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Cette censure qui frappe le blog de Jacques Sapir dessert le débat public! Pétition.

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Suspension de Russeurope : état des lieux Jacques Sapir, Directeur d’études à l’EHESS, Membre étranger de l’Académie des Sciences de Russie Comme de très nombreux lecteurs ont pu le constater, carnet scientifique RussEurope, que j’avais ouvert en septembre 2012 sur Hypotheses.org a été suspendu à la fin du mois de septembre. Les réactions à cet acte, que l’on peut assimiler à une censure, ont été très nombreuses, que ce soit en France où à l’étranger. On trouvera d’ailleurs ici même une interview que j’ai donnée pour une radio du Québec et où j’analyse les causes, comme les conséquences, de cette situation[1]. Cette situation pourtant perdure, et M. Marin Dacos ne répond pas à mes courriers. Il est donc bon et nécessaire de faire un point sur la situation. Je rappelle que ne

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Cette censure qui frappe le blog de Jacques Sapir dessert le débat public! Pétition.

Suspension de Russeurope : état des lieux

Jacques Sapir, Directeur d’études à l’EHESS,

Membre étranger de l’Académie des Sciences de Russie

Comme de très nombreux lecteurs ont pu le constater, carnet scientifique RussEurope, que j’avais ouvert en septembre 2012 sur Hypotheses.org a été suspendu à la fin du mois de septembre. Les réactions à cet acte, que l’on peut assimiler à une censure, ont été très nombreuses, que ce soit en France où à l’étranger. On trouvera d’ailleurs ici même une interview que j’ai donnée pour une radio du Québec et où j’analyse les causes, comme les conséquences, de cette situation[1]. Cette situation pourtant perdure, et M. Marin Dacos ne répond pas à mes courriers. Il est donc bon et nécessaire de faire un point sur la situation.

Je rappelle que ne puis donc plus ni installer de notes ni faire des modifications sur les textes publiés, ce qui me cause un préjudice considérable. Le communiqué, signé par Marin Dacos directeur d’Open Edition, et qu’il a installé sur mon carnet, dit notamment : « Le carnet que vous consultez est désormais une archive et ne sera plus alimenté. Les droits d’accès en écriture ont été retirés à son auteur par l’équipe d’OpenEdition.

À de nombreuses reprises, l’auteur du carnet y a publié des textes s’inscrivant dans une démarche de tribune politique partisane, déconnectés du contexte académique et scientifique propre à Hypothèses et constituant une condition indispensable pour publier sur la plateforme. » Il va de soi que je conteste absolument et complètement les raisons évoquées par M. Marin Dacos Ceci n’est qu’un prétexte controuvé et appuyé sur des arguments faux et mensongers. Non seulement les textes qui me sont reprochés ont leur équivalent sur de nombreux carnets abrités par Hypotheses.org (qui eux n’ont visiblement aucun souci), mais encore il faudrait que l’on m’explique comment on peut faire de la recherche en sciences sociales de manière déconnectée de la vie sociale, et donc politique. De plus, la décision prise par le directeur d’Hypotheses.org comme par OpenEdition s’inscrit en complète contradiction avec l’esprit si ce n’est même la lettre des différends textes législatifs régissant la liberté de parole des universitaires et des chercheurs.

Je reprends donc ici la totalité de l’argumentaire qui a pu être développé depuis ces derniers jours.

  • Je conteste formellement cette affirmation tout comme cette procédure, dont on peut s’étonner qu’elle survienne maintenant alors que je publie tout type de textes, y compris ce que M. Marin Dacos qualifie abusivement et faussement de « tribunes partisanes », depuis l’ouverture du carnet, fin septembre 2012.

Dès septembre 201 en effet, j’ai publié des textes que l’on rangerait aujourd’hui dans la catégorie de polémiques, même si pour moi ce sont de simples textes politiques. Ainsi, sur les 14 notes publiées en septembre 2012, pas moins de 4 entraient dans cette catégorie. En octobre 2012, mois dans lequel j’ai publié 13 notes, ce sont cette fois 6 notes que l’on peut considérer comme « politiques ». On voit que les responsables d’Open Edition et d’Hypotheses.org ne peuvent nullement plaider un « changement de ligne » survenu depuis ces derniers mois dans le carnet. S’ils étaient gênés, ils auraient dû protester dès novembre 2012. Tous les textes publiés sur hypotheses.org sont en relation avec mes recherches, qu’il s’agisse d’articles scientifiques, de notes de travail, ou d’articles de réaction à l’actualité. Tous ces textes s’inscrivent dans le contexte de mes recherches. De plus, et il faut l’ajouter, de nombreux carnets réagissent eux-aussi à l’actualité.

  • J’aurais compris cette mesure si mes textes avaient contrevenu au point 10 de la charte d’Open Edition, cité plus bas in extenso. Mais, un courrier de M. Dacos indique que ce n’est pas le cas et que ce n’est pas cela qui m’est reproché.

Je constate, par contre que le portail Hypotheses.org a été développé par le Centre pour une édition électronique ouverte (Cléo), un centre qui est lui-même placé sous la quadruple tutelle du CNRS, de l’Université d’Aix Marseille, de l’Université d’Avignon et de l’EHESS. Il est donc évident que nous sommes donc bien au cœur de l’Université. Or, il faut savoir que les libertés des universitaires ont été bien précisées par différentes lois. On peut ainsi citer l‘article L 952-2 du code de l’éducation, issu lui-même de l’article 57 de la loi Savary du 26 janvier 1984, et qui dit très précisément : “les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression dans l’exercice de leurs fonctions d’enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du présent code, les principes de tolérance et d’objectivité[2]. Les chercheurs sont ainsi traités de la même manière que les enseignants chercheurs, professeurs et maîtres de conférence. Un Directeur d’études à l’EHESS est, de plus, assimilé à un professeur des universités. Leur liberté est donc entière, dans le respect de la loi qui réprime la diffamation, dans l’enseignement, dans l’activité de recherche et dans les médias qui permettent de la faire connaître.

Ces principes ont été rappelés par diverses juridictions, allant de la Cour Européenne des Droit de l’Homme (CEDH) au Conseil Constitutionnel. On peut ainsi citer l’arrêt du CEDH du 27 mai 2014 n°346/04 et 39779/04) mais la jurisprudence du Conseil Constitutionnel français (CC n° 83-165 DC du 20 janvier 1984 et n° 94-355 du 10 janvier1995) ou encore l’article L.111-1/al. 4 du Code de la propriété intellectuelle qui fait dérogation, pour les universitaires, au statut général de la fonction publique. Par ailleurs, on peut encore citer l’article L.411-3 du code de la recherche qui protège l’autonomie de la démarche scientifique, ainsi que les articles L.123-9, L.141-6, L.952-2 du code de l’éducation, qui rappellent une norme d’indépendance et de liberté d’expression des enseignants, chercheurs et enseignants-chercheurs[3].

  • Parmi les textes qui me sont reprochés dans une lettre co-signée de M. Dacos et du Président d’Open Edition, il y a les 4 textes suivants qui sont donnés en exemple et servent de prétextes à ce blocage. Il convient alors de les examiner avec précisions:

Candidats du passé, candidats du futur (8 avril 2017)

https://russeurope.hypotheses.org/5888 . Ce texte n’est autre que la version française de l’interview que j’avais donnée à Russia Today (RT). Je souhaitais mettre cette contribution à la disposition de mes lecteurs francophones sous une forme écrite.

Times of change for French politics (24 avril 2017)

https://russeurope.hypotheses.org/5929 Ce texte correspond à la version anglaise d’un article publié dans la revue russe Ekspert. Cette pratique de republier un texte paru dans un journal est fréquente sur Hypotheses.org. On le constatera à la lecture de la liste des billets mis sur son carnet par mon ami Michel Wieviorka[4]. Par ailleurs, de nombreux autres carnets publient des textes que l’on peut considérer comme « politiques ». On en trouvera ici une liste non exhaustive[5]. Dès lors se pose une autre question, celle de l’inégalité de traitement. Or, cette question relève, elle, du droit commun et non de la sphère du droit public. Rien que pour cela, les responsables d’Hypotheses.org et d’OpenEdition ont commis une faute grave.

Macron, Ferrand et la « propagande » (30 mai 2017)

https://russeurope.hypotheses.org/6052 Ce texte correspond à un point d’application de mes travaux sur la légitimité et la légalité. J’ai publié au début de 2016 un ouvrage sur cette question[6], et suis revenu sur ce point dans l’ouvrage publié en commun avec Bernard Bourdin[7]. J’ai d’ailleurs publiés de nombreuses notes sur cette question[8]. Il était normal que je mette en application les concepts et notions développés dans ces livres.

Le président Potemkine? (2 juin 2017)

https://russeurope.hypotheses.org/6067 Ce texte dresse un parallèle entre la situation actuelle et l’histoire de la Russie sur la question de la communication et des représentations, et s’inscrit à la confluence de mes travaux, tant sur la Russie que ceux sur le couple légalité/légitimité.

On peut alors constater que la phrase du communiqué « l’auteur du carnet y a publié des textes s’inscrivant dans une démarche de tribune politique partisane, déconnectés du contexte académique et scientifique propre à Hypothèses » apparaît, alors, comme un pur prétexte, qui vérifie le vieil adage « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ». On comprend immédiatement que pour tout auteur, et c’est mon cas, qui estime que la recherche ne se fait pas dans les limbes, les travaux scientifiques me conduisent nécessairement à prendre parti dans l’agora électronique, ce que j’ai fait d’ailleurs dès l’ouverture du carnet en septembre 2012. Par ailleurs, il faut ici rappeler que rien dans la charte des contenus sur Open Edition ne mentionne l’interdiction d’une démarche « de tribune politique partisane ». On consultera pour s’en convaincre, en annexe, l’article 10 de cette dite charte. Nous sommes donc à tout le moins ici devant une mesure arbitraire et qui est en réalité basée sur des raisons politiques et non des questions de non-respect des procédures.

  • Le grief principal qui m’est fait serait donc d’avoir publié des textes qui seraient purement politiques sans aucun aspect de recherche. Cet argument nie en réalité la spécificité des sciences sociales, ce qui est pour le moins étrange dans un portail qui se veut promouvoir l’expression des sciences sociales ! D’une part, cela part de l’hypothèse, difficile à soutenir, que textes scientifiques et textes politiques pourraient être clairement séparés. En réalité, et il convient ici de la rappeler, c’est une impossibilité dans les sciences sociales. Ces sciences ne peuvent être pratiquées que si le chercheur est inséré dans un contexte politique et s’il agit en interaction avec lui. De plus, je peux montrer que TOUS mes textes que l’on veut faire passer pour des tribunes partisanes sont tous complètement insérés dans mes travaux de recherche. Enfin, prétendre qu’il y aurait eu un « changement de ligne » est un mensonge complet. Par ailleurs rien que cette expression est déjà étrange. Car, cette expression s’applique à un parti, ou au moins à une organisation, qui est susceptible de « changer de ligne ». Serais-je donc devenu un parti politique à moi tout seul ? On voit où l’argument se ridiculise lui-même, comme un grand, et sans qu’il soit besoin d’y revenir. Ou alors, ce ne serait point le fait d’exprimer des opinions politiques qui me serait reproché, mais bien plus la nature de ces opinions. Si cela était avéré, ce serait extrêmement grave. Nous serions alors en présence d’un cas manifeste de censure politique.
  • Alors, peut-être est-ce tout simplement le succès du carnet Russeurope qui m’attire les foudres de Marin Dacos et d’Open Edition. Et il est vrai que Russeurope a connu un développement auquel je ne m’attendais pas quand je l’ai créé. Le nombre de connexions mensuelles, tout comme le nombre de visiteurs, a atteint des chiffres étonnants, passant de 26000 connexions/mois à son ouverture à plus de 200 000 connexions/mois aujourd’hui. Ainsi, la note postée sur RussEurope le 22 septembre 2012 n’est pas différente ni dans son ton ni dans son contenu, de ce que j’ai publié cette année[9]. Mais, clairement, une note publiée sur un carnet qui, à l’époque, avait environ 25 000 connexions/mois gène moins que ce qui est publié sur un carnet à plus de 200 000 connexions/mois. Et ce d’autant plus qu’il était de notoriété publique que les articles et notes de Russeurope étaient en plus repris sur d’autres blogs, que ce soit en France, en Belgique, en Italie ou dans d’autres pays. Il est, bien entendu, impossible de tenir une comptabilité précise, mais on peut penser que le nombre réel des lecteurs dépassait de 50% à 100% suivant les occasions les lecteurs enregistrés par Hypothèses.org. Alors, oui, cela était de nature à fâcher les fâcheux…
  • Il y a cependant un autre point dérangeant dans la démarche d’Open Edition. Tous les articles cités datent de 2017, et de la période dite de « campagne présidentielle », alors que j’ai publié des prises de position dès l’ouverture du carnet. Or, on peut constater qu’en 2017 M. Marin Dacos est devenu Conseiller scientifique pour la science ouverte auprès d’Alain Beretz, Directeur général de la recherche et de l’innovation au Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Ceci correspond à une position officielle. Mais, elle est de nature à induire un conflit d’intérêts avec sa position de directeur d’Open Edition qui, par nature, est une plate-forme ouverte à toutes les opinions.

Surtout, elle pourrait me fonder à penser qu’il y a là la source réelle de la mesure qui me frappe. Ce n’est point tant le fait de publier des textes politiques, ou s’inscrivant dans une lecture du politique découlant de recherches scientifiques que l’on me reproche, mais bien les opinions de ces textes. Ce serait donc, si cette hypothèse était vérifiée, un procès d’opinion, chose que l’on croyait bannie dans un pays se disant démocratique.

Devant cet état des faits, et devant les multiples soutiens que j’ai reçus, que ce soit en France, en Allemagne, en Pologne ou en Italie, et parmi lesquels (sans prétention d’exhaustivité) je citerai Dominique Lecourt (Philosophe), Pierre-André Taguieff (directeur de recherches au CNRS), Stéphane Rials (Agrégé des Facultés de droit, professeur à Paris-2), Denis Alland (Professeur de droit international public à l’Université Panthéon-Assas-Paris 2), Franck Collard (professeur d’Histoire Médiévale à Paris-Nanterre), Bruno Tinel (Professeur d’économie à Paris-1), Claude et François Rodier (Professeurs d’astronomie en retraite, Universités de Aix-Marseille et Nice) des universitaires italiens comme Ernesto Tavoletti, Benedetto Ponti, Alberto Bagnai, britanniques comme Brigitte Granville, ou russes comme Alexandre Nékipelov (directeur de l’Ecole d’économie de Moscou, Académicien) et l’équipe de direction de l’Institut de Prévision Economique, je pense que si l’on ne veut pas discréditer, en France comme à l’international, la plate-forme hypotheses.org, il faut agir. C’est pourquoi je demande donc solennellement à Open Edition d’annuler sa mesure arbitraire à mon encontre.

Si, vous aussi, êtes choqués par ce comportement de M. Dacos et d’Open Edition, je vous invite à le faire savoir à M. Dacos ([email protected] ou [email protected] ), et à demander que l’usage du carnet Russeurope me soit rétabli, ainsi qu’à faire remonter vos commentaires à M. Alain Beretz ([email protected]), le supérieur hiérarchique de M. Dacos.

P.S. Le sujet de la fermeture du blog Russeurope a été évoqué par un député européen en séance au Parlement le 20 octobre :

Signez la pétition déposée sur Change.org :

https://www.change.org/p/marin-dacos-demande-de-réouverture-du-carnet-en-ligne-de-jacques-sapir?utm_medium=email&utm_source=petition_signer_receipt&utm_campaign=triggered&share_context=signature_receipt&recruiter=369131464&j=159772&sfmc_sub=24705442&l=32_HTML&u=29997343&mid=7233052&jb=25971

Jacques Sapir

Liliane HeldKhawam
Bienvenue sur le blog personnel de Liliane Held-Khawam! Vous trouverez ici plusieurs publications parues dans la presse ou dans des revues spécialisées. Liliane Held-Khawam est née à Héliopolis (Egypte) et a vécu au Liban, en France, Suisse, Etats-Unis.

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