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L’heure de vérité pour les Saoud et pour les pétrodollars. Michel Santi

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A la fin de la seconde guerre mondiale, les immenses réserves d’or américaines –les plus importantes au monde à cette époque- lui accordèrent le privilège de reconstruire un nouvel ordre mondial centré sur le dollar. La conférence de Bretton Woods tenue en 1944 devait en effet formaliser la consécration du billet vert autour duquel graviteraient ...

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L’heure de vérité pour les Saoud et pour les pétrodollars. Michel Santi

A la fin de la seconde guerre mondiale, les immenses réserves d’or américaines –les plus importantes au monde à cette époque- lui accordèrent le privilège de reconstruire un nouvel ordre mondial centré sur le dollar. La conférence de Bretton Woods tenue en 1944 devait en effet formaliser la consécration du billet vert autour duquel graviteraient toutes les autres monnaies du monde selon un taux de change fixe, tout comme l’once d’or dont la valeur se voyait également gelée à 35 dollars. Cette intronisation conférait au dollar le statut de première monnaie de réserve au monde que toutes les banques centrales se devaient de thésauriser, et le commerce international d’employer comme médium d’échange.

Victime de son succès, le billet vert fut accumulé frénétiquement à travers la planète par les investisseurs, par les épargnants, par les Etats et par les entreprises, tant et si bien que les stocks d’or de la Réserve fédérale US ne suffisaient plus à en satisfaire la demande. Nombre de détenteurs de ces dollars demandaient en effet –comme ils en avaient le droit- de convertir leurs billets vert en or, faisant fondre les réserves américaines de 574 à 261 millions d’onces entre 1945 et 1971! La suppression (logique) de l’étalon or le 15 août 1971 par Richard Nixon fut un de ces moments majeurs de l’Histoire américaine et même mondiale, comparable au crack boursier de 1929, à l’assassinat de JFK et au 11-Septembre. La fin de Bretton Woods autorisait le dollar à flotter librement au gré de l’offre et de la demande, n’étant pas figé selon une certaine valeur par rapport à l’once d’or. Bien-sûr, cette décision cruciale fut qualifiée de «provisoire» par Nixon, bien content –en réalité– que sa banque centrale puisse désormais être en mesure d’imprimer des billets à volonté. Provisoire qui dure depuis plus de 45 ans et qui a fait perdre au dollar plus de 80% de sa valeur depuis 1971!

La mort de Bretton Woods représentait de facto un défaut de paiement américain sur leur engagement d’honorer la convertibilité fixe et immédiate de leur monnaie vis-à-vis de l’or. Dès lors, comme les pays étrangers et les entreprises n’avaient plus vraiment de raison de détenir des dollars dans les mêmes proportions, et comme la demande en monnaie américaine était évidemment appelée à fortement décliner, les américains trouvèrent la parade. En réalité, la fin du système de Bretton Woods n’eut pas que des implications financières mondiales, elle eut également des conséquences géopolitiques majeures. Un ordre nouveau fut instauré par le gouvernement US qui devait permettre au dollar de conserver son statut. Cette raison qui devait forcer tous les pays du monde à continuer à détenir et à commercer en dollars fut le système des pétrodollars. Ce coup de maître concocté par le tandem mythique Nixon et son Secrétaire d’Etat Kissinger consista à nouer, entre 1972 et 1974, une relation spéciale avec l’Arabie Saoudite, pays aux vastes réserves pétrolières et leader tout puissant de l’OPEP.

Cette alliance permettait aux Etats-Unis de se démarquer sur le plan stratégique dans leur lutte contre l’Union Soviétique, tout en s’assurant un soutien précieux pour leurs approvisionnements dans le contexte troublé de la guerre du Kippour (en 1973) où les prix pétroliers avaient quadruplé. En vertu de ce pacte, les Etats-Unis s’engageaient à préserver la dynastie Wahhabite qui, à son tour, garantissaient que tous les échanges pétroliers seraient à jamais libellés en dollars, et par la suite réinvestis dans les Bons du Trésor US. Ce privilège exorbitant conféré au Roi Dollar s’imposait donc au monde entier, mis devant le fait accompli de devoir impérieusement s’acquitter de sa facture énergétique en cette monnaie. Dès lors, les banques centrales et les Trésoreries de toutes les nations de ce monde se devaient d’accumuler le dollar, vital pour leurs transactions pétrolières et gazières. Ce marché artificiel créé pour le dollar –contraignant par exemple un pays comme la France à aller vendre des francs sur le marché des Changes et acheter des dollars afin de payer sa facture pétrolière– fut donc le système des pétrodollars.

Il est impossible de décrire avec précision les avantages pharamineux tirés par les Etats-Unis de l’instauration de ce système où une multitude d’opérations et de transactions ne les affectant strictement pas étaient néanmoins libellées dans leur monnaie, où eux-mêmes importaient et exportaient dans une monnaie qui était la leur, et qu’ils pouvaient de surcroît imprimer sans limite! Voilà la raison fondamentale du traitement spécial prodigué aux Saoudiens par les élites US. Voilà qui explique également pourquoi l’Arabie Saoudite –pays producteur des terroristes du 11-Septembre– ne figure pas au nombre des nations touchées par les récentes décisions prises par Donald Trump d’empêcher de fouler le sol US aux ressortissants de certains pays considérés comme favorisant le terrorisme radical islamiste. Pourtant, ce ordre mis en place en 1971 semble aujourd’hui vaciller avec les menaces d’implosion de la dynastie des Saoud qui traverse un grand moment de vulnérabilité, certainement le plus critique depuis son instauration en 1932. Les astres semblent effectivement s’aligner en une configuration défavorable pour une Arabie Saoudite en plein trou d’air avec, à la clé, la fin possible du système des pétrodollars qui constituera assurément un changement de paradigme aussi important pour le monde que Bretton Woods en 1971.

Liliane HeldKhawam
Bienvenue sur le blog personnel de Liliane Held-Khawam! Vous trouverez ici plusieurs publications parues dans la presse ou dans des revues spécialisées. Liliane Held-Khawam est née à Héliopolis (Egypte) et a vécu au Liban, en France, Suisse, Etats-Unis.

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