Mai 21, 2018 par LHK Monnaie pleine n’aurait ni empêché la crise des subprimes, ni le sauvetage de UBS. Petit échange entre MM Cédric Tille et Christian Gomez Cédric Tille est professeur d’économie à l’Institut des IHEID de Genève depuis 2007. Il a auparavant travaillé pendant neuf ans comme économiste chercheur à la Federal Reserve Bank of New York. Il est spécialiste des questions macroéconomiques, en particulier des politiques monétaires et budgétaires et des dimensions internationales comme les flux financiers. Avant-propos: Monnaie pleine n’aurait pas empêcher la crise des subprimes. Pire, elle n’empêche pas une nouvelle catastrophe (cette fois cataclysmique) de se produire. Les causes des dysfonctionnements du marché de la finance n’y sont pas abordées. Les grandes
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Monnaie pleine n’aurait ni empêché la crise des subprimes, ni le sauvetage de UBS. Petit échange entre MM Cédric Tille et Christian Gomez
Avant-propos:
Monnaie pleine n’aurait pas empêcher la crise des subprimes. Pire, elle n’empêche pas une nouvelle catastrophe (cette fois cataclysmique) de se produire. Les causes des dysfonctionnements du marché de la finance n’y sont pas abordées. Les grandes banques continueront encore un moment de cumuler les activités bancaires commerciales et les spéculatives. Monnaie pleine leur offre une paix royale.
Aucune restriction quant au grand écart que les too big to fail effectuent au quotidien entre la baque commerciale et celle des investissements spéculatifs. Pire, le shadow banking explose, et les pratiques spéculatives des repos sur fond de titrisation des actifs est normalisée. Et devinez qui porte les volumes monstrueux de produits dérivés?… Les too big to fail!
Aucune mesure n’a été prévue par Monnaie pleine…
Voici une analyse du professeur Tille, qui se trouve être au Conseil de banque de la BNS. Il y dit que Monnaie pleine n’aurait pas empêché en 2008 le sauvetage de UBS. Et pour cause, ce fut une décision politique, qui outrepassait le mandat de la BNS…
Donc Monnaie pleine ou vide, il va bien falloir continuer d’offrir les garanties publiques aux too big to fail.
Vous trouverez dessous le commentaire instructif de Christian Gomez, soutien de l’initiative, et qui se trouve être un fin connaisseur de la haute finance internationale au vu de son parcours qui fut couronné par la présidence de la Société Générale (groupe) Suisse (CV ici). Rappelons que cette banque est une too big to fail internationale, sous couleurs françaises.
J’avoue que la référence de M Gomez à l’imposante épargne des braves suisses est savoureuse. Bien que Monnaie pleine refuse de la protéger -contrairement au concept de M Allais!-, les initiants comptent toujours sur notre épargne pour financer les crédits.
Reste plus qu’à savoir pour quels projets? Ceux du local ou ceux de la haute finance internationale…?
Bonne lecture.
LHK
UBS 2008 : monnaie pleine n’aurait rien changé. Cédric Tille
Les multiples activités d’UBS (et d’autres banques)
Dans notre vie de tous les jours nous avons essentiellement affaire aux banques commerciales classiques auprès desquelles nous avons nos comptes courants, plaçons notre épargne, et empruntons nos hypothèques par exemple. Ces banques créent la monnaie fiduciaire en octroyant les crédits : lorsque la banque m’accorde un prêt, elle dépose le montant sur mon compte et je deviens à la fois son créancier et son débiteur. C’est ce mécanisme qui préoccupe les initiants et qu’ils veulent supprimer, ce malgré le fait qu’il est strictement encadré.
Mais la banque commerciale n’est qu’une des multiples facettes de l’activité bancaire. Les banques ne sont de loin pas un tout homogène. Outre la banque commerciale, les métiers incluent la gestion de fortune, le financement du commerce international, la banque d’investissement en titres (« investment bank »), pour n’en citer que quelques-uns. Notez qu’aucune de ces activités n’est basée sur la création de monnaie fiduciaire. Certaines banques se spécialisent dans quelques activités, alors que d’autres comme UBS couvrent une palette plus large.
Une grande banque comme UBS regroupant plusieurs de ces différentes activités, il est important de bien établir où les problèmes sont apparus en 2008. C’était au sein de la banque d’investissement qui avait investi dans des titres toxiques. Ce choix malheureux n’avait rien à voir avec la création de monnaie fiduciaire sur laquelle l’initiative se concentre.
Une intervention aurait de toute manière été nécessaire
Que ce serait-il passé si monnaie pleine avait été en vigueur en 2008 ? Les dépôts des particuliers chez UBS auraient été dans une filiale isolée déposant la totalité de ces montants à la Banque Nationale. Le reste de la banque aurait regroupé les autres activités, dont la banque d’investissement et les prêts aux entreprises et ménages suisses.
Les pertes réalisées sur les actifs toxiques auraient remis en question la survie de cette deuxième partie de la banque. Cela aurait créé de gros problèmes pour les financements hypothécaires et aux entreprises, avec le risque d’une récession majeure. Les autorités auraient alors dû intervenir dans le cadre de leur mandat de préservation de la stabilité financière. Cela aurait pris une forme similaire à ce que nous avons effectivement observé.
La situation a évolué depuis 2008
Il faut rappeler que la régulation financière a substantiellement évolué depuis 2008 et que les autorités ont fortement poussé les banques à augmenter leur capacité à absorber les pertes. La Banque Nationale, par exemple, ne se prive pas de mettre la pression sur les banques. Cela ne fait de loin pas plaisir à ces dernières comme le cas du Crédit Suisse en 2012 l’a bien montré.
En particulier, la structure des grandes banques dites «systémiques » a évolué en vue de pouvoir protéger leurs activités suisses contre des problèmes venant des placements à l’étranger. Est-suffisant ? On peut raisonnablement en débattre, et soutenir qu’une séparation explicite et immédiate entre ces deux pans d’activités aurait dû être mise en place. Peut-être, mais une telle séparation ne ressemble en rien à ce que l’initiative propose.
Si la gestion de fortune et certains aspects de la banque d’investissement sont hors-champ, je conseillerais à Mr Tillé d’être plus circonspect dans ses jugements car l’activité bancaire, en permanence, crée de la monnaie en créditant les comptes de ses contreparties quand elle est en position débitrice (crédits/achat d’actifs) et en détruit lorsqu’elle se finance par fonds propres et assimilés ou par levées de ressources d’épargne par dépôts d’épargne/à terme ou TCN, lorsque les prêts sont remboursés ou encore lorsqu’elle vend des actifs. Le résidu de ces mouvements de flux et de reflux , c’est précisément la création monétaire, c’est à dire l’injection d’un pouvoir d’achat nouveau dans l’économie lorsqu’elle crée plus qu’elle ne détruit. Donc, toute variation de l’actif bancaire, même lorsqu’il correspond à une activité de banque d’investissement (prise ferme d’une émission avant placement ou financement d’une acquisition par exemple) ou de trading de titres financiers , peut contribuer à la création monétaire.
Ce qui dit la réforme MP est simple: les banques de financement ne pourront plus créer de monnaie et devront se financer sur ressources d’épargne car le financement monétaire est déstabilisateur et inefficace (mauvaise allocation des ressources) . L’économie a besoin de monnaie pour satisfaire les besoins transactionnels et de précaution et, donc, pour atteindre le niveau de prix jugé souhaitable mais il n’est absolument pas nécessaire que le crédit bancaire soit la source de la création monétaire. C’est ce que les économistes (les vrais) clament depuis Ricardo, Walras, Mises, Simons, Knight, Fisher, Machlup, Friedman, Stigler….Allais, et même des keynésiens marqués à gauche comme Minsky (même Tobin, revoyant sa copie de 1963 -Banks as creators of Money- dut s’y rallier sous une certaine forme après la crise des S&L associations).
Et, je vous présume trop bon économiste pour que vous ne jouiez pas la sérénade classique de beaucoup de vos collègues (hélas!) sur la raréfaction du crédit ou autres sottises du même acabit.
Dans le nouveau système, aucun “manque” de crédit n’est concevable. Dans n’importe quelle économie mais, en plus , en suisse, championne du monde l’épargne, c’est encore plus ridicule de la part de vos collègues.
Concernant la crise de l’UBS, vous reprenez l’antienne de beaucoup de vos collègues. Personne ne pouvait éviter les idioties d’Ospel , comme en France les facéties de Haberer (crédit lyonnais). Certes, mais:
1) la monnaie circulante étant garantie par construction, le fonctionnement régulier de l’économie aurait été préservé;
2) les ressources à terme (et non à vue) de l’UBS la protégeait un certain temps , un temps précieux pour circonscrire le problème et préparer sa résolution,
3) une impulsion de politique monétaire aurait été immédiatement possible directement, sans passer par les effets dévastateurs de la baisse des taux d’intérêt qui ravagent nos économies depuis 10 ans (je dis bien “ravagent” car nous verrons bien à l’avenir les effets de ces taux zéro, y compris sur l’immobilier en pleine euphorie “bullesque”)
Si MP permet de contrôler et de combattre une part des phénomènes spéculatifs, la considération de l’évolution du rapport Total bilans banques/PIB depuis 1985 tend à me montrer qu’il faudra aller un peu plus loin. En effet, les prêts à terme inter-bancaires ont entraîné une explosion des bilans dans un très court laps de temps avec pour but, l’accumulation d’actifs financiers en vue de la spéculation. Après tout, mon maître, Maurice Allais, préconisait , en plus d’une réforme de type MP, de dissocier la banque d’investissement de la banque de financement…. Mais à chaque jour suffit sa peine!
Christian Gomez
Economiste et ancien banquier d’investissement
Cher Monsieur Gomez,
Merci pour votre commentaire. Permettez-moi d’apporter quelques réflexions.
Si l’on part de l’idée que les ventes / achats de titres créent de la monnaie, alors il me semble que l’initiative est insuffisante. La banque serait en effet scindée entre une banque étroite (dépôts des particuliers au passif et avoirs à la BNS à l’actif) et une banque large regroupant toutes les autres activités. Un particulier peut détenir un compte de placement en titres auprès de la banque large, mais sans aucune garantie. Si la personne vend une action, la catégorie « actions » de son compte de placement diminue et la catégorie « solde auprès de la banque large » augmente. Tout cela se passe déjà, et continuera à se passer en cas d’acceptation de l’initiative. Si l’on considère cette opération comme une création monétaire, alors l’initiative ne changerait pas grand-chose au final.
Pour ce qui est des placements malheureux d’UBS (et d’autres), la réponse est de renforcer le système (règles de fonds propres, limitation du levier des preneurs d’hypothèques, et toute la palette de mesure « macroprudentielles »). Je conviens que nous ne serons jamais sûrs à 100 % que toutes les vulnérabilités sont couvertes, mais ainsi est la vie en politique économique.
Même si la monnaie circulante était garantie, la situation d’UBS en Octobre 2008 l’aurait conduite à resserrer la voilure avec à la clef un assèchement du crédit pour une grande partie de l’économie suisse. Il aurait alors tout de même fallu mettre les actifs faibles de côté dans le StabFund pour permettre à UBS de tourner la page (à ses frais, rappelons-le).
L’opération d’isolement des actifs problématiques d’UBS a pris la forme d’une « bad bank » classique. Baisser les taux d’intérêts n’aurait pas vraiment été car le scepticisme des investisseurs envers UBS aurait persisté. Les expériences en matière d’actifs toxiques montrent que la réponse est de la mettre de côté, et ce substantiellement et rapidement. La baisse des taux d’intérêt et l’assouplissement quantitatif ont représenté la réponse des banques centrales à la crise de crédit plus générale. Elles sont critiquées, mais les banques centrales ont fait leur travail (et auraient eu la tâche plus facile si les finances publiques ne les avaient pas contrecarrées via des politiques d’austérité). On peut souligner que cela a eu des effets secondaires indésirables, mais j’aimerais que l’on me présente l’alternative sans risque qui aurait été possible (je ne la vois pas).
Je suis d’accord que les ratios entre crédit et PIB ont fortement augmenté depuis 1985. Il y a toute une litérature scientifique critique là-dessus qui bien souvent souligne le risques inhérents aux cycles de crédit. Une séparation entre banque de financement et d’investissement, façon Glass-Steagall, est une piste intéressante, j’en conviens volontiers. Mais c’est un tout autre angle que monnaie pleine.
Meilleures salutations
Cédric Tille