« Les restaurants, petits et grands, devraient être alarmés. Car une vague de déstabilisation des affaires inarrêtable va arriver. » (Forbes, août 2019) Alors que nos restaurants sont fermés pour cause de covid, le business de la livraison de plats explose. Pourtant, malgré des « commissions » de l’ordre de 30% à 40% du prix de la commande (!), ...
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« Les restaurants, petits et grands, devraient être alarmés. Car une vague de déstabilisation des affaires inarrêtable va arriver. » (Forbes, août 2019)
Alors que nos restaurants sont fermés pour cause de covid, le business de la livraison de plats explose. Pourtant, malgré des « commissions » de l’ordre de 30% à 40% du prix de la commande (!), il semblerait bien que cette activité ne soit toujours pas rentable pour les Uber Eats, Deliveroo et compagnie !
Après la mode du « win-win », celle du « lose-lose ». A ceci près qu’il ne s’agit que d’un investissement pour Uber Eats, Deliveroo et consorts, qui ont quelque raison de se frotter les mains…
Or, si les livraisons de plats par des cyclistes précarisés n’ont pas été rentables durant la « crise du covid », il y a fort peu de chance qu’elles le soient un jour. De telle sorte que l’on peut d’ores et déjà tranquillement l’affirmer : la livraison de plats préparés par des restaurateurs n’est pas le business model d’Uber Eats !
Pour comprendre comment ces entreprises comptent devenir rentables – et même se transformer en gigantesques vaches à lait pour leurs actionnaires, il faut jeter un coup d’œil du côté de Singapour, où Deliveroo a ouvert plusieurs restaurants entièrement automatisés… à partir de 2017 déjà !
C’est un fait : la production des plats chauds les plus divers peut aujourd’hui être entièrement automatisée. Et c’est là le cœur du business model d’Uber Eats et Deliveroo !
On comprend que les « cuisines virtuelles » que proposent aujourd’hui Deliveroo et Uber Eats n’ont pas vocation à rester longtemps occupées par des restaurateurs. D’où sans doute leur surnom de « ghost kitchens »…
Le grand leader suisse de la robotique industrielle ABB semble très intéressé par le créneau des cuisines automatisées. Ce qui en fait un partenaire naturel de Deliveroo et Uber Eats.
La haute technologie au service de la cuisine bas de gamme… Évidemment, ces modes de fabrication ne seront rentables que dans le contexte d’une production industrielle, couplée à des services de livraison efficaces.
On comprend ainsi mieux pourquoi le grand cabinet de conseil McKinsey estime qu’environ 73% des emplois de l’hôtellerie-restauration seraient aujourd’hui entièrement automatisables (p. 7)… Évidemment, les géants de l’agroalimentaire souhaitent participer à ce modèle d’affaires qui devrait représenter un marché de 200 milliards de dollars en 2025 déjà !
Ainsi par exemple de la grande chaîne de supermarchés suisses Coop, qui a su mettre à profit la crise du covid pour développer son activité de livraison de plats tout en investissant allègrement dans les robots de production « intelligents » d’ABB.
Même topo du côté de Nestlé, qui ne cesse d’intensifier ses investissements dans le secteur de la préparation de plats « livrables directement au consommateur »… tout en développant elle aussi un partenariat avec ABB pour la « robotisation intelligente » de ses processus de production !
Aux États-Unis et en Angleterre, Nestlé vend déjà des plats livrables directement à domicile. Elle propose même des « recettes sur-mesure » livrables à domicile pour… les animaux de compagnie !
De quoi développer de fort lucratives chaînes logistiques approvisionnées, par exemple, avec de la bonne viande synthétique, fabriquée directement dans les « cuisines fantômes » des barons de l’agro-alimentaire helvétique.
Le groupe Coop (dont Bell Food est une filiale) s’intéresse depuis plusieurs années à la production de « viande de laboratoire ». Elle a encore investi quelques millions de francs dans le domaine il y a quelques mois à peine.
Organisée autour de Nestlé, la Swiss Food & Nutrition Valley s’intéresse elle aussi de près à la production de viande synthétique. Les produits de Mirai Foods devraient même être commercialisés avant ceux du groupe Coop (2022 contre 2023).
Voilà donc une excellente raison de plus de mettre à profit la crise du covid pour liquider les restaurateurs !
Prochaine étape : les livraisons automatisées ?
Nous avons donc vu que le modèle d’affaires d’Uber Eats / Deliveroo ne visait pas à travailler avec les restaurateurs (même à des tarifs prohibitifs !), mais à les remplacer purement et simplement par des robots.
Un gigantesque processus de financiarisation de la restauration ! Processus que certains travaillent aujourd’hui à compléter en cherchant à automatiser les livraisons de plat, comme cela se fait depuis plusieurs années déjà dans les grandes villes chinoises.
L’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) contribue activement à la création de prototypes de drones de livraison divers et variés. La production industrielle, elle, est délocalisée en Chine, où ce type de produits est déjà très largement utilisé dans les grandes villes connectées.
D’ailleurs, les navettes autonomes de La Poste helvétique ne sont-elles pas fabriquées en Chine, précisément ?
Très en pointe sur les questions de conduite autonome, Uber entend de toute évidence utiliser ces technologies pour la livraison de plats à domicile…
…sauf que voilà, l’intelligence artificielle de l’EPFL semble confondre par moments le nord et le sud ! Ou alors, se pourrait-il que cette navette autonome ait été victime d’un hacking ? (Il vaut en tout cas mieux que ce type d’incidents se produise avec des navettes limitées à 20 km/h et étroitement surveillées qu’avec les robots chirurgicaux, dont certaines cliniques préparent l’arrivée prochaine en Suisse romande…)
Les projets de « piétonnisation » si à la mode dans l’Arc lémanique comme ailleurs (ici la Rue de Fribourg à Genève) ne pourraient-ils pas offrir une opportunité unique de mettre en service des drones de livraison notoirement incapables de s’insérer dans le trafic routier ? (Image : Stephane Brandt / Facebook – mars 2021)
Les prochains mois nous donneront sans doute la réponse !
Par Vincent Held, auteur des ouvrages Le crépuscule de la Banque nationale suisse (2017), Après la crise (2018), Une civilisation en crise (2020) et Asservissement (2021).
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