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Dépossession, une des trois contraintes qui sabotent les Etats. Le Multilatéralisme. (Ext. du chap2)

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L’intégration ou l’emboîtement des États dans des ensembles régionaux, communautaires, et enfin planétaires est le résultat d’un abandon des frontières, des barrières douanières, des préférences nationales et des législations y relatives. Un État qui refuse de renoncer à sa souveraineté et à son indépendance cout le risque d’être accusé de protectionnisme, de nationalisme. Certaines contraintes se sont imposées au fil des années aux États via les organismes supranationaux tels que le FMI, l’OMC, l’ONU, etc. Le multilatéralisme est l’une des trois que nous abordons ici. Le multilatéralisme, invention américaine du président Wilson, traduit sa conception des relations internationales. Ce serait, selon Moreau Desfarges une « quête d’un ordre international moral, conviction quasi

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Dépossession, une des trois contraintes qui sabotent les Etats. Le Multilatéralisme. (Ext. du chap2)

L’intégration ou l’emboîtement des États dans des ensembles régionaux, communautaires, et enfin planétaires est le résultat d’un abandon des frontières, des barrières douanières, des préférences nationales et des législations y relatives. Un État qui refuse de renoncer à sa souveraineté et à son indépendance cout le risque d’être accusé de protectionnisme, de nationalisme. Certaines contraintes se sont imposées au fil des années aux États via les organismes supranationaux tels que le FMI, l’OMC, l’ONU, etc. Le multilatéralisme est l’une des trois que nous abordons ici.

Le multilatéralisme, invention américaine du président Wilson, traduit sa conception des relations internationales. Ce serait, selon Moreau Desfarges une « quête d’un ordre international moral, conviction quasi messianique qu’il est possible de bâtir une société ou civilisation des États, confiance dans le droit et les institutions [1] ». Le Larousse le définit en tant que « technique qui privilégie, au niveau des relations internationales, les rapports de chaque pays avec l’ensemble des autres ». L’exemple illustratif le plus connu est le système des relations internationales de l’ONU, réseau institutionnel complexe construit sur une base multilatérale.

Cette vision multilatérale couvrant des aspects aussi bien politiques qu’économiques, a été adoptée par les traités internationaux signés après la Seconde Guerre mondiale. Elle est organisée sur la base de négociations, d’engagements réciproques et d’Accords entre plusieurs pays, dont le but final est d’instaurer des principes de fonctionnement uniformisés, voire la mise en commun des ressources nationales. Tout ceci au travers de lois, règles et directives communes. Les blocs d’Unions douanières en sont une des applications possibles. Ils sont, par définition, un système communautaire qui demande aux États de transférer leur souveraineté à un étage supérieur, supranational. Partant, il s’oppose à l’unilatéralisme souverainiste décrit comme un repli sur soi.

La structure que s’est donné le multilatéralisme contemporain est celle de l’approche systémique, inspirée de celle du corps humain. Système complexe, l’organisme vivant est constitué de sous-systèmes vitaux et de l’ensemble de leurs interactions. L’idée est que si un sous-système est atteint, l’ensemble du système se trouve confronté à cette faiblesse, et en sera contaminé. Le multilatéralisme est conçu dans une logique d’organisation systémique mais aussi transversale, où chaque élément est un ensemble que l’on replace dans un environnement plus vaste.

Dépossession, une des trois contraintes qui sabotent les Etats. Le Multilatéralisme. (Ext. du chap2)

Les processus qui traversent chaque État sont intégrés à des processus similaires globaux, créant un système d’interdépendance planétaire hautement complexe. Prenons l’exemple de l’agriculture. Celle-ci est envisagée en tant que processus planétaire, et dicte la fin des agriculteurs locaux. L’agriculture traditionnelle laisse la place à des mégafermes[2] hautement spécialisées disséminées à travers la planète. L’autonomie alimentaire n’est plus l’affaire des États, mais d’organismes supranationaux travaillant main dans la main avec l’industrie agro-alimentaire aux mains de la haute finance internationale.

La mafia[3] profite du multilatéralisme pour globaliser sa mainmise sur le secteur d’activités de l’agro-alimentaire. Un rapport du syndicat agricole italien Coldiretti affirme que « l’agro-alimentaire est devenu un domaine d’investissement prioritaire pour la criminalité qui en a compris le caractère stratégique».  Celle-ci a réalisé près de 22 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuels sur sol italien juste pour l’année 2017, soit une hausse de 30% en un an. Les processus ont été intégrés et couvrent aussi bien la production, le transport que la distribution et la vente en Italie et ailleurs.

Selon le rapport, [4]«Les mafias conditionnent le marché agro-alimentaire en établissant les prix des récoltes, en gérant les transports et la distribution, en contrôlant des chaînes entières de supermarché».

A travers un coup de filet en Italie, nous découvrons que la ‘Ndrangheta, la mafia calabraise, avait verrouillé le secteur entier de la boulangerie dans le sud ainsi que celui de la  distribution de vins, fromages, et huile d’olive en Allemagne.

La mafia italienne étend ses activités agricoles en Slovaquie. Grâce ä Jan Kuciak, journaliste d’investigation, de 27 ans, assassiné avec son épouse à Bratislava, nous apprenons que les tentacules de la mafia calabraise s’étendent aussi en Slovaquie. Son dernier article «Les tentacules de la mafia en Slovaquie et ses tentacules en politique». La Slovaquie a accueilli des membres du clan, recherchés par la justice italienne, et leur a permis d’y développer des activités florissantes dans les domaines de l’agriculture, du solaire et de l’immobilier entre autres.

L’excellent travail de Jan Kuciak permet de découvrir les accointances de la mafia calabraise avec d’éminents représentants de l’État.

Transposé au niveau global, cette méthodologie implique que le développement des peuples, des secteurs, des projets, des ressources naturelles, de l’économie, de la monnaie, de la finance, du climat, etc. doit évoluer de manière normée, uniformisée et coordonnée partout dans le monde. Par conséquent, leur gestion est l’affaire de toute la planète et non celle d’un groupe, soit-il un État. L’avènement de la gouvernance par les normes et les excès observés en sont les conséquences. Actuellement, un artisan, fabricant de jouets en bois, doit cesser ses activités s’il ne met pas 1’500 euros par type de jouet pour se faire homologuer. Il risque même de devoir rappeler les jouets déjà vendus.

Les promoteurs du multilatéralisme vont ainsi pousser, par souci de rationalisation, d’efficacité et de cohérence, à concentrer et collectiviser les ressources, ainsi que leur gestion. Si l’on prend l’exemple de la protection de l’eau, il faudrait selon eux, aborder le sujet au niveau de l’ensemble de la planète. Leur argumentaire est que la mise en place d’une gestion globale de l’eau est bien plus efficace et durable, que six États s’en occupaient indépendamment.

La philosophie sous-jacente au multilatéralisme est illustrée par la théorie du baquet. Elle rejoint le proverbe qui dit que la force d’une chaîne est celle de son maillon le plus faible. La suite logique de ce raisonnement est la création d’une supra-entité, représentant la collectivité, qui va chercher à uniformiser les politiques des États et leur mise en œuvre locale au travers de normes planétaires très contraignantes. L’indépendance des États n’a plus sa place dans ce genre de modèle. Cette approche qui vise à uniformiser l’espace planétaire explique pourquoi il a fallu introduire la libre-circulation des capitaux, de l’humain, des ressources des entreprises, des services et de l’information.

Dépossession, une des trois contraintes qui sabotent les Etats. Le Multilatéralisme. (Ext. du chap2)

Visuel de la théorie du baquet (Wikipédia)

Une supra-gouvernance mondiale se développe de manière très déterminée depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, centrée sur un espace marchand planétaire, mettant  un terme aux frontières territoriales classiques et aux législations nationales autres que les reprises du droit international.

[1]« Le multilatéralisme et la fin de l’Histoire », Moreau-Desfarges P., in Politique étrangère, 3/2004, p.577

[2] La mégaferme Al Badiah en Arabie Saoudite : 22’500 vaches laitières, 960’000 litres de lait par jour. Al Badiah est une des 6 fermes du groupe Almaraï qui possède 105’000 vaches en tout dans le pays… (Sources : Agriland.ie, et Alamaraï.com)

[3] « La mafia toujours plus présente dans l’agriculture », ATS/nxp

[4] Idem

Dossier Dépossession, quelques astuces qui ont permis l’accaparement des richesses financières et monétaires mondiales.

Extrait de:

Liliane HeldKhawam
Bienvenue sur le blog personnel de Liliane Held-Khawam! Vous trouverez ici plusieurs publications parues dans la presse ou dans des revues spécialisées. Liliane Held-Khawam est née à Héliopolis (Egypte) et a vécu au Liban, en France, Suisse, Etats-Unis.

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