Gilbert Greub est professeur ordinaire à l’Institut de Microbiologie de l’Université de Lausanne. Il a obtenu son PHD à l’Université de Marseille sous la supervision du Prof. D Raoult. Le professeur Greub est aussi chef du service de Microbiologie médicale à l’hôpital universitaire de Lausanne (CHUV). Il cumule une série de fonctions de direction dont celle des laboratoires de diagnostique clinique en microbiologie. C’est à ce titre que nous l’avons interrogé sur la PCR et le nombre d’amplifications Ct pratiqué par le CHUV. Plusieurs fois primé, le professeur Greub est une référence mondiale et en tout cas européenne du domaine du dépistage du SARS-COV-2 https://www.eccmidlive.org/#!users/303872 et
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Quelle est la borne supérieure admise en valeur de CT pour estimer qu’un test est positif ?
Dans notre laboratoire, nous n’avons pas fixé de seuil. Le nombre maximal de CT est différent selon la méthode et correspond au nombre maximal de cycles effectués.
En l’occurrence, nous utilisons 3 types de RT-PCR SaRS-CoV-2 distinctes :
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Une RT-PCR utilisant une extraction Magnapure (Roche) suivit d’une retro-transcription et amplification à l’aide de machines de type Applied Biosystems, avec des sondes Taqman; le tout est automatisé à l’aide de 3 robots Hamilton. Avec cette plateforme automatisée, nous faisons 45 cycles d’amplification.
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Une RT-PCR appelée « Cobas », commercialisée par Roche, avec un maximum de 50 cycles.
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Une RT-PCR appelée « GeneXpert», commercialisée par Cepheid, avec un maximum de 45 cycles. (https://www.cepheid.com/en/systems/GeneXpert-Family-of-Systems/GeneXpert-System)
Nous n’avons donc pas fixé de seuil. Par contre, nous avons mis en place une surveillance par rapport à cette problématique de possibles faux positifs et ce dès le début (14 février 2020), notamment en comparant les résultats obtenus d’un même patient, ainsi que les résultats obtenus à l’aide des RT-PCRs ciblant 2 gènes distincts. Afin de faire face au grand nombre d’analyses reçues, nous avons d’ailleurs automatisé la comparaison des résultats provenant d’un même patient
(Mueller et al. https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.07.27.20162123v1).
Notez qu’en février, nous n’avions que notre plateforme automatisée disponible (Greub et al. Future Microbiol. 2016;11(3):403-25), puisqu’il n’y avait alors aucun test commercial homologué. La RT-PCR se basait alors sur la publication de l’OMS (Corman et al. Euro Surveill. 2020 Jan 23; 25(3): 2000045.). L’une des mesures permettant de s’assurer de la fiabilité des résultats rendus alors a été d’utiliser en routine 2 gènes distincts (2 RT-PCR) pour chaque demande d’analyse. Les rares discordants, qui présentaient une positivité qu’après un nombre de cycle élevé de PCR (charges virales faibles), étaient initialement re-testés, avec des résultats dans la toute grande majorité des situations à nouveau positifs.
Les statistiques les plus robustes que nous avons aujourd’hui concerne le test Cobas de Roche, effectué sur le robot Cobas 6800. En effet depuis avril, nous effectuons la plupart des tests avec cette technologie, qui permet de grandes séries (95 échantillons par run). Sur 3062 tests positifs avec la RT-PCR ciblant le gène E, nous n’avons observé que 4 résultats positifs au-delà de 40 cycles soit 0.13 %, et tous les 4 étaient obtenus au maximum après 42 cycles. Ainsi, bien que nous faisons – comme proposé par le fabricant – un total de 50 cycles, aucun résultat ne s’est révélé positif tardivement au-delà de 45 cycles, ce qui est attendu lorsque la technologie est fiable. Notez qu’avec l’autre gène, aucun résultat n’était positif au-delà de 40 cycles et que seulement 14 cas étaient positifs entre 35 et 40 cycles. Ainsi, les positifs faibles (> 35 cycles) sont plutôt rares, ce qui démontre que nos résultats positifs sont de vrais positifs.
Un autre argument qui suggère que ces faibles positifs sont des vrais positifs est le fait que nous ayons documenté à quelques jours d’intervalle (sur des runs différents) 2 faibles positifs chez 2 personnes de la même famille testés dans les semaines qui ont suivi la maladie, alors qu’ils étaient tous deux à nouveau asymptomatiques. S’il s’agissait de faux positifs aléatoires, ils ne seraient pas documentés par hasard chez 2 personnes d’une même famille.
A partir de quel seuil de CT un positif n’est plus contagieux ?
Pour répondre à cette question de manière formelle, il faudrait avoir des données épidémiologiques sur les transmissions secondaires à partir des sujets documentés positifs par notre laboratoire. La contagiosité est probablement faible voire négligeable au-delà d’un Ct de 36, correspondant à environ 1000 copies/ml (Jacot et al. Microbes Infect. 2020 Sep 7 doi: 10.1016/j.micinf.2020.08.004). Cependant, la contagiosité ne dépend pas que de la charge virale, mais également d’autres paramètres tel que la toux ou/et la présence d’un écoulement nasal. Ainsi, le laboratoire ne rend qu’un résultat quantitatif et ne donne pas d’informations additionnelles sur la contagiosité potentielle. Au vu des charges virales élevées généralement observées, il est logique et pragmatique de considérer a priori que tout patient positif et symptomatique pourrait être contagieux.
Existe-t-il un document officiel qui définit cette valeur en tant que norme suisse/européenne/ mondiale peut-être, ou chaque laboratoire décide de la sienne ? Si tel n’est pas le cas, pourriez-vous nous informer sur les pratiques des autres établissements suisses agréés par Swissmedic ? Et ailleurs dans le monde, notamment en France ?
A ma connaissance il n’y a pas de valeur seuil; en tous les cas, il n ‘y a pas une telle norme en Suisse.
Est-ce que les différentes normes adoptées par les établissements expliqueraient le nombre d’infections plus élevé à Genève et Vaud par rapport à d’autres cantons ?
Non, le taux d’infections plus élevé dans les cantons de Genève et Vaud (par rapport à d’autres cantons) n’est pas lié à la manière de reporter nos analyses, ni à d’éventuels faux positifs d’ailleurs estimé dans notre laboratoire ne survenir que dans moins d’un cas sur 10’000.
Communiquez-vous aux médecins traitants -au-delà d’un résultat PCR positif ou négatif- la valeur du cycle-seuil qui serait déterminant, si j’ai bien compris, en matière de niveau de contagiosité ?
Oui, nous rendons nos valeurs de manière quantitative (i) aux médecins nous demandant un test diagnostique et (ii) au personnel des centres de dépistage. Les résultats sont rendus de manière quantitative dès la mi-avril.
Cherche-t-on le génome complet du virus ou juste quelques séquences d’ARN ?
Les RT-PCR ne ciblent qu’une partie du génome car la sensibilité est meilleure si une courte séquence est amplifiée.
Combien de tests sont pratiqués sur un même candidat-patient? Il semble que certains répètent l’exercice…
En général, un test sur un échantillon nasopharyngé permet avec une bonne sensibilité de documenter l’infection ; parmi les 50 sujets positifs au niveau nasopharyngé et qui ont eu un 2ème test peu de temps après le premier, 1 seul test était négatif, ce qui correspond à une sensibilité de 98% parmi des personnes qui excrètent le virus au niveau nasopharyngé. Cette sensibilité de 98% nous permet donc de rassurer les personnes dont le test est négatif, pour autant que le prélèvement ait été effectué correctement, c’est à dire avec un écouvillon dédié, fin et en allant véritablement au niveau du nasopharynx soit à 6-8 cm de profondeur. Un 2ème test peut être envisagé quelques jours plus tard, par exemple si le patient est hospitalisé en raison de l’évolution ou si une infection due au SARS-CoV-2 reste suspectée.
Il arrive aussi qu’un patient ait plusieurs tests le même jour car plusieurs échantillons sont disponibles (prélèvement respiratoire pulmonaire, nasopharyngé et oropharyngé par exemple).
Prend-on en compte dans les statistiques les tests-retests sur un même candidat, ou les résultats communiqués par l’OFSP comptabilisent l’ensemble des tests, y compris les tests-retests ?
Les annonces que notre laboratoire et les autres laboratoires suisses font à l’OFSP sont nominatives. Ainsi, l’OFSP peut transmettre des statistiques ne comptabilisant qu’une fois la positivité d’un individu.
Peut-on établir le génome d’un individu sur la base d’un prélèvement Covid ?
La plupart des échantillons humains envoyés pour analyse dans des laboratoires contiennent des cellules humaines. Ainsi, théoriquement, il pourrait être possible d’accéder à certaines informations génétiques. Cependant, conformément à la loi en vigueur en Suisse, les laboratoires de microbiologie ne font pas de telles analyses, ciblant leurs efforts sur la détection de pathogènes.
Les tests de RT-PCR employés permettent-ils de déterminer quel pourcentage de l’échantillon est composé de particules défectives interférentes (angl. « defective interfering particles ») ?
La plupart du temps (2851 sur 3074 soit 92.75%), la PCR Cobas est positive avec les tests RT-PCR ciblant à la fois le gène E et le gène RDRP ; dans ces cas, le fait que les 2 gènes sont positifs suggèrent qu’il s’agit d’un virion avec un génome complet. De surcroit, parmi les 7.25% restant, la plupart ont des charges virales élevés (cf. ci-dessus). Ces charges virales élevées suggèrent une réplication virale, c’est à dire un virion non-défectif capable de se répliquer. Ainsi, un résultat positif est généralement le reflet d’un virus non défectif et tout sujet positif et symptomatique doit être a priori considérer comme contagieux.
Les échantillons sont-ils également analysés sur test de plaque, afin de déterminer le titre effectif du virus ?
Non, ces tests sont trop complexes en terme de temps et nécessite un travail en laboratoire de biosécurité de niveau 3 (BSL3). Nous ne pouvons au vu du nombre de personnes testés pratiquer systématiquement des tests aussi sophistiquées. Ces tests sont conduits occasionnellement par certains laboratoires de référence pour répondre à des questions spécifiques.
Si ce n’est pas le cas, comment déterminez-vous
Nous ne déterminons pas le titre effectif du virus, mais estimons la charge virale sur la base du nombre de cycles nécessaires à obtenir un signal (Ct). Ainsi, un Ct de 36 correspond environ à 1000 copies d’Arn par millilitre. On estime qu’un Ct 3x plus bas correspond environ à 10x plus de virus. Cette corrélation entre cycle de RT-PCR et charge virale se base (i) d’une part sur la quantification de témoins positifs plasmides dilués de manière sérielle d’un facteur 10 et (ii) d’autre part sur un contrôle positif titré, fourni par le centre de référence de la Charité à Berlin, et qui nous a servi de contrôle positif initialement.
Déroulement de l’interview
L’interview a été réalisée par échange de mails, par écrit. Il était important pour moi de fournir au lecteur les réponses les plus fiables possibles sans introduire de biais.
Au vu de la technicité du sujet et pour relayer l’état des lieux de la manière la plus neutre possible, ses réponses ont été reproduites à l’identique. En revanche, la mise en exergue de certains passages relève de la mise en page.
Une question très importante n’a toutefois pas été reproduite dans le texte ci-dessus dans la mesure où M Greub n’en détient pas la réponse. Nous la poserons à l’occasion à un (ou plusieurs) médecin cantonal de la Région du Grand Genève, voire de la région neuchâteloise et jurassienne. Il s’agit de celle-ci:
« Sauriez-vous nous dire ce que représente en % la part de patients venant de France voisine (notamment frontaliers bénéficiant des accords franco-suisses en matière de soins) dans les résultats globaux ? »
Nous remercions chaleureusement M Greub pour le temps qu’il nous a consacré malgré son agenda très chargé.
LHK