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La marchandisation de l’eau potable suisse est en cours (Dossier). Liliane Held-Khawam

Summary:
L’eau. Ressource indispensable à la survie de l’homme est l’objet de toutes les convoitises des marchés financiers. Force est de constater qu’elle est en voie de devenir une marchandise comme n’importe quelle denrée alimentaire. La demande qui ne cesse d’augmenter face à une offre qui ne cesse de diminuer ne manquera pas, là où elle est privatisée, de propulser le prix de l’eau à des sphères inaccessibles pour la partie la plus vulnérable des populations. L’accaparement de l’eau est bien plus intéressant que celui du pétrole et du gaz. Vous pouvez vivre sans votre voiture. Mais essayez de vivre sans eau!… L’Union Européen et les lobbies de l’eau n’ont jamais caché leur intention de privatiser ce bien de première nécessité que la nature offre gratuitement! Problème. Les peuples européens ne veulent pas de cette privatisation et des pétitions ont été lancées pour contrer ce mouvement. 1’884’790 personnes ont demandé en 2013 à la Commission européenne à ce que l’eau soit considérée comme un bien public et soit exclue des règles du marché interne et des processus de libéralisation (mot qui en réalité veut dire privatisation et certainement à un moment ou un autre spéculation). Le processus ne s’est pas arrêté là et se poursuit à ce jour sous le nom de Right2water. Mais revenons à la réalité financière du marché unique européen.

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Liliane HeldKhawam considers the following as important: , , , , , , , , , , , , ,

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L’eau. Ressource indispensable à la survie de l’homme est l’objet de toutes les convoitises des marchés financiers. Force est de constater qu’elle est en voie de devenir une marchandise comme n’importe quelle denrée alimentaire.

La demande qui ne cesse d’augmenter face à une offre qui ne cesse de diminuer ne manquera pas, là où elle est privatisée, de propulser le prix de l’eau à des sphères inaccessibles pour la partie la plus vulnérable des populations.

L’accaparement de l’eau est bien plus intéressant que celui du pétrole et du gaz. Vous pouvez vivre sans votre voiture. Mais essayez de vivre sans eau!…

L’Union Européen et les lobbies de l’eau n’ont jamais caché leur intention de privatiser ce bien de première nécessité que la nature offre gratuitement! Problème. Les peuples européens ne veulent pas de cette privatisation et des pétitions ont été lancées pour contrer ce mouvement. 1’884’790 personnes ont demandé en 2013 à la Commission européenne à ce que l’eau soit considérée comme un bien public et soit exclue des règles du marché interne et des processus de libéralisation (mot qui en réalité veut dire privatisation et certainement à un moment ou un autre spéculation). Le processus ne s’est pas arrêté là et se poursuit à ce jour sous le nom de Right2water.

Mais revenons à la réalité financière du marché unique européen. Voici quelques chiffres qui vous montreront que les acteurs privés ne lâcheront pas de sitôt la poule immortelle aux inépuisables œufs d’or.

La marchandisation de l’eau potable suisse est en cours (Dossier). Liliane Held-Khawam

Le marché se chiffre à moins de 100 trillions de Dollars américains (100’000’000’000’000)

Ces trillions sont évalués au prix d’aujourd’hui où l’eau est encore en grande partie en mains des services publics. Que deviendront ces chiffres si l’ensemble de l’eau venait à être privatisé?

A chaque fois que la privatisation des services publics est passée par là, les coûts impartis au contribuable-consommateur ont pris l’ascenseur paupérisant tous les jours plus la population.

Les promesses de baisse généralisée des prix grâce à un marché « ouvert », « libre » qui évolue dans une « saine concurrence » sont apparues comme autant de mensonges d’État.

Le marché est en réalité « cartellisé », « planifié », « subventionné », « manipulé », « spéculatif », « financiarisé »dont les activités finissent toujours dans le « négoce » et le « trading » du casino de la Finance. Et quand la spéculation a été trop loin, on peut toujours compter sur nos banquiers centraux privés pour qu’ils apportent les réserves financières du pays pour soutenir les indices boursiers à des niveaux artificiellement surévalués.

Pendant ce temps, les lobbies de l’eau s’activent partout. Un Forum appelé The MEP Water Group a été crée au sein du Parlement européen. Son but est dit-il:

« Ecouter les besoins et les priorités du secteur de l’eau tel que réfléchis au niveau européen. Il se veut un moteur efficace pour positionner l’eau en haut de l’agenda politique européen et pour façonner la future politique européenne de l’eau. »

La Suisse n’échappe pas au processus. Et l’insistance du désir de vendre les barrages hydrauliques intimement liés au château d’eau potable (8% de la réserve d’eau potable du continent européen! Je vous laisse faire les calculs de la valeur inestimable…) nous a mis la puce à l’oreille.

La vente des barrages hydrauliques suisses pourraient constituer une étape qui conduit vers la privatisation de l’eau.

Ci-dessous un texte intitulé: »Privatisation de l’eau suisse: silence, on y travaille! »qui fait référence à la séparation de l’eau et de l’énergie, quitte pour cela à aller se doter de centrales à charbon dans les pays de l’Est (cf dossier Alpiq)!

 » La séparation des secteurs eau et énergie, plusieurs fois envisagée, pourrait toutefois constituer une porte d’entrée vers la privatisation. »

On pourrait dire que la deuxième étape pour aller vers la privatisationserait facilitée par une crise financière, des faillites du genre de Swiss Airlines ou de quelque chose de plus lourd tel qu’un effondrement toujours plus probable de la BNS.

Les malheurs d’Alpiq pourraient aussi être un détonateur, si les mêmes équipes en place poursuivent la stratégie expansive et perdante menée jusqu’ici.

Une élite européenne, légitimée par un lobby financier transnational et qui n’a rien de démocratique, travaille ardemment à transférer les richesses et les ressources personnelles, collectives, publiques et naturelles à des cartels privés dont les uniques références sont les performances et la croissance financière. Son leitmotiv qui pourrait être « seule compte la croissance de la profitabilité » ignore parfaitement toute notion d’humanité et de bien commun.

Problème: Les décideurs de Berne, de Paris ou d’ailleurs sont tout acquis à cette cause qui leur semble inéluctable.

Liliane Held-Khawam

Ci-dessous:

Vidéo hautement intéressante: Entretien avec M P Brabeck, Patron de Nestlé sur la problématique de l’eau dont le prix devrait être valorisé en tant que denrée et non en tant que droit de l’humain.

Privatisation de l’eau suisse: silence, on y travaille!

« Pas question pour l’instant de privatiser l’eau en Suisse », rassure-t-on sous la coupole fédérale? Au contraire: les autorités se sont déjà alignées depuis 2003 sur l’Union européenne pour étudier les possibilités de libéralisation du secteur. Subventionnées par Berne, les recherches sont en cours

Gilles Labarthe / DATAS

(28/02/2005) Depuis trois ans, l’Union européenne étudie des scénarios de privatisation du secteur eau. Baptisé Euromarket, le projet est financé à coups de millions par Bruxelles. Il est réalisé en partenariat avec des entreprises privées, présentes jusque dans la direction générale de la recherche. A priori, cet exercice à caractère très néolibéral ne concerne pas la Suisse. D’abord, la Confédération ne fait pas partie de l’Union européenne. Ensuite, «aucune privatisation du secteur eau n’est prévue en Suisse, ni même à l’ordre du jour», affirment invariablement les autorités fédérales, en réponse aux multiples interventions parlementaires sur la question. Voilà qui est rassurant. Ce qui l’est moins, c’est d’apprendre qu’en réalité, ces mêmes autorités «se sont alignées depuis le début sur l’Europe et le projet Euromarket pour explorer elles aussi les possibilités d’ouverture au capital du secteur eau en Suisse», informe Matthias Finger, responsable à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Subventionnées par Berne, les recherches sont en cours.
A la base, les études menées par l’EPFL concernant la Suisse empruntent le même canevas européen: dans les termes, il s’agit de mener une «analyse empirique de l’évolution des secteurs d’approvisionnement et d’assainissement de l’eau en Europe». Sur le fond, syndicats et défenseurs des services publics ne se font pas d’illusion sur les finalités d’Euromarket, qui porte bien son nom: identifier le «marché européen» des services de l’eau et faire l’apologie du modèle de la gestion de l’eau «à la française» – c’est-à-dire entre les mains de grosses multinationales. «Le projet de l’Union européenne est très vaste, très bureaucratique», explique de son côté le professeur Matthias Finger, qui assure la coordination scientifique du projet Euromarket au niveau européen avec son collègue Jeremy Allouche, au sein du Water Institutions and Management Competence Centre – WIMCC, créé à Lausanne en janvier 2003.
Matthias Finger et Jeremy Allouche dirigent aussi le volet helvétique des recherches, initiées en 2003. Quels scénarios de privatisation les experts de l’EPFL prévoient-ils pour l’eau en Suisse? Selon Matthias Finger, les lois cantonales, la complexité du réseau suisse, le rôle important joué par les communes et le morcellement des infrastructures offrent relativement «peu d’ouvertures» aux investissements privés.
«On a discuté avec Veolia (groupe leader mondial dans le domaine de l’eau, ndlr), par exemple. Ils ne sont pas franchement enthousiastes. Les unités sont trop petites, il n’y a pas de grandes villes, ou alors leurs services industriels sont tout intégrés, rassemblant à la fois l’eau, le gaz et l’électricité», résume Matthias Finger.

La séparation des secteurs eau et énergie, plusieurs fois envisagée, pourrait toutefois constituer une porte d’entrée vers la privatisation.

D’autres pistes sont signalées dans une étude de cas: «Institutions de l’eau et management en Suisse» (1). Cette recherche réalisée en 2004 par Patricia Luís-Manso, avec entre autres les conseils de Dieter Rothenberger, du Secrétariat d’Etat à l’économie (seco), n’a «encore fait que l’objet d’une publication interne», précise Matthias Finger. «Elle présente une synthèse des recherches effectuées depuis 2003», ajoute Jeremy Allouche, qui signale que «d’autres études plus complètes ont été menées», financées exclusivement par Berne et sans contribution du privé. Hélas, les résultats sont dispersés «dans plusieurs contributions spécialisées» et donc, peu accessibles au public.
Dans les grandes lignes, les chercheurs de l’EPFL relèvent l’importance du potentiel suisse – le pays renferme à lui seul 6% des réserves d’eau fraîche en Europe, soit 262 milliards de mètres cubes d’eau présents dans les lacs (51%), glaciers (25%) et nappes souterraines (21%). Ils rappellent qu’au niveau des règlements internationaux, l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), négocié devant l’OMC, aura à terme une incidence sur le secteur public de l’eau en Suisse. Pour l’instant, le «marché de l’eau» reste encore trop fragmenté, et n’est pas assez soumis à la compétition. Une solution pour les investisseurs: s’intéresser aux sociétés anonymes, de droit privé.
«Bien qu’elles soient peu nombreuses, elles fournissent des services en eau à environ 10% de la population suisse. Même lorsque les municipalités en sont majoritaires, ce type de structure a l’avantage d’être flexible et politiquement indépendant, ce qui permet une participation sur le marché des capitaux et le développement d’alliances. Elles sont particulièrement intéressantes pour les compagnies multiservices (qui sont actives à la fois sur le marché de l’eau et de l’énergie, comme les multinationales françaises Veolia, Suez ou Saur-Bouygues, déjà actives en Suisse, ndlr), puisqu’elles permettent la création de holdings avec des filiales pour chaque secteur», note l’étude.
Une autre piste à l’intention des privés: les concessions. «Dans les cantons de Zurich, Lucerne, Schwytz, Nidwald, Zoug, Fribourg, Bâle, Tessin, Vaud, Saint-Gall et Neuchâtel, les lois communales autorisent la participation du secteur privé à la provision de services en eau». Cette disposition est aussi valable pour la construction et la maintenance des infrastructures.

(1) Cette recherche est disponible (ou du moins, était disponible…) sur la page d’accueil du Water Institutions and Management Competence Centre – WIMCC (Lausanne): www2.epfl.ch/mir/page19732.html

Bruxelles – La Commission européenne promeut délibérément la privatisation des services de l’eau comme l’une des conditions imposées dans le cadre des plans de sauvetage, a-t-elle reconnu dans une lettre adressée aux groupes de la société civile [1]. La direction du commissaire européen Olli Rehn a répondu aux questions posées dans une lettre ouverte, écrite par des organisations de la société civile [2], concernant le rôle joué par la Commission quant à l’obligation de privatisation imposée par la Troïka à la Grèce, au Portugal et dans d’autres pays. Aujourd’hui, dans une deuxième lettre au commissaire Rehn, les organisations exigent qu’il « s’abstienne dorénavant de toute pression imposant des conditions de privatisation de l’eau ».

Le fort appui de la Commission pour la privatisation va à l’encontre de la tendance croissante en Europe et ailleurs à constater que la privatisation ne livre pas forcément les bienfaits annoncés. Paris et d’autres villes ont récemment re-municipalisé leurs services d’eau en raison de mauvaises expériences avec la privatisation. En 2004, le gouvernement néerlandais a adopté une loi interdisant la délégation du service public de l’eau au secteur privé et la Cour constitutionnelle italienne a jugé que toute législation future tentant de privatiser les services publics serait inconstitutionnelle.

Dans sa réponse, la Commission n’a pas avancé le moindre argument permettant d’appuyer sa position, et ce alors que la recherche montre que les services publics sont souvent plus efficaces que ceux du privé. Elle enfreint également des articles clés du Traité de l’Union Européenne prévoyant sa neutralité concernant le régime de la propriété des services de l’eau [3].

Certains eurodéputés ont déjà posé une question à la Commission pour demander des éclaircissements sur la contradiction entre les recommandations de la Troïka et la neutralité requise de la Commission.

« Cela montre vraiment comment la Commission a perdu contact avec la réalité. Leurs arguments idéologiques ne sont pas fondés sur des faits attestés et vont jusqu’à ignorer la volonté démocratique du peuple », a déclaré Gabriella Zanzanaini, de Food & Water Europe.

« La Commission doit s’expliquer sur bon nombre de points. Non seulement il n’existe pas de preuve pour soutenir l’idée que le secteur privé est plus efficace, mais il y a aussi une très forte résistance du public face à la privatisation. Les citoyens européens ne reculeront pas facilement sur ce sujet », A déclaré Jan Willem Goudriaan de la Fédération Syndicale Européenne des Services Publics (FSESP).

Alors que les mouvements à travers l’Europe s’intensifient pour lutter contre la vente de l’eau publique, une première Initiative Citoyenne Européenne a été lancée pour promouvoir la mise en œuvre du droit à l’eau pour tous en Europe et afin que l’approvisionnement en eau et la gestion des ressources en eau ne soient pas soumis à aux « règles du marché intérieur » tout en étant exclus de la libéralisation [4].

Notes:

[1] http://documents.foodandwaterwatch.org/doc/FoodWaterEuropeWaterPrivatization17Oct2012.pdf (page 4)

[2] http://corporateeurope.org/open-letter-eu-commission-water-privatisation

[3] La « neutralité » sur la question des régimes de la propriété public ou privé des services de l’eau est présenté dans l’article 345 TFEU et Art. 17 1 de la Directive 2006/123/EC relative aux services dans le marché intérieur.

[4] http://www.right2water.eu

L’eau suisse mise sous pression par l’UE et l’OMC

Château d’eau au coeur de l’Europe, la Suisse représente un marché d’importance stratégique pour les multinationales qui vendent et distribuent « l’or bleu ». Si aucun projet de loi sur la privatisation du secteur public de l’eau n’est en discussion au Conseil fédéral, plusieurs organisations et députés s’inquiètent des pressions exercées par l’OMC et les pays de l’UE, poussant la Confédération à libéraliser en vrac le commerce des services. Etat des lieux

Gilles Labarthe / DATAS

Sources minérales, nappes souterraines, rivières abondantes… on le sait, la Suisse représente un véritable « château d’eau » au coeur de l’Europe. Plus de 210 km2 d’eau sont stockés dans ses lacs et ses glaciers. Des fleuves européens de première importance, comme le Rhin ou le Rhône, proviennent des Alpes suisses. Avec ses immenses réserves d’or bleu, le petit pays représente un marché stratégique pour les multinationales actives dans la gestion du précieux liquide. Certaines firmes, comme le leader mondial Veolia environnement (l’ex-Vivendi de Jean-Marie Messier), se sont déjà bien implantées en Suisse romande à travers divers types d’activités liés à l’épuration ou à la gestion des déchets (lire encadré). Une présence qui devrait s’avérer payante le jour où Berne, pressée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les directives européennes, acceptera la privatisation de l’eau.

L’EXEMPLE DE LA POSTE
Quand? « Ce n’est pas pour demain », rassurent de nombreux observateurs de la politique fédérale. Le conseiller national Pierre Vanek se montre confiant: dans le domaine de l’eau, « il n’y a rien dans les tuyaux pour l’instant, du moins au niveau des projets de loi déclarés au Conseil fédéral. Nous sommes en ce moment sur une autre bataille, celle de la lutte contre la privatisation de l’électricité, dont nous avons remporté une première manche en septembre 2002 par référendum. »
En bref, la résistance à toute privatisation du secteur eau en Suisse serait particulièrement forte, pour plusieurs raisons: attachement des contribuables à un service public réputé fiable et qui donne satisfaction; opposition naturelle des citoyens à la « marchandisation » de l’eau, considérée au contraire comme un bien commun; rôle important des cantons et des communes dans la gestion des ressources et de la distribution… « L’exemple actuel de la privatisation de La Poste, décidée il y a quelques années dans un enthousiasme général sous prétexte de compétitivité, a aussi permis de renverser l’opinion publique: le réseau à été démantelé, des emplois supprimés. A Genève, la sensibilité est forte sur ces questions », souligne Pierre Vanek, de l’Alliance de gauche.
C’est aussi à Genève qu’oeuvres d’entraide, ONG et syndicats feront le point sur la situation exacte du « dossier eau » en Suisse, lors du prochain Forum alternatif mondial de l’eau (du 17 au 20 mars 2005). Pour de nombreuses organisations, l’inquiétude reste de mise: d’une part, en raison de l’opacité totale cultivée par les autorités de Berne concernant le calendrier exact des libéralisations, opacité plusieurs fois dénoncée par des parlementaires. Ensuite, certains précédents laissent songeur: en 2001 déjà, le directeur de l’Office fédéral des eaux et de la géologie (OFEG) avait confirmé des « demandes émanant d’entreprises de consultants en stratégie et de banques d’investissement concernant la date d’une ouverture du marché dans le domaine de l’approvisionnement en eau », relève une commission nationale.
A Lausanne, Bastienne Joerchel, de la Communauté de travail, rappelle que la privatisation du secteur eau en Suisse a aussi été abordée en haut, dans le cadre de démarches bilatérales: « En 2002, la Suisse a reçu une requête européenne demandant la libéralisation du marché de l’eau. »

FORTE PRESSION
Les négociations en cours au sein de l’OMC concernant l’Accord général sur le commerce des services (AGCS, exigeant la privatisation en vrac des services publics) font également le jeu des grandes compagnies actives dans le domaine de la gestion et de la distribution. En particulier de Veolia, Suez et Saur/Bouygues, trois firmes françaises qui contrôlent déjà à elles seules 40% du marché international de l’eau. Que ce soit à Bruxelles ou à Berne, la France soutient ouvertement les intérêts de ses fleurons industriels. Invoquant des réglementations de l’OMC ou les directives de l’Union européenne, « à un moment donné, la pression sera tellement forte que la Suisse va lâcher », prévient Bastienne Joerchel. La responsable pointe des signes avant-coureurs dans la région: « désormais, dans les communes, ce sont des sociétés anonymes qui gèrent la distribution, ou le retraitement des eaux usées ». Ce récent changement de statut permet aux entreprises suisses contrôlées par l’Etat une ouverture au capital étranger, minoritaire dans un premier temps… majoritaire ensuite.
Alors que cette formule des sociétés anonymes gagne chaque année du terrain, comment faire barrage? Le groupe de travail « L’eau comme bien public », créé en 2001 par la Communauté de travail « Swissaid/Action de carême/Pain pour le prochain/Helvetas/Caritas », rejoint par un large réseau d’organisations, institutions ou syndicats opposés à la privatisation de l’eau, doit aujourd’hui défricher un dossier complexe. Difficile de se faire une idée précise de la situation nationale: « Dans le domaine de l’eau, avec notre Etat fédéral, les réalités sont très fragmentées », résume aussi Pierre Vanek. Le parlementaire note cependant que « certains cantons, comme Vaud et Neuchâtel, sont en train de mettre sur pied des lois instituant un monopole cantonal sur l’eau ». Ce premier pas devrait permettre d’éviter d’autres bradages du secteur « eau-énergie » – un couple encore très lié pour l’instant au sein des services industriels, qui font bloc face aux menaces de privatisation, mais qui risque d’éclater dans un proche avenir.

ZONES HORS AGCS
Dans le même esprit de sauvegarde des biens communs, plusieurs villes et communes se sont déclarées « zones hors AGCS », comme Genève (la ville), Romainmôtier ou Delémont. Le mouvement pourrait gagner en importance. Enfin, la vigilance, c’est aussi le mot d’ordre que rappelle André Liechti, responsable du service des eaux à Lausanne et membre du Syndicat suisse des services publics (SSP-Vaud): « Sur le plan syndical, nous restons extrêmement attentifs à ce dossier, même si nous ne nous sentons pas encore menacés par des intérêts privés. Nous avons la volonté de maintenir le service de l’eau en mains publiques. »

Liens:
Forum alternatif mondial de l’eau, http://www.fame2005.org.
Sites d’information sur les enjeux de l’eau:
Planète Bleue, http://www.eau.apinc.org, et
ACME, http://www.acme-eau.com

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Commentaire

On se souvient du mécontentement populaire qu’avait provoqué ces dernières années en Suisse le contrat de fourniture d’électricité obtenu par la société privée Watt pour un magasin Migros à Fribourg, ou la demande d’octroi d’une concession de prélèvement d’eau de Bevaix (Neuchâtel), formulée par Nestlé. Autre précédent, la volonté affichée dès 2001 par le canton de Bâle-Campagne « de confier à une société anonyme de droit privé les services industriels (épuration des eaux et élimination des déchets), avec la possibilité d’une participation ultérieure de tiers ». Ou encore, « la possibilité d’étendre cette façon de procéder à d’autres domaines tels que l’approvisionnement en eau ».
Comme le souligne Bastienne Joerchel, de la Communauté de travail, cette transformation soudaine de services industriels, jusque-là contrôlés par des cantons ou des communes, en sociétés anonymes, est un piège: « La structure juridique est alors prête pour la privatisation, suivant le chemin similaire de ce qui se passe dans le domaine de l’électricité. » Et à force de se répéter, le déferlement de sociétés privées empiétant sur des domaines publics risque de passer dans les moeurs.
On aurait tort de croire que le secteur de l’eau, réputé sensible, pourrait échapper à la pression des organisations internationales et des puissants lobbies industriels, qui vantent les mérites de « l’expertise incontestable des transnationales qui ont fait leurs preuves », ou défendent la privatisation en vrac des services publics. Car c’est bien d’une attaque sur tous les fronts dont il s’agit: hier la poste et les télécommunications, aujourd’hui l’énergie et les transports, demain l’eau. « Quand Veolia a ouvert un siège à Genève, on s’est demandé ce qui nous attendait », témoigne à Lausanne Bastienne Joerchel. Ce n’est pas par hasard que Veolia environnement a considérablement développé depuis cinq ans ses activités dans les cantons romands, dans différents secteurs d’intérêt municipal ou cantonal. A moyen terme, il s’agit de sa tailler la part du lion pour sa filiale Veolia Waters, leader mondial du marché de l’eau. En attendant, Veolia surfe sur la vague des libéralisations progressives pour installer ses multiples filiales. La branche technique OTV-Veolia est ainsi devenue, en 2002, majoritaire d’Alpha techniques, première société suisse spécialisée dans l’épuration des eaux (stations de Neuchâtel, Colombiers, Berne et Genève). OTV-Veolia a empoché au passage des contrats à hauteur de plusieurs dizaines de millions de francs suisses pour l’amélioration des installations, voulues par de nouvelles normes européennes. Une autre filiale de Veolia, Onyx, leader européen de la gestion de la propreté et présent sur tous les continents, s’est aussi installée en Suisse romande. Devenue majoritaire d’anciennes sociétés suisses, Onyx dispose actuellement de sept succursales. Veolia, c’est aussi les transports: « Premier exploitant privé européen du transport public de voyageurs, Connex est spécialiste de la gestion déléguée de service public et dessert plus de 4000 collectivités dans le monde. Nos 56 168 collaborateurs assurent le transport de plus d’un milliard de voyageurs par an, pour un chiffre d’affaires de 3,673 milliards d’euros (dont plus de 70% hors de France) en 2003 », informe sa direction. Signe des temps, Connex Suisse SA (rue du Nant 8, c/o Gerofid, Société Fiduciaire SA) figure parmi les dernières inscriptions au registre du commerce de Genève, en date du 16 décembre 2004. Enfin, une autre filiale de Veolia, Dalkia, « leader européen dans les services énergétiques », a ouvert ses bureaux au 14, chemin du Foron, à Thônex (Genève). Ceux qui doutent encore que la privatisation des services publics est une opération européenne qui se mène de front, pour le plus grand profit des multinationales, peuvent encore méditer.

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La valeur de l’eau en Europe

Les spécialistes l’ont dit et répété : la disponibilité en eau potable ira en s’amenuisant ces prochains décennies, y compris en Europe. L’or bleu va donc prendre de la valeur, une valeur marchande. Le prix de l’eau dans l’Union européenne est déjà sujet à de larges variations : en 2003, il était bon marché en Suède, mais trois fois plus cher en France, en Belgique, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, où il dépassait un euro le mètre cube, avoisinant même les 2 euros en Allemagne. Depuis, il n’a cessé d’augmenter. Les prix sont fixés en tenant compte de la disponibilité en eau, de la densité des populations et donc, des besoins. On parle alors de  » géopolitique de l’eau  » pour évoquer les rivalités qui risquent de se profiler à l’échelle régionale, nationale ou même internationale, pour capter les précieuses ressources. Les importantes réserves de la Suisse, très convoitées en Europe, sont prises dans cette même logique marchande. Comment considérer par exemple les protestations de cultivateurs et d’écologistes au sud de la France, par exemple, où il existe un projet pour dévier une partie des eaux du Rhône vers la grande agglomération de Barcelone, qui serait un bon  » client « ? Ce prix sera aussi majoré ces prochaines années en raison des dépenses effectuées pour la construction, l’entretien et la mise aux normes européennes des stations d’épurations, ainsi que la réfection des réseaux de distribution. Sur ce point, le géographe et professeur Yves Lacoste prédit un rôle de premier plan en Europe pour les multinationales de l’eau françaises, anglaises et allemandes : ces grands groupes industriels  » ont acquis une compétence technique et un savoir-faire qui leur permet de réaliser efficacement des réseaux de distribution d’eau dans des grandes agglomérations, où les services municipaux n’avaient pas pu faire face aux difficultés et à la montée des besoins. Toujours dans le domaine de la distribution de l’eau, mais aussi du traitement de seaux usées et des déchets, ces groupes rachètent également de nombreuses sociétés privées « .

Gilles Labarthe / DATAS

Sous pression de l’Europe, la Grèce va-t-elle relancer la privatisation de l’eau ?

10 SEPTEMBRE 2015 PAR OLIVIER PETITJEAN

La marchandisation de l’eau potable suisse est en cours (Dossier). Liliane Held-Khawam

Les négociations de cet été entre les institutions européennes et la Grèce au sujet d’un nouveau plan d’aide financière ont débouché, entre autres, sur une relance de la machine à privatiser. Le plan prévoit la cession au secteur privé de propriétés et d’entreprises à l’État grec pour une valeur estimée à 50 milliards d’euros. Le secteur de l’eau est à nouveau concerné, malgré le coup d’arrêt qui avait été mis à une première tentative de privatisation en 2014.

C’est une des conséquences du nouveau plan d’aide accordé à la Grèce par la Commission européenne et la troïka cet été : la relance de la machine à privatiser, et en particulier de la privatisation de l’eau. Un « protocole d’accord » fuité par un eurodéputé allemand dans le courant du mois d’août permet de connaître le détail des privatisations envisagées. Les biens immobiliers, les ports et infrastructures de transport, les secteurs de l’énergie et de l’eau, et les services postaux, sont les principales cibles de cette grande braderie. La section consacrée à l’eau est copiée ci-dessous (cliquer pour agrandir).

La marchandisation de l’eau potable suisse est en cours (Dossier). Liliane Held-Khawam

L’Observatoire des multinationales a consacré deux enquêtes auxprivatisations imposées à la Grèce en général et en particulier à la tentative de privatisation des services de l’eau d’Athènes et de Thessalonique. L’entreprise Suez environnement était considérée comme favorite pour racheter ces deux entreprises, mais la tentative avait fini par avorter, en raison de la combinaison d’une forte résistance locale (un référendum local non contraignant organisé à Thessalonique avait donné un résultat sans appel de 98% des votants contre la privatisation) et d’une décision du Conseil d’État grec qui avait déclaré la privatisation de l’eau inconstitutionnelle, car le service touche aux besoins vitaux des citoyens.

Certes, cette décision du Conseil d’État ne peut pas être contournée si facilement. Il n’est donc plus question de vendre la totalité des entreprises de l’eau d’Athènes et de Thessalonique au secteur privé. Seulement 49,9% au maximum. Mais si cette limitation permet de sauver les apparences légales, l’histoire prouve qu’il y a peu de différence entre une privatisation à 49,9 et à 100% dès lors que le contrôle opérationnel du service est confié au secteur privé. George Archontopoulos, président du syndicat des employés de l’eau de Thessalonique et l’un des animateurs de la campagne contre la privatisation, est sans ambiguïté : « Que ce soit 49 ou 51%, nous nous opposons à toute nouvelle privatisation de l’entreprise », car il est probable que les investisseurs privés « se verront confier le contrôle de la gestion en cadeau ». Contactée, Suez n’a pas confirmé si elle était toujours candidate au rachat des parts à vendre des deux principaux services de l’eau grecs.

Hypocrisie

Officiellement, les institutions européennes ne cessent d’affirmer leur neutralité dans le débat sur les mérites respectifs de la gestion publique et de la gestion privée de l’eau. En coulisses, toutefois, il en va tout autrement, comme vient l’illustrer à nouveau le cours des événements en Grèce [1].

Certains observateurs ont aussi souligné « l’hypocrisie » de l’Allemagne, qui est apparue aux yeux de l’opinion publique comme le défenseur le plus intransigeant de la poursuite des politiques d’austérité en Grèce, y compris les privatisations, alors même que le pays connaît actuellement une vague de dé-privatisation non seulement dans le secteur de l’eau, mais aussi dans celui de l’énergie [2]. « Ils demandent que la Grèce fasse exactement ce qu’ils ont en train de défaire en Allemagne même », a dénoncé Maude Barlow, présidente de l’ONG Food & Water Watch et ancienne conseillère de l’ONU sur les questions liées à l’eau.

Quant au gouvernement français, il ne s’est pas exprimé publiquement sur le sujet, mais au vu de ses déclarations passées sur « l’aide » que pouvait apporter les firmes françaises à la Grèce et sa sympathie habituelle pour les intérêts économiques de Veolia, Suez et co., on peut lui faire le même reproche. Le programme de privatisation grec représente aussi une opportunité alléchante pour les banques : BNP Paribas est déjà citée comme conseillère pour la cession des propriétés immobilières de l’État grec.

En 2013, près deux millions de citoyens européens avaient signé la première Initiative citoyenne européenne (ICE) sur le droit à l’eau et le refus de la privatisation (Right2Water), coordonnée par une coalition de syndicats et d’associations européens. La Commission européenne s’était contentée d’une réponse minimale, estimant qu’il n’était pas nécessaire d’introduire de nouvelles législations. Le 8 septembre 2015, le Parlement européen vient toutefois d’approuver une motion exigeant que la Commission consacre législativement le droit à l’eau, et exclut expressément le secteur de l’eau de la directive sur les concessions et de ses négociations commerciales internationales, notamment celles du projet de traité de libre-échange avec les États-Unis (Tafta). Sera-ce déjà trop tard pour la Grèce ?

Olivier Petitjean

[1Le Portugal a connu une privatisation de certains services d’eau dans le cadre de son plan d’aide financière, tandis que l’Irlande s’est vue obligée de créer une entreprise nationale de l’eau, gérée dans une optique commerciale, ce qui a été vu par beaucoup d’Irlandais comme une privatisation rampante et a donné naissance à un vaste mouvement social. En Italie et en Espagne, la crise financière a aussi été prétexte à une relance des efforts de privatisation.

[2Voir nos enquêtes ici et respectivement.

Liliane HeldKhawam
Bienvenue sur le blog personnel de Liliane Held-Khawam! Vous trouverez ici plusieurs publications parues dans la presse ou dans des revues spécialisées. Liliane Held-Khawam est née à Héliopolis (Egypte) et a vécu au Liban, en France, Suisse, Etats-Unis.

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