sous un autre angle, la convergence de cette orientation réductionniste avec la logique proactive de la nanomédecine fait de celle-ci une pratique qui accentue la mise à distance objective du patient.
Une « personnalisation très technique »
26Pour la nanomédecine, la personnalisation du soin passe par l’accroissement du degré de complexité et de maîtrise moléculaire de ces dispositifs et non par un meilleur dosage entre la nécessité d’objectivité, propre à toute pratique scientifique, et l’intégration de la subjectivité individuelle. Parlant du concept de personnalisation, Joëlle D. faisait la remarque suivante : « Est-ce que ça va être une médecine personnalisée au sens d’un rapport plus personnel entre le patient et le médecin ? C’est de la personnalisation très technique en fait. » À ce titre, le concept de « théragnostic » est exemplaire de cette conception technoscientifique de la personnalisation.
- 47 Couvreur P. (2010), « Les nanotechnologies peuvent-elles contribuer à traiter des maladies sévères (…)
27Concept propre à la nanomédecine, le théragnostic vise à développer des dispositifs nanométriques au design modulaire combinant le diagnostic et la thérapeutique pour réaliser un traitement « sur mesure ». Il consiste plus précisément à créer des vecteurs ou nanoplateformes multifonctions capables, lors d’une même procédure, de réaliser un test diagnostic, de délivrer un traitement à une cible précise et de suivre la réponse à ce même traitement. Incarnant le principe de « nanotechnologies intelligentes47 », ces plateformes multifonctions intègrent des agents de contraste, permettant une imagerie ultrasensible, à des agents thérapeutiques adaptés au patient. Ainsi, nous dit Nicolas L., chercheur en nanopharmaceutique :
[La] nanotechnologie en théragnostic, c’est vraiment l’alliance entre l’imagerie et la thérapeutique, c’est-à-dire avoir un objet qui permet d’être imagé, qui va aller se balader vers la tumeur, on va observer ça sur un écran, et par une source externe on va déclencher la libération du principe actif au niveau de la tumeur.
- 48 Ibid.
- 49 Ibid.
- 50 Sumer B. et Gao J. (2008), « Theranostic nanomedicine for cancer », Nanomedicine, 3/2, p. 137.
28Grâce à leurs propriétés, ces « vecteurs furtifs48 » se déplacent dans le corps en déjouant les mécanismes de défense biologique. Patrick Couvreur, pionnier de la recherche en nanopharmaceutique, utilise explicitement l’image du « missile magique » de Paul Ehrlich pour décrire l’effet recherché de ces dispositifs : « Grâce au développement des nanotechnologies, le magic bullet ou ‘‘missile magique’’ imaginé par le savant et immunologiste Paul Ehrlich est devenu réalité49. » Au-delà de la référence à Ehrlich visant à inscrire la nanomédecine dans la continuité d’un projet scientifique dont elle serait la concrétisation historique, l’utilisation de la métaphore guerrière du « missile magique » exprime la logique proactive sous-jacente à cette nouvelle forme d’intervention médicale50.
De l’effacement du geste médical à sa délégation aux dispositifs technologiques : la mort annoncée du médecin
29La conception de la personnalisation qu’incarne le théragnostic renvoie à une individualisation proprement technoscientifique du soin où l’emphase n’est pas mise sur l’individualité du patient comme personne, mais sur la spécificité de l’action et les critères techniques du dispositif nanométrique en lui-même :
Avec le théragnostic à la fois on va voir et on va contrôler, mais on va contrôler que le médicament qu’on veut il est bien allé dans la tumeur qu’on veut parce qu’on va le voir. Et là c’est intéressant parce qu’on contrôle en visualisant où ça va. […] On peut avoir un contrôle à distance et changer au dernier moment. [Pierre B.]
30Cette alliance des fonctionnalités correspond au processus de technoscientifisation de la pratique médicale propre à la nanomédecine. Le corps du patient devient accessible uniquement par la médiation d’un dispositif technologique auquel est déléguée la capacité d’agir, laissant place à une relation patient-médecin entièrement définie technologiquement. Ces deux citations sont explicites sur ce point :
[…] disons que la relation… c’est clair que… en théragnostic avec l’imagerie c’est plus une relation individuelle, on est dans la technique, dans une relation technique avec le patient. [Nicolas L.]
La relation du toucher entre le médecin et le patient par lequel il pouvait diagnostiquer des choses ça existe de moins en moins et on passe plus par l’imagerie médicale non invasive à distance. Donc de ce point de vue-là, effectivement je pense que les traceurs type agents de contraste éloignent. […] C’est clair que maintenant quand on se fait opérer l’essentiel des trucs se font par endoscopie où on voit… où finalement le médecin voit l’intérieur du corps par l’intermédiaire de petites caméras introduites et de petits scalpels. On va vers ça. Je pense que c’est la suite logique d’aller vers des… la nanomédecine… C’est un petit peu vers la suite logique d’aller vers des trucs activables à distance. Oui, je pense qu’on va s’éloigner. [Joëlle D.]
- 51 Masquelet A.-C. (2007), « La relégation du corps à corps chirurgical », dans A.-C. Masquelet, Le co (…)
31Comme le laisse sous-entendre la formule de Joëlle D., « on va s’éloigner ». Cette mise à distance technologique ne doit toutefois pas se comprendre comme une rupture radicale avec la tradition médicale moderne. Pour Alain-Charles Masquelet, « l’évolution de la chirurgie moderne peut être lue comme l’histoire d’un double reflux : retrait de la main de l’opérateur en même temps que s’accomplit une clôture des corps souffrants51». La mise à distance progressive du sujet agissant et de son ressenti subjectif (le toucher) par la rationalisation de la pratique médicale a constitué la garantie de sa scientificité et marqué l’émergence du rôle central de l’instrument comme médium de contrôle de la pratique.
- 52 Voir European Commission et ETP Nanomedicine (2009), « Roadmaps in nanomedicine towards 2020 », ETP (…)
32La représentation du progrès médical est désormais associée au développement d’une médecine entièrement technicisée où le retrait du geste et du corps à corps apparaît comme la garantie de l’amélioration du soin. L’emphase mise sur le développement de nouvelles technologies non invasives, ne nécessitant plus l’intrusion dans le corps par incision cutanée, considérée comme un acte violent et incertain, est caractéristique de cette mise à distance technologique et de cette croyance en la supériorité d’une action technologique écartant totalement la subjectivité de l’agir humain. La non-invasivité du théragnostic est d’ailleurs un argument récurrent dans les discours de présentation des innovations nanomédicales qui cherchent à promouvoir leur nouveauté52.
Une médecine régénératrice
33Visant à reproduire artificiellement les processus biologiques permettant la régénération tissulaire, la médecine régénératrice est certainement la partie du modèle de la nanosanté qui correspond le plus clairement à la logique technoscientifique de la nanomédecine. Isabelle V., chercheuse en ingénierie cellulaire, définit la médecine régénératrice comme suit :
Ma définition c’était celle-là en fait. Ce sont des approches qui sont basées soit sur des cellules ou des molécules pour favoriser la réparation des tissus. Alors on peut soit remplacer les cellules du tissu en faisant de la culture ex vivo de cellules et produire des cellules semblables et les transplanter ou on peut, par exemple, faire des injections d’un médicament qui va favoriser la prolifération, la différenciation des cellules-souches qui sont déjà présentes dans ce tissu-là. Alors nous, c’est plutôt ça qu’on fait, mais y a d’autres personnes qui vont utiliser des biomatériaux pour favoriser la régénération. Ils vont soit implanter des biomatériaux, des matériaux synthétiques qui sont à base de polymères, pour favoriser la croissance, la prolifération des cellules ou, par exemple, qui vont développer des biomatériaux sur lesquels ils vont ensemencer des cellules et faire la culture ex vivo et puis transplanter une structure avec des cellules puis des polymères.
Aider le corps à se soigner lui-même
- 53 European Technology Platform on Nanomedicine, Vision Paper and Basis for a Strategic Research Agend (…)
34L’originalité du projet de la médecine régénératrice consiste à vouloir « aider le corps à se soigner lui-même53». Souvent considérée comme une nouvelle forme de la médecine de transplantation, elle se distingue cependant de cette dernière qui sous-tend une logique de remplacement ou de réparation, plutôt que de régénération. La transplantation a pour objectif de pallier la dégénérescence d’un organe par son remplacement sans tenter d’en rétablir l’état normal. Par contraste, la régénération implique de restaurer la structure et la fonction normales d’un organe sans le substituer. Elle ne cherche pas à pallier un dysfonctionnement organique, mais véritablement à retrouver la fonction « normale » de l’organe en en stimulant l’auto-régénération. Elle souhaite non seulement arrêter, mais aussi inverser le processus de la dégénérescence tissulaire pour, d’une certaine manière, retourner dans le temps afin de recouvrer l’état organique antérieur. Alex C., chercheur travaillant sur la neurodégénérescence, fit clairement apparaître cette différence lorsque nous lui avons demandé de définir la spécificité de la médecine régénératrice. Pour lui, la transplantation relève bien d’une autre logique thérapeutique par rapport à ce qu’il appelle l’« auto-réparation » (self-repair) caractéristique de la médecine régénératrice :
I guess the simplest definition that I would think about would be… self-repair. And I think about it at a tissue level. There is tissue damage. Can you self-repair a tissue ? I would say that is the core of my definition. […] Now, that is a little bit different from transplantation where you control tissues and cells outside the body and you put them back in. It’s still in the overall umbrella of regenerative medicine let‘s say. But in my view regeneration is… is redoing a process that has already been done. That’s a kind of tissue self-repair because the tissue has already been made and now has to make itself again. Either as the result of a normal process, or as a result of damage or diseases.
35En ce sens, l’aspect révolutionnaire de la médecine régénératrice serait de proposer une approche qui ambitionne de guérir en arrivant à restaurer l’état de normalité physiologique d’avant la maladie. Elle développe des techniques qui cherchent à restaurer une normativité physiologique qui serait l’état naturel passé d’une personne. Or, cet objectif de retour à une normativité naturelle passée est en lui-même paradoxal par rapport à l’approche technoscientifique du soin qu’elle propose en pratique. En fait, l’aspect « révolutionnaire » de la régénération ne réside pas dans la restauration d’une condition biologique antérieure, mais dans le refaçonnement technique de la condition biologique présente.
Régénérer les tissus, refaçonner le corps, améliorer le biologique
36L’expression « aider le corps à se soigner » est en elle-même hautement représentative de ce paradoxe. On cherche à rétablir un état naturel antérieur à partir d’une « aide » médicale qui implique l’intervention technique de l’être humain dans le cours du développement biologique. Autrement dit, une intervention qui implique une transformation des processus biologiques et non pas la restauration de leur état antérieur. Voici comment la chercheure Isabelle V. conçoit la différence entre la médecine régénératrice et la médecine clinique traditionnelle :
La différence que je pourrais voir, y a certaines nouvelles approches en médecine régénératrice qui essaient vraiment de comprendre comment le corps se répare ou se régénère naturellement puis essaient d’améliorer ou de renforcer ces processus-là qui sont latents dans le tissu. Je pense que la médecine conventionnelle va pas vraiment cibler des processus qui sont latents, elle va cibler des processus qui sont actifs puis essayer probablement de les favoriser ou de les faciliter.
- 54 Hogle L. F. (2003), « Life/Time Warranty: Rechargeable Cells and Extendable Lives », dans Franklin (…)
37En s’appuyant sur la compréhension des processus naturels de la régénération tissulaire, la médecine régénératrice n’a pas pour objectif de restaurer le fonctionnement normal de ces processus, mais « d’améliorer ou de renforcer ces processus-là qui sont latents dans le tissu » par le recours à des techniques qui essaient de stimuler le corps. À l’inverse de la transplantation d’organes, la médecine régénératrice vise à donner une nouvelle direction à la croissance tissulaire par le refaçonnement des processus naturels à la base du développement biologique54. Son raisonnement pratique est celui d’une ingénierie tissulaire visant le contrôle et la transformation du biologique. Son objectif en soi n’est donc pas tant la guérison que le refaçonnement du corps, ce qui suppose la maîtrise et la reconfiguration des processus vitaux et implique la génération d’une nouvelle normalité biologique produite techniquement.
- 55 Lafontaine C., La société postmortelle, op. cit., p. 152.
- 56 Landecker H. (2010), Culturing Life: How Cells Became Technologies, Cambridge, Harvard University P (…)
38Alors que la transplantation d’organes est fondée sur une conception mécanique et fragmentaire du corps, la « médecine régénératrice repose sur un modèle du corps entièrement remodelable où les distinctions entre intérieur et extérieur, entre nature et artifice tendent à s’estomper55 ». Appliquant une véritable approche de réingénierie du corps, elle remplace la substitution d’organes ou de tissus naturels par des techniques de refaçonnement ou de remodelage organique en utilisant des biomatériaux synthétiques ou des cultures de cellules considérés comme des objets techniques. En ce sens, aussi bien le corps que les éléments utilisés pour son refaçonnement reposent sur une représentation de la « vie comme technologie56 ». Cette représentation emprunte à la biologie moléculaire et aux biotechnologies l’idée d’une « plasticité » fondamentale du vivant, condition théorique essentielle à la mise en pratique de méthodes d’opérationnalisation du biologique.
- 57 Bensaude-Vincent B. (2004), Se libérer de la matière ? Fantasmes autour des nouvelles technologies,(…)
- 58 Rose N. (2006), The Politics of Life Itself: Biomedicine, Power, and Subjectivity in the Twenty-Fir (…)
39Fondée sur une double dynamique d’artificialisation du biologique et de naturalisation de la technique, caractéristique des nanotechnologies57, la médecine régénératrice nous confronte à un brouillage de la frontière entre le naturel et l’artificiel, le normal et le pathologique qui est à la source de l’émergence d’une nouvelle « forme de vie58 » où l’organicité du vivant s’entremêle à la facticité de l’objet technique.
Conclusion
40En proposant le concept de nanosanté, nous souhaitions proposer un outil sociologique permettant d’appréhender conceptuellement la nature et la portée des implications de la redéfinition technoscientifique de la pratique biomédicale sous l’angle de l’application des nanotechnologies à la médecine. Considérant que la nanomédecine représente la forme contemporaine la plus achevée de cette redéfinition, les trois dimensions de notre concept de nanosanté (prédiction, personnalisation et régénération) synthétisent les caractéristiques et les enjeux du développement de la nanomédecine et plus largement de la technoscientifisation des soins de santé.
41De la sorte, notre modèle de la nanosanté offre l’occasion de penser les changements qui affectent notre manière de concevoir la prise en charge de la santé à l’heure où la biomédecine se caractérise par un focus croissant sur le contrôle technique du corps et du devenir biologique à l’échelle des unités les plus fondamentales de la vie humaine.
Il nous confronte à une transformation qualitative de la médicalisation qui s’enracine dans une nouvelle forme de biopolitique. Cet enracinement politique de la recherche biomédicale contemporaine dans une pensée de la transformation technique de l’humain, Hannah Arendt en avait dès 1958 déjà saisi toute la portée du bouleversement culturel lorsqu’elle écrivait :
- 59 Arendt H. (2002), La condition de l’homme moderne,Paris, Pocket.
Depuis quelque temps, un grand nombre de recherches scientifiques s’efforcent de rendre la vie « artificielle » elle aussi, et de couper le dernier lien qui maintient encore l’homme par les enfants de la Nature. […] Cet homme futur que les savants produiront, nous disent-ils, en un siècle pas davantage, paraît en proie à la révolte contre l’existence humaine telle qu’elle est donnée, cadeau venu de nulle part (laïquement parlant) et qu’il veut pour ainsi dire échanger contre un ouvrage de ses propres mains. […] C’est une question politique primordiale que l’on ne peut guère, par conséquent, abandonner aux professionnels de la science, ni à ceux de la politique59.
- 60 Anders G. (2002), L’obsolescence de l’homme. Sur l’âme à l’époque de la deuxième révolution industr (…)
42Au regard de ce que nous dit Arendt, la nanomédecine nous confronte à « une question politique primordiale » qui puise ses racines dans une nouvelle manière d’envisager l’existence humaine comme n’étant plus « donnée » à l’homme, mais comme étant un « ouvrage de ses propres mains ». Ouvrage qui se donne à réaliser par les technosciences.
En ce sens, se donner les moyens d’envisager l’existence humaine comme une œuvre de nos propres mains ne signifie pas ici d’en construire le sens et la forme en fonction de notre engagement émotionnel, social ou politique dans le monde. Cette œuvre se comprend par l’intervention technoscientifique sur notre destinée corporelle, faisant de la réalisation de soi une action technique sur soi. Ce n’est donc pas une création à la hauteur de l’homme, mais une création à la hauteur de nos moyens techniques.