Le Premier ministre libanais Saad Hariri est-il « séquestré » à Riyad? Liliane Held-Khawam: « Tous les Libanais veulent éviter une nouvelle guerre civile » 13.11.2017 par Raphaël Zbinden La démission surprise du Premier ministre libanais Saad Hariri, le 4 novembre 2017, a provoqué une grave crise politique qui menace de déstabiliser le pays. La Libano-Suisse Liliane Held-Khawam assure toutefois que les Libanais sont unis au-delà de leurs appartenances religieuses et ne veulent pas la guerre. Va-t-on vers une nouvelle guerre civile au Liban? La question se pose plus intensément depuis que le Premier ministre Saad Hariri a annoncé à la télévision le 4 novembre de Riyad, en Arabie saoudite, qu’il démissionnait de son poste. Le chef de gouvernement sunnite possède la double nationalité
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Le Premier ministre libanais Saad Hariri est-il « séquestré » à Riyad?
Liliane Held-Khawam: « Tous les Libanais veulent éviter une nouvelle guerre civile »
La démission surprise du Premier ministre libanais Saad Hariri, le 4 novembre 2017, a provoqué une grave crise politique qui menace de déstabiliser le pays. La Libano-Suisse Liliane Held-Khawam assure toutefois que les Libanais sont unis au-delà de leurs appartenances religieuses et ne veulent pas la guerre.
Va-t-on vers une nouvelle guerre civile au Liban? La question se pose plus intensément depuis que le Premier ministre Saad Hariri a annoncé à la télévision le 4 novembre de Riyad, en Arabie saoudite, qu’il démissionnait de son poste. Le chef de gouvernement sunnite possède la double nationalité saoudienne et libanaise et passe son temps entre Beyrouth et la capitale saoudienne.
Suite à l’annonce de sa démission, des voix se sont élevées pour affirmer que Saad Hariri était en fait retenu contre son gré en Arabie saoudite et que sa démission lui avait été dictée par le pouvoir saoudien. Une thèse brandie notamment par des personnalités telles que Hassan Nasrallah, le chef du puissant parti chiite libanais Hezbollah, et relayée par le président libanais Michel Aoun.
Dans une autre apparition télévisuelle, le 13 novembre, Saad Hariri a confirmé sa décision, assuré qu’il était libre et qu’il rentrerait bientôt à Beyrouth. Certains estiment cependant que cette dernière déclaration a également été faite sous pression.
Ces incertitudes ont plongé le pays dans une nouvelle crise politique qui menace de raviver les tensions entre les communautés religieuses du pays.
Liliane Held Khawam, qui a vécu la guerre civile de 1975-1990, donne son éclairage sur les derniers développements.
Que peut-on dire de la situation actuelle de Saad Hariri en Arabie saoudite?
On ne peut pas savoir avec certitude s’il est ou non retenu contre son gré. Mais les personnes qui le font entendre ne sont pas n’importe qui. Il s’agit tout de même du président lui-même et de Hassan Nasrallah, qui est toujours incroyablement bien informé. On peut donc penser qu’il y a anguille sous roche.
Mais il est également possible que Saad Hariri soit arrivé de son propre chef à la conclusion que sa position était intenable. Il doit en effet faire face d’un côté à une communauté internationale qui considère le Hezbollah comme une entité terroriste et le parti chiite de l’autre, qui fait partie de son gouvernement et constitue un acteur incontournable de la politique libanaise. Pris entre ces deux forces divergentes, il a peut-être simplement décidé de jeter l’éponge.
Mais que cherchent donc les Saoudiens?
Là encore, on ne peut faire que des hypothèses. Il est probable que le nœud du problème soit le désarmement du Hezbollah. Il existe un axe Israël-Arabie saoudite-Etats-Unis pour lequel le Hezbollah et l’Iran sont les plus grandes menaces actuelles. Ces Etats font depuis longtemps pression sur le gouvernement libanais pour qu’il confisque l’armement du principal parti chiite.
Les Saoudiens assurent que le Hezbollah est présent au Yémen aux côtés des rebelles Houtis. Ils les considèrent comme responsables d’un envoi de missiles sur l’Arabie saoudite en provenance du Yémen et en demanderaient des comptes.
Il est possible que la défaite de Daech en Syrie soit également pour quelque chose dans tout cela. Certaines forces, qui ont perdu leur avantage en Syrie, souhaitent avancer leurs pions au Liban. Et ils trouveraient un avantage à la déstabilisation du pays.
Cette déstabilisation peut-elle se produire?
Je ne pense pas. D’abord parce que personne au Liban n’aurait intérêt à une nouvelle guerre civile. Ensuite parce qu’il n’y a pas de tensions ni de haine entre les communautés. Les Libanais se sentent avant tout libanais, au-delà des différences confessionnelles. Le pays est beaucoup plus uni que ce qu’il peut apparaître de l’extérieur. D’ailleurs, le soupçon d’une séquestration de Saad Hariri choque et indigne tous les habitants, y compris les chiites.
Bien sûr, des forces pourraient fomenter les tensions et la haine pourrait resurgir. Mais le Hezbollah a prouvé qu’il n’était nullement intéressé à une confrontation. Il y a eu des attentats anti-chiites ces dernières années, mais qui n’ont pas été suivis de représailles.
De son côté, le gouvernement libanais est tout à fait conscient que ses forces armées sont inférieures à celles du Hezbollah. Il n’a donc aucune intention de tenter une opération de désarmement qui équivaudrait à un suicide.
Les Libanais ont compris depuis longtemps que des intérêts étrangers étaient à l’œuvre dans leur pays. Ils ont l’habitude de s’arranger entre eux. Et je pense qu’ils vont y parvenir aussi dans cette situation périlleuse. (cath.ch/rz)
Liliane Held Khawam est née à Héliopolis (Egypte) et a vécu au Liban, en France, en Suisse et aux Etats-Unis.
Elle a fondé en 1989 une entreprise basée à Lausanne et active dans le conseil en stratégie d’entreprise et en management.
Elle est membre de l’association Sarments de Lavaux, également basée à Lausanne, active dans l’aide aux populations défavorisées du Liban et du Burkina Faso. Elle gère aussi une page Facebook de soutien aux chrétiens d’Orient.