Cette confusion, entre citoyen et collaborateur, a été induite dès les années 1970 et est devenue à la mode grâce à Madame Thatcher. Elle constitue le début d’un coup d’État conceptuel[1]. S’en est suivi une révolution organisationnelle, où l’État n’est plus considéré comme une entité indivisible, mais comme un ensemble de processus et de ressources offrant des avantages comparatifs et soumis aux lois du marché de la finance. C’est cette logique qui impose la recherche effrénée de compétitivité et qui met un terme au principe de gratuité et de solidarité de la chose publique. Au fur et à mesure que l’État se corporatise autour de processus et d’unités d’affaires, il est intégré à une entité plus vaste, dont il devient un sous-ensemble. Cela peut être la communauté de l’UE, par
Topics:
Liliane HeldKhawam considers the following as important: Autres articles
This could be interesting, too:
Liliane HeldKhawam writes L’Humanité vampirisée disponible.
Liliane HeldKhawam writes L’Humanité vampirisée disponible.
Liliane HeldKhawam writes Les enfants dans le collimateur du Nouveau Monde. Enfants volés de GB (Vidéo)
Liliane HeldKhawam writes Les enfants dans le collimateur du Nouveau Monde. Enfants volés de GB (Vidéo)
Cette confusion, entre citoyen et collaborateur, a été induite dès les années 1970 et est devenue à la mode grâce à Madame Thatcher. Elle constitue le début d’un coup d’État conceptuel[1]. S’en est suivi une révolution organisationnelle, où l’État n’est plus considéré comme une entité indivisible, mais comme un ensemble de processus et de ressources offrant des avantages comparatifs et soumis aux lois du marché de la finance. C’est cette logique qui impose la recherche effrénée de compétitivité et qui met un terme au principe de gratuité et de solidarité de la chose publique. Au fur et à mesure que l’État se corporatise autour de processus et d’unités d’affaires, il est intégré à une entité plus vaste, dont il devient un sous-ensemble. Cela peut être la communauté de l’UE, par exemple, qui à son tour s’inscrit dans des ensembles globaux et planétaires.
Or, les faits ont démontré que les élus, de droite comme de gauche, ont adopté la gestion d’entreprise comme référence idéale de gouvernance publique. Mais voilà, transposer la vie de l’entreprise à la vie publique ne peut que justifier la prééminence de la compétitivité dans l’espace public et citoyen. Ce faisant, la gouvernance publique intègre la dimension économique et financière en tant qu’objectif stratégique. La mutation de l’État public vers un État-entreprise est alors en marche.
Dans ce contexte de corporatisation, la haute finance occupe une place de choix. C’est elle qui tient les cordons de la bourse pour financer – ou non – les politiques des uns et des autres. L’exemple du sauvetage des banques systémiques avec l’argent public pour compenser, sans contreparties, les actes criminels de la haute finance, n’aurait jamais pu être justifié dans un monde réellement libéral ou démocratique. En temps normal, ces responsables auraient dû au minimum passer devant la justice, voire faire un tour en prison pour gestion déloyale, abus de biens sociaux et autres accusations de corruption.
Grâce à des montages systémiques astucieux, la haute finance a réussi à imposer ses besoins activement soutenus par les banquiers centraux. Piégées, les sphères publiques, aux quatre coins de la planète, ont dû se résoudre à solidariser, sans contreparties, les peuples avec les banques dites « systémiques » ou « trop grandes pour faire faillite ». Ce fut un tournant déterminant dans la vie démocratique et l’existence de la chose publique. Les banques n’ont pas fait faillite, en revanche les États, et avec eux les populations, souffrent depuis lors d’une paupérisation en constante progression. En validant la mutualisation des risques des grandes banques et la privatisation de leurs bénéfices, les dirigeants politiques ont ébranlé les bases de l’État de droit.
Les dirigeants politiques ont fait encore mieux en légalisant, sans raison aucune, le rôle du marché comme source de financement de l’endettement public. La gouvernance politique s’est ainsi enferrée dans un cercle vicieux. Le créancier peut, dès lors qu’il y a surendettement, imposer la privatisation des biens et des services publics. Au vu de certaines conditions fortement avantageuses au créancier, on peut se demander s’il ne faut pas parler tout simplement de transfert de biens ! Le scandale Alstom qui secoue la France illustre bien notre argument.
L’affaire Alstom en France, est un exemple parmi tant d’autres[2] de privatisation à bon compte… En 2014, malgré un joli carnet de commandes sur 3 ans d’une valeur estimée à 50 milliards d’euros, l’entreprise avait un cruel besoin de cash pour survivre. Pas de cash, pas d’activités dans le monde de la dette. Comme les ennuis volent en escadrille, l’administration américaine sanctionnait au même moment Alstom pour corruption et lui infligeait une amende de 700 millions de dollars. Et voilà qu’à ce moment arrive le sauveur. Le concurrent General Electric propose de poser 10 milliards d’euros sur la table pour reprendre le cœur stratégique et bénéficiaire de l’entreprise.
Grâce à des alliés au plus haut niveau de la gouvernance de l’État français, dont M Emmanuel Macron, Alstom sera phagocyté par General Electric en 2014 malgré les protestations des armées et des divers services de renseignement. Cette vente fit dire à Alain Juillet, ancien membre du Service Action et directeur du renseignement de la Direction générale de la sécurité « (…), on ne peut plus vendre un seul sous-marin à l’étranger sans avoir le feu vert si on emploie les fameuses turbines [3]»[4].
Cet exemple peut être étendu à d’autres entreprises appartenant à des États ou à des privés. Un autre exemple de phagocytage sauvage, mais ô combien organisé, est celui de Swissair, appelée autrefois la banque volante. Elle constitue un cas d’école de la manière dont le marché s’approprie les fleurons qui l’intéressent pour trois fois rien. Après les avoir fait conseiller par des consultants du sérail de la haute finance, les entreprises finissent systématiquement par perdre leur patrimoine, s’endetter pour grossir, se restructurer en petites unités faciles à reprendre. Le chantage au cash et au renouvellement des créances feront le reste pour atteindre les objectifs, non pas de succès des entreprises, mais ceux du marché de la haute finance.
Bilan ? Le phagocytage de l’outil de production économique, source d’impôts, d’emplois, va anémier les finances locales et miner l’État de droit d’abord, et l’État tout court ensuite. Voilà pourquoi l’élection d’un président de droite comme de gauche ne change plus rien au programme politique mis en place. Le « marketing promotionnel » des campagnes électorales peine de plus en plus à cacher la redoutable mainmise de la haute finance, devenue au fil du temps, grâce au surendettement, le décisionnaire réel des États qui, potentiellement, dicte par ce biais ses attentes.
[1]« Gouvernance : le management totalitaire », Alain Deneault, Lux Editeur, 2013
[2]« Alstom, un scandale d’État – Dernière liquidation de l’industrie française » Jean-Michel Quatrepoint, Fayard 2015
[3] Le transfert des activités de Alstom incluait la production des turbines indispensables aux sous-marins français à propulsion nucléaire…
[4] « La France a perdu sa souveraineté au profit des États-Unis dénonce un ex-DGSE », Cyceon, Mars 2018
Source
« Dépossession, Comment l’hyperpuissance d’une élite financière met États et citoyens à genoux« , extrait du chapitre 1: Le modèle d’affaires de l’entreprise imposé à la démocratie
Dossier Dépossession, quelques astuces qui ont permis l’accaparement des richesses financières et monétaires mondiales.