Polytechnicien, Philippe Bourcier de Carbon (X61), membre de 1964 à 2007 du corps des chercheurs de l’INED où il a longtemps collaboré avec Alfred Sauvy et Jean Bourgeois-Pichat. Il a enseigné la Démographie Economique à l’Université de Nancy, puis de Paris II (Assas-Melun), et a professé la Démographie du développement à l’Institut Universitaire d’Etudes du Développement de Genève. Il a été détaché auprès du Population Council à New-York, et au BIT à Genève. Ancien conseiller technique auprès de Gouvernements du Tiers-Monde (dont Algérie), il a assuré des missions de consultations auprès d’organismes internationaux (BIT, OCDE, UNESCO…). Il a été membre de la Commission Démographie-Sociologie du CNRS, et a été membre des jurys des concours d’entrée de l’E.N.A. et de
Topics:
Liliane HeldKhawam considers the following as important: Autres articles
This could be interesting, too:
Liliane HeldKhawam writes L’Humanité vampirisée disponible.
Liliane HeldKhawam writes L’Humanité vampirisée disponible.
Liliane HeldKhawam writes Les enfants dans le collimateur du Nouveau Monde. Enfants volés de GB (Vidéo)
Liliane HeldKhawam writes Les enfants dans le collimateur du Nouveau Monde. Enfants volés de GB (Vidéo)
Après « Dépossession, comment l’hyperpuissance d’une élite financière met Etats et citoyens à genoux » que Liliane Held-Khawam vient de publier en 2018, elle nous livre cette année sous le titre « Coup d’Etat planétaire, Comment une élite financière s’arroge le pouvoir absolu par la captation universelle des ressources» le deuxième des trois volets de l’essai qu’elle entend consacrer au décryptage des mutations accélérées et stupéfiantes de notre monde actuel, qui nous laissent interdits, perplexes, et bientôt mal à l’aise et sourdement inquiets, tels de modernes « Œdipe » face à l’énigme du nouveau Sphinx des mutations contemporaines.
Comme la plupart des analystes commencent à présent en effet à le réaliser, depuis la fin du second conflit mondial, les sociétés humaines, tout au cours de la seconde moitié du XXème siècle, ont été les lieux de très profondes et rapides transformations, inédites dans l’histoire de l’Humanité, de leurs populations, de leurs économies et appareils productifs, comme des fondements de leurs structures sociales et de leurs mécanismes politiques. Tous ces bouleversements ont été accélérés, sinon en fait carrément induits, par de véritables révolutions technologiques (par exemple, l’informatique) et par l’essor sans précédent des réseaux internationaux des télécommunications (par exemple, les satellites), de la finance et du commerce, de l’aviation, de l’audiovisuel, du tourisme et des migrations…etc…
Campée sur cette toile de fond, l’approche de Liliane Held-Khawam peut en effet nous convaincre lorsque, recoupant les trois volets de son analyse, elle distingue essentiellement trois stades pour résumer au cours des deux dernières générations, soit au cours des six dernières décennies, l’apparition actuelle, depuis la fin des années 50, d’une société qui se révèle devoir être absolument inédite dans la longue histoire de l’Humanité. On pourrait résumer ainsi cette vision :
Le premier stade (1960-1986) : du début des années 60, caractérisées par l’essor des pétrodollars gérés par la City et la création des réseaux des paradis fiscaux de la Couronne britannique, jusqu’en 1986, l’année du big-bang financier consécutif à la dérégulation financière imposée par l’Acte Unique Européen, année marquée par ailleurs par la catastrophe de Tchernobyl qui déstabilise le monde soviétique. Ces vingt-cinq années virent la phase finale de la Guerre froide et l’essor de l’Internationalisation accélérée du monde par les échanges commerciaux entre les continents tandis que de nouveaux marchés s’ouvraient en Corée et au Japon. Conservant alors encore leurs attributs de centres réels ultimes des décisions, les Etats sous leurs formes historiques conservaient leur pertinence traditionnelle.
Le deuxième stade (1986-2006) : puis de l’année 1986 (voir ci-dessus) aux années 2006-2007, celles de la crise du système monétaire et financier mondial allumée, grâce aux nouveaux instruments financiers (CDSs et autres CDOs), par l’orgie internationalisée des « subprimes », ou crédits hypothécaires immobiliers aux Etats-Unis. Cette période fut en effet celle de la Mondialisation proprement dite, période de vingt ans au cours de laquelle partout sur la planète, les échanges internationaux ont pris, sous l’irrésistible et soudain essor des groupes monétaires financiers et bancaires trans-nationaux, une part organique croissante dans les systèmes de production et d’échange des peuples, qui, en vidant rapidement les structures étatiques traditionnelles de leur contenu décisionnaire réel, ont engagé la dissolution des états. Cette courte période aura été marquée par un double événement historique extraordinaire : la dissolution et la disparition soudaine et largement inopinée du Colosse soviétique (8 décembre 1991), tout aussitôt suivie en conséquence de l’adoption du traité de Maastricht de septembre 1992, de la constitution d’une nouvelle entité administrative, économique et politique, l’Union Européenne, annonçant l’apparition pour le début du nouveau millénaire d’une monnaie nouvelle l’Euro.
Le troisième stade (depuis la crise de 2006-7) : A l’occasion de la crise systémique planétaire, monétaire, bancaire et financière des années 2006-7, déclenchée par les décideurs des grands groupes financiers transnationaux, les élites étatiques de l’auto-proclamée « communauté internationale », ont, sous le contrôle étroit des élites financières transnationales, démontré à leurs populations la totale incapacité de leurs structures étatiques et politiques traditionnelles placées sous leur contrôle à les protéger, comme c’était pourtant jusqu’alors leur fonction historique première, des conséquences toujours plus cruelles de l’endettement croissant de leurs états, consécutif à cette catastrophe financière. C’est cette déchéance cruelle du prestige de l’Etat auprès des peuples qui inaugure réellement la phase cruciale de la Globalisation. C’est en effet la période où commence à émerger une nouvelle société, qui promet d’être homogénéisée, mondialisée et de plus en plus robotisée par l’essor de l’Intelligence Artificielle et des Big Data. Elle semble devoir s’organiser en une sorte de système-monde constitué d’oligopoles et de monopoles privés, édifiés grâce à la puissance de l’appropriation privée de la création monétaire associée aux nouvelles technologies, et devenus des sortes d’institutions transnationales techniques qui régissent, sous la férule attentive d’un pôle financier unifié et fortement concentré, les grands secteurs qui regrouperaient désormais l’essentiel de la vie et des activités des populations réduites à des troupeaux rigoureusement gérés selon les lois de la productivité comptable : à savoir, essentiellement le secteur de l’appareil de production au sens le plus large, englobant même celui des services sociaux, ainsi qu’un secteur gérant des unités territoriales avec les populations qui s’y rapporteraient, baignant l’un comme l’autre au sein d’un troisième secteur transversal qui les irriguerait intimement, celui de l’information au sens le plus large, des normes et procédures et de la numérisation. Alors, après celles de « Démocratie » et de « Politique », les notions traditionnelles de « marché économique », de « prix » et de « libre concurrence » au sens classique de la théorie économique au nom desquelles les premières auront pourtant fini par être sacrifiées, seront-elles, elles aussi à leur tour, abandonnées, car devenues obsolètes, inutiles sinon nuisibles à la gestion efficace des populations au sein du nouveau système-monde établi sur la planète.
Alors serait sans doute pleinement réalisé le célèbre rêve prêté dès 1825 à Claude-Henry Rouvroy de Saint Simon « Substituer enfin au gouvernement des hommes, l’administration des choses », très vite devenu, grâce à la ferveur de ses disciples messianiques Saint-Simoniens, enfants chéris des banquiers parisiens Laffitte, d’Eichtal, Rothschild, Pereire… (pourtant à l’époque tout occupés par le développement en France des réseaux ferrés et fluviaux, et des canaux maritimes internationaux), le mot d’ordre de ce qui allait devenir au XXème siècle la « technocratie » qui serait, avec le succès planétaire de la Globalisation, parvenue à transformer enfin l’humanité en une sorte d’hyper-machine numérique au sens de la cybernétique de Norbert Wiener, gérée par une hyper-oligarchie restreinte.
Mais c’est pour le troisième volet prochain de son essai que l’auteur réserve plus spécifiquement l’examen des caractéristiques et des structures de ce système-mondial globalisé, en évaluant les éventuelles contradictions dont il semble porteur, comme les conséquences de ses possibles hubris.
L’année dernière, Liliane Held Khawam avait déjà consacré le premier volet « Dépossession » de son étude à montrer à son lecteur comment, avec l’avènement voici trente ans de « la révolution néo-conservatrice » anglo-saxonne de Reagan et de Thatcher, une petite élite de financiers internationaux avaient su se réserver discrètement la quasi-exclusivité de la création monétaire qui en deux décennies leur a offert l’hyperpuissance qui leur permet aujourd’hui de mettre à genoux, Etats, entreprises et citoyens. Elle nous y révélait déjà, en son chapitre XVI, comment, à eux seuls, quatre cabinets anglo-saxons de gestionnaires d’actifs (primary dealers) BlackRock, Vanguard, Fidelity et State Street, dont les clients sont des investisseurs institutionnels et des banques centrales, étaient désormais parvenu en toute discrétion à coordonner les flux financiers pour en régenter à présent l’ensemble du marché planétaire !
Cette année avec son second volet « Coup d’Etat planétaire» l’auteur complète et précise les processus de la Mondialisation qui transforme rapidement les états traditionnels en coquilles vides. C’est aussi dans le même temps que les populations sont abandonnées par la protection publique, qu’elles sont aussi désormais livrées par un système médiatique étroitement sous contrôle à un discours unique néo-libéral imposé qui, plus encore qu’à la mystique, confine désormais quasiment à l’hystérie, ce qui rend possible et même facilite largement le pillage des richesses nationales au profit de l’oligarchie financière transnationale.
Ce transfert extraordinaire de richesses traduit en réalité un transfert de pouvoir qui ne s’avoue pas comme tel. Cependant, contrairement à toute l’histoire humaine, à mesure qu’il se concentre et qu’il se renforce dans le cadre de la Mondialisation, ce pouvoir transféré en même temps disparaît sous l’invisibilité conférée par le principe de l’anonymat des capitaux.
Pourtant l’on sait bien que la stabilité des sociétés humaines a toujours exigé la visibilité du pouvoir réel sans laquelle disparaît sa responsabilité qui fonde l’autorité et la politique. Une mise en scène apparaît donc encore nécessaire pour restaurer dans la nouvelle société le sens du sacré qui précisément fonde le principe de légitimité et d’autorité. C’est peut-être ainsi qu’il faudrait en réalité comprendre le célèbre aphorisme que l’on prête à André Malraux : « le XXIème siècle sera religieux ! ».
Les principes de la mutation actuelle de l’organisation de la société qui, à l’issue de la Mondialisation, semble devoir s’emparer désormais de la planète, trouvent en fait leur source dans le monde anglo-saxon, aussi ne saurait-on s’étonner des accents messianiques qui lui sont familiers et dont celle-ci est immanquablement porteuse. Ces accents n’ont évidemment pu échapper à l’auteur qui en son chapitre 5 souligne que c’est bien une mondialisation de caractère messianique qui ancre les origines conceptuelles de ce nouveau système-monde en gestation, en citant les discours de Roosevelt puis de Truman dès les années 40.
Parmi les aspects paradoxaux, voire carrément pervers des concepts avancés pour faire accepter aux populations, et le leur rendre désirable, l’avènement de ce nouveau système-monde, le lecteur pourra être édifié par le détournement habile des principes de l’Ecologie selon les concepts du « développement durable », qui en réalité facilitent la gestion des territoires tout en assurant la gestion coordonnée de leurs populations (chapitres 9 et 10) aux déplacements placés sous contrôle, dans le cadre de la privatisation et de la corporisation des espaces nationaux (chapitre24). De même le chapitre 14 leur enseignera comment c’est bien au nom du libéralisme, de la liberté et du respect des personnes que les avoirs comme les propriétés privées des citoyens ordinaires seront, de fait, bientôt appelés à être confisqués.
Maurice Allais, longtemps resté le seul Français, lauréat du Prix Nobel d’Economie, avait, dès les années 80, pressenti les grandes lignes de la mutation sociale et économique qui nous emporte aujourd’hui, et, avec l’autorité que lui conférait son prix Nobel, et après avoir tenté d’abord en vain de motiver les responsables politiques au plus haut niveau, il avait cherché alors à alerter le plus largement possible ses contemporains sur la menace qui pesait sur le pays.
Outre la chronique économique mensuelle (alors très lue), le plus souvent consacrée à la politique économique de Bruxelles, qu’il publiait au cours des années 90 depuis le traité de Maastricht dans les colonnes du Figaro, et dérogeant à ses habitudes de chercheur rigoureux et maître en sa discipline qui jusqu’alors publiait ses innombrables travaux exclusivement dans des ouvrages massifs et très spécialisés, il s’était à cet effet résolu à publier en 1999 aux éditions Clément Juglar deux ouvrages très aisément compréhensibles car écrits pour un très large public, le premier, « La crise mondiale d’aujourd’hui : pour de profondes réformes des institutions financières et monétaires », consacré aux dérives du système financier international énonçant et démontrant les principes[1] absolument nécessaires à toute réforme efficace, le second, « La mondialisation[2] : la destruction des emplois et de la croissance – l’évidence empirique » décryptant les méfaits de la politique économique et commerciale imposée par Bruxelles et le GATT-OMC dans le cadre du traité de Maastricht. Aujourd’hui, vingt ans plus tard, ces deux ouvrages épuisés n’ont toujours pas été réédités.
Maurice Allais aura disparu inopinément le 9 octobre 2010, sous les hommages officiels que la République lui aura solennellement rendus dans la cour carrée des Invalides. Et pourtant, fait unique dans la chronique des lauréats Nobel, ce Prix Nobel de Sciences Economiques de réputation mondiale était alors, dans son propre pays, au vu et au su de ses collègues, en France, depuis déjà une décennie, de facto férocement interdit de médias, n’ayant pas en effet hésité à publier ces ouvrages qui osaient ainsi mettre en cause des intérêts privés si colossaux, et chercher à alerter ses concitoyens alors qu’il en était encore temps.
Par son combat intellectuel indomptable extraordinaire en effet, qui lui aura valu d’être ainsi relégué en France au Goulag médiatique, il est maintenant permis de considérer Maurice Allais comme le Soljenitsyne français du capitalisme financier et de l’ultra-libéralisme mondialiste actuel.
Vingt ans après la publication de ces livres, et près d’une décennie après la disparition de leur auteur, les mécanismes monétaires, financiers, commerciaux, économiques et sociaux, dénoncés alors en vain, auront donc pu librement désormais déployer largement toute leur mesure perverse, alors que c’est de fond en comble qu’à présent ils démantèlent les sociétés sous nos yeux, ainsi que la rigoureuse analyse de Liliane Held- Khawam nous en dresse ici le tableau implacable.
En lisant « Coup d’Etat planétaire» qui explicite les forces de transformation actuellement à l’œuvre partout autour de nous, Liliane Held-Khawam nous explique comment en fait nos sociétés sont entrées les unes et les autres en quelque sorte en gésine, en « travail », pour donner le jour, au cours des deux ou trois prochaines décennies, à une nouvelle forme planétaire encore inédite d’organisation de l’Humanité, à l’esquisse des grandes lignes et à la « Démesure » de laquelle Liliane Held-Khawam réserve le troisième et dernier volet de son analyse.
Mais, sans plus attendre ces précisions, conclusions et révélations prochaines, d’emblée un sentiment d’inquiétude nous étreint en terminant la lecture de « Coup d’Etat planétaire» : puisqu’avec le temps, les mécanismes exposés tendent à devenir inexorables et hors de portée des décisions collectives, où faudrait-il chercher la possibilité qu’ils fussent enrayés ?
Depuis l’origine, toutes les sociétés humaines ont été, et seront probablement encore au cours de la prochaine génération, c’est-à-dire jusqu’en 2050, rendues possibles et maintenues pérennes par l’exercice de deux forces permanentes qui constituent l’essence même de la condition humaine et de ses constructions religieuses, symboliques et culturelles : la mortalité et la fécondité, la première à l’origine de la nécessité de la cohabitation des parents et des enfants, et la seconde infusant sens et hiérarchie dans la société des générations cohabitantes. Alors que la mortalité concerne tous les âges de la vie des deux sexes, la fécondité est encore l’apanage exclusif du sexe féminin réduit aux âges de la puberté (15 ans environ) à la ménopause (50 ans). Alors que la mortalité concernait ordinairement les nouveau-nés, les enfants et les personnes âgées, elle réduit aujourd’hui son action, à mesure du recul de la mort dans les sociétés avancées, en la concentrant essentiellement sur les personnes âgées de plus de 70 ans. De même, dans nos sociétés avancées le renouvellement des générations est désormais concentré sur quinze années d’âge de la population féminine : sur les femmes âgées de plus de 25 ans et de moins de 40 ans, lesquelles constituent 90% de l’effectif des mères qui, chaque année donnent le jour à un nouveau-né. C’est assez souligner l’extrême importance des structures selon le sexe et l’âge des populations rendues visibles par leurs pyramides démographiques (ou tableau des effectifs de leurs populations réparties selon le sexe et l’âge) pour concevoir l’évolution des sociétés au cours des décennies à venir.
Ainsi les pyramides démographiques rendent visibles les effectifs relatifs de trois grandes catégories cohabitantes qui conditionnent grossièrement le fonctionnement des sociétés avancées : les Seniors ou personnes âgées de 50 ans et plus (ils sont sortis physiologiquement du processus de fécondité, et sont socialement en passe de quitter aussi celui de la création de valeur marchande), les Adultes âgés de 20 ans et plus et de moins de 50 ans (ce sont les âges du processus de production économique et du renouvellement des générations), et enfin les Jeunes, âgés de moins de 20 ans (ils ne sont pas encore entrés socialement dans le processus de reproduction, ni dans celui de création de valeur marchande). Au sens des générations, ces trois grandes catégories représentent également au sens large, les enfants et mineurs, leurs parents ainsi que leurs grands-parents et générations précédentes qui continuent à cohabiter dans la société.
Lorsque la fécondité perce durablement le plancher de simple reproduction des générations (le fatidique seuil de 2,1 enfants par femme dans les sociétés avancées où l’espérance de vie surpasse 70 ans), les nouvelles générations deviennent numériquement inférieures à celles de leurs parents et la pyramide des âges de ces sociétés s’inverse. Ce qui signifie qu’à terme les Seniors âgés de 50 ans et plus finissent, dans ces sociétés aux pyramides inversées, par devenir plus nombreuses que les Adultes (ces derniers étant eux-mêmes déjà plus nombreux que les Jeunes). Mais les Seniors devenant de plus en plus prépondérant sur les Adultes (rapport de séniorité supérieur à 50%, signifiant que les Seniors âgés de 50 ans et plus représentent plus de la moitié des personnes âgées de 20 ans et plus), leur poids dans les décisions collectives[3] ne cesse chaque année de s’accroître, conférant à leurs besoins une priorité croissante sur ceux des familles et des jeunes femmes susceptibles d’accepter une grossesse, prépondérance croissante qui exerce une pression toujours croissante pour baisser la fécondité dans la société.
Le lecteur aura compris que s’enclenche ainsi une redoutable boucle CUMULATIVE, un système IMPLOSIF[4] de l’ensemble de la société qui, à mesure que s’accroît l’âge médian de ses systèmes de décisions collectives, abandonne le souci de son propre avenir et ses investissements vitaux à long terme, c’est-à-dire déserte même sa mission de pourvoir au renouvellement et à la pérennité de l’ensemble de la société. Ainsi, la persistance du non remplacement des générations finit par entraîner à elle seule l’inversion de la pyramide des âges (rapport de vieillissement[5] supérieur à 100%) laquelle enclenche le processus cumulatif d’implosion de la population.
Les dernières publications de la Division démographique des Nations Unies évaluent à 7,7 milliards le nombre actuel d’habitants de la planète dont 55% vivent en environnement urbain. Selon l’ONU, en l’espace d’une génération, c’est-à-dire au cours des trois prochaines décennies, la population mondiale, alors urbaine à près de 70% en 2050, devrait s’être accrue encore d’environ 2 milliards de personnes, dont plus de la moitié issues de neuf pays seulement l’Inde, le Nigeria, le Pakistan, la République démocratique du Congo, l’Ethiopie, la Tanzanie, l’Indonésie, l’Egypte et les Etats-Unis, la population de l’ensemble de l’Afrique sub-Saharienne ayant à elle seule doublé pour compter 2 milliards de personnes en 2050. En raison de leur vieillissement démographique déjà très avancé et du retournement confirmé des pyramides de leurs populations[6], 27 pays sont aujourd’hui déjà engagés dans une baisse de leur population dont la Chine, et leur nombre s’accroît alors que la part de la population mondiale qui remplace encore ses générations compte tenu de la mortalité résiduelle[7] ne va cesser de se réduire.
C’est sur la période des trois dernières décennies passées que s’est inscrite l’émergence du système-monde global inédit dont Liliane Held-Khawam décrit ici la gestation quelque peu monstrueuse. Mais c’est bien au sein du tableau des structures, évolutions et mécanismes démographiques qui viennent d’être exposés que devra s’insérer la délivrance finale de cette nouvelle société humaine qui paraît dangereusement inédite dans l’histoire des hommes.
Cette toile de fond démographique révèle que ce nouveau système-monde devra en effet nécessairement trouver son équilibre au sein d’une société humaine très largement dominée par les Seniors, où il sera particulièrement difficile aux Juniors et aux Jeunes Adultes de trouver leur juste place, considérés comme ils auront en conséquence tendance à l’être naturellement de plus en plus comme de simples ressources, matériel humain, ou variables d’ajustements par les décideurs.
Bien évidemment le vieillissement universel des sociétés consécutif à l’inversion généralisée des pyramides des populations va répandre partout sur terre au cours des prochaines décennies l’euthanasie, promouvant largement dans ces sociétés ce que le Pape Benoît XVI dénonçait encore naguère comme l’essor des fausses « valeurs de mort » au détriment des « valeurs humanistes », en particulier celles de la liberté humaine personnelle qui devra s’y soumettre.
Gageons que les contenus conceptuels des Droits de l’Homme comme du caractère sacré de la vie humaine, pourraient difficilement en sortir indemnes.
Un tel système serait-il capable de pérennité ? Ou l’humanité pourrait-elle alors subsister à cette nouvelle utopie ?
Mais ce champ de prospective n’appartient pas à ce présent volet de l’approche de Liliane Held-Khawam.
Par le tryptique de son analyse de la formidable mutation dont nous sommes désormais avec nos enfants à la fois les témoins et les acteurs contraints, Liliane Held-Khawam entreprend une œuvre fondamentale de lanceur d’alerte, une véritable œuvre de salut public ! Puisse son travail connaître très vite la diffusion la plus large, afin qu’enfin les yeux s’ouvrent, en dépit du verrouillage de l’information sournois autant que féroce dont nous avons appris à connaître l’existence sur ces sujets.
Plus tôt et plus largement en effet sera perçue l’hubris, qu’elle décrit et expose ici, de cette nouvelle tentative Babelienne de construire ainsi un ordre nouveau transhumain prométhéen, plus vite aussi sans doute enfin y sera-t-il mis, comme l’enseignent les Ecritures, un terme salvateur par la manifestation de la Némésis de l’inévitable auto-contradiction et confusion des langues dont il est intimement porteur.
Philippe Bourcier de Carbon
NOTES:
[1] Pour empêcher, expliquait-il, la récurrence des crises et catastrophes monétaires qui bouleversent les sociétés actuelles, il est nécessaire que :
-
« La création monétaire doit relever de l’Etat et de l’Etat seul. Toute création monétaire autre que la monnaie de base par la Banque Centrale doit être rendue impossible, de manière à ce que disparaissent les « faux droits » résultant actuellement de la création monétaire bancaire privée.
-
Tout financement d’investissement à un terme donné doit être assuré par des emprunts à des termes plus longs, ou tout au moins de même terme. »
« Cette double condition, écrit-il, implique une modification profonde des structures bancaires et financières reposant sur la dissociation totale des activités bancaires telles qu’elles se constatent aujourd’hui, et leur attribution selon trois catégories d’établissements distincts et indépendants :
-
des banques de dépôt assurant seulement, à l’exclusion de toute opération de prêt, les encaissements et les paiements, et la garde des dépôts de leurs clients, les frais correspondants étant facturés à ces derniers, et les comptes des clients ne pouvant comporter aucun découvert ;
-
des banques de prêt empruntant à des termes donnés et prêtant les fonds empruntés à des termes plus courts, le montant global des prêts ne pouvant excéder le montant global des fonds empruntés ;
-
des banques d’affaires empruntant directement auprès du public, ou aux banques de prêt, et investissant les fonds empruntés dans les entreprises. »