(Caiaimage / Rex Feature/REX/SIPA) Vous pensez que les défenseurs des libertés informatiques en font trop ? Ce qui suit vous fera peut-être changer d’avis. De nouveaux outils de surveillance professionnelle entrent en jeu, et ils promettent de vous pister de près. Pointeuses et caméras ne sont pas les seuls outils à disposition des employeurs pour suivre les performances de leurs équipes. Les murs ont des oreilles, dit le proverbe… et votre open space, à défaut de cloisons, disposera peut-être bientôt de ses mouchards, pour votre propre bien puisqu’il s’agira d’éviter les usurpations d’identité ou d’évaluer votre productivité. Presque de quoi regretter la bonne vieille pointeuse. C’est en tout cas une tendance déjà en vogue au Royaume-Uni et aux États-Unis, où l’on promet de faire mouliner l’intelligence artificielle pour vous évaluer à partir de vos indicateurs de performance… mais aussi de données issues de capteurs physiques. Certaines solutions technologiques émergent déjà, comme le britannique StatusToday ou l’américain Humanyze. Explications à travers ces deux exemples concrets. Argument cybersécuritaire La phase du prototype est déjà derrière : diverses sociétés commencent à s’équiper. C’est ainsi que l’assureur Hiscox s’est récemment doté de StatusToday, ainsi que le relate le New Scientist.
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Vous pensez que les défenseurs des libertés informatiques en font trop ? Ce qui suit vous fera peut-être changer d’avis. De nouveaux outils de surveillance professionnelle entrent en jeu, et ils promettent de vous pister de près.
Pointeuses et caméras ne sont pas les seuls outils à disposition des employeurs pour suivre les performances de leurs équipes.
Les murs ont des oreilles, dit le proverbe… et votre open space, à défaut de cloisons, disposera peut-être bientôt de ses mouchards, pour votre propre bien puisqu’il s’agira d’éviter les usurpations d’identité ou d’évaluer votre productivité. Presque de quoi regretter la bonne vieille pointeuse. C’est en tout cas une tendance déjà en vogue au Royaume-Uni et aux États-Unis, où l’on promet de faire mouliner l’intelligence artificielle pour vous évaluer à partir de vos indicateurs de performance… mais aussi de données issues de capteurs physiques. Certaines solutions technologiques émergent déjà, comme le britannique StatusToday ou l’américain Humanyze. Explications à travers ces deux exemples concrets.
Argument cybersécuritaire
La phase du prototype est déjà derrière : diverses sociétés commencent à s’équiper. C’est ainsi que l’assureur Hiscox s’est récemment doté de StatusToday, ainsi que le relate le New Scientist. L’enjeu principal, pour la firme dont les employés accèdent de façon routinière à des données personnelles sensibles ? Celui de la sécurité informatique : le dispositif a ainsi permis d’identifier une étrange activité sur le compte utilisateur d’un employé ayant quitté la société depuis longtemps… et de confondre ainsi un hacker exploitant la plus grande des failles de sécurité d’un système, à savoir : l’humain. L’agence du renseignement britannique a d’ailleurs fait entrer Status Today dans son programme d’incubation de start-up dans le domaine de la sécurité.
MÉTADONNÉES. Pour fonctionner, Status Today se base sur différentes sources de données, principalement liées au contexte (ce qu’on appelle méta-données) : les fichiers accédés sur le réseau, le nombre de fois où le badge est passé pour ouvrir une porte … « De quoi définir l’empreinte numérique d’un utilisateur, expliquait au New Scientist Mircea Dumitrescu, son directeur technique. « Ainsi, si l’empreinte numérique ne concorde pas avec les indicateurs de présence physique, une alerte est levée. Nous pouvons aussi identifier les employés qui répondent aux tentatives de hameçonnage (ou phishing) par e-mail ». Et l’enjeu va au-delà de la seule sécurité informatique. « Nous ne surveillons pas si votre ordinateur à un virus », précise Dumitrescu. « C’est le comportement humain que nous surveillons. »
Servitude volontaire
Humanyze va encore plus loin, en intégrant dans son système les données d’un badge truffé de capteurs biométriques, transmettant entre autre les mouvements, les paroles et la localisation de l’employé (tout du moins de ceux s’étant portés volontaires). La solution est actuellement expérimentée par certains services du NHS (l’équivalent de notre Sécurité sociale) britannique, ainsi que certains sites du cabinet d’audit Deloitte ou encore du cabinet de conseil en stratégie Boston Consulting Group (BCG) aux États-Unis. Pour le cabinet stratégique BCG, qui vend ses prestations de conseil à de grands noms de l’économie, il s’agit aussi de tester la solution avant d’éventuellement pouvoir la recommander à ses clients. « Nous cherchons à documenter notre expérience afin de créer une étude de cas qui pourra faire date », a expliqué Ross Love, partenaire opérationnel du BCG à New York. Et le dispositif va assez loin, puisqu’il comptabilise le temps que passe un individu sans parler à personne, puis à qui est adressé la première phrase rompant une période de silence. Une façon quelque peu angoissante d’étendre les indicateurs de performance bien connus des managers… et de glisser, en quelque sorte, des data analytics (l’analyse de données ou d’indicateurs chiffrés) aux people analytics (ou analyse de comportement)
Des salariés privés de vie privée ?
De l’autre côté de l’Atlantique comme de la Manche, des voix offusquées se sont élevées face à ces systèmes. « Les salariés ont des droits à la vie privée, et ne devraient pas avoir à y renoncer au travail« , s’est indigné Javier Ruiz Diaz, directeur des campagnes digitales de l’organisation Open Rights Group. « Les employés devraient toujours avoir le choix, poursuit Paul Bernal, professeur en droit des technologies à l’Université d’East Anglia. D’autant plus que le climat résultant pourrait être contre-productif : les gens changent de comportement lorsqu’ils sont épiés. »
FRANCE. En France (et d’ailleurs partout ailleurs en Europe), le cadre réglementaire nécessite le consentement de la personne avant de pouvoir collecter ses données, et introduit le principe de loyauté dans leur traitement, ainsi que nous l’expliquait l’avocat Olivier Haas. Rappelons à titre d’exemple que de nombreuses conversations téléphoniques de support sont déjà enregistrées, avec devoir d’information envers le client. En France, comme aux Royaume-Uni, de tels dispositifs sur le lieu de travail exigeraient l’accord du salarié. Mais on comprend que dans la pratique, s’ils se généralisent, il puisse être difficile de dire non à son employeur, de la même façon qu’il soit difficilement réaliste de refuser de pointer.