Ca y est, nous avons une confirmation publique de la signature de l’accord de libre-échange entre la Suisse et le Canada. Un coming out qui, par un heureux hasard, suit de quelques jours la publication sur ce site de « Canada-Suisse: un traité de libre-échange signé en… 2008« . Dans un article intitulé « La Suisse signerait le CETA les yeux fermés » que nous aurions eu envie de baptiser « Les Suisses ont signé malgré eux l’équivalent du CETA les yeux fermés« , l’information que nous devions avoir reçue en 2007 nous parvient en 2016. En prime, une photo de l’équipe signataire accompagnée de la date et du lieu de la rencontre… Vaduz 2007. Soit un retard de plus de 9 ans! CETA, de la M**** dans nos assiettes. Jérémy Savioz (1dex.ch)3 novembre 2016 Le 16 octobre dernier, le président-ministre de Wallonie Paul Magnette faisait le buzz sur les réseaux sociaux avec un plaidoyer retentissant à l’encontre des dirigeants européens désireux de signer un vaste accord de libre-échange avec le Canada. Quelques jours plus tard, le leader aux allures d’irréductible gaulois acceptait pourtant un « compromis » qui n’en a que le nom. Le dernier rempart à l’arrivée du bœuf aux hormones dans nos assiettes a donc cédé. « C’est de la merde » aurait crié Jean-Pierre Coffe.
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Ca y est, nous avons une confirmation publique de la signature de l’accord de libre-échange entre la Suisse et le Canada. Un coming out qui, par un heureux hasard, suit de quelques jours la publication sur ce site de « Canada-Suisse: un traité de libre-échange signé en… 2008« .
Dans un article intitulé « La Suisse signerait le CETA les yeux fermés » que nous aurions eu envie de baptiser « Les Suisses ont signé malgré eux l’équivalent du CETA les yeux fermés« , l’information que nous devions avoir reçue en 2007 nous parvient en 2016. En prime, une photo de l’équipe signataire accompagnée de la date et du lieu de la rencontre… Vaduz 2007. Soit un retard de plus de 9 ans!
CETA, de la M**** dans nos assiettes. Jérémy Savioz (1dex.ch)3 novembre 2016
Le 16 octobre dernier, le président-ministre de Wallonie Paul Magnette faisait le buzz sur les réseaux sociaux avec un plaidoyer retentissant à l’encontre des dirigeants européens désireux de signer un vaste accord de libre-échange avec le Canada. Quelques jours plus tard, le leader aux allures d’irréductible gaulois acceptait pourtant un « compromis » qui n’en a que le nom. Le dernier rempart à l’arrivée du bœuf aux hormones dans nos assiettes a donc cédé.
« C’est de la merde » aurait crié Jean-Pierre Coffe. Avec CETA, l’Europe s’apprête en effet à inonder son marché de denrées nord-américaines produites selon des normes sanitaires et de qualité extrêmement basses, voire très mauvaises pour la santé. Pour comprendre cela, il faut d’abord évoquer le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, plus connu sous son acronyme anglais TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), également appelé TAFTA (Transatlantic free trade area). Si ce nom évoque pour certain un groupe de pop-rock suisse du début des années 2000, il était il y a encore quelques mois le plus grand projet de libre-échange jamais imaginé, entre d’une part les USA et de l’autre l’Union européenne, ses 800 millions de consommateurs et ses industries équivalentes à un quart du PIB mondial. Le principe, relativement simple, tenait sur trois piliers : la quasi-suppression des droits de douanes (déjà très bas) pour booster l’import-export, l’ « harmonisation » des normes commerciales (nous y reviendrons) et la mise en place de tribunaux d’arbitrage pour, officiellement, protéger les entreprises d’abus de droit perpétrés par les Etats où elles s’installent.
S’il est légitime de parler de TAFTA au passé, c’est que le projet est aujourd’hui au point mort. L’opacité du traité, les négociations houleuses et la gourmandise des industries nord-américaines ont rendu de nombreux gouvernements européens sceptiques et soucieux pour leur souveraineté, notamment dans le domaine agro-alimentaire. Si l’opposition est née des milieux écologistes et de la population (plus de 3 millions de signatures récoltées via une pétition sur Internet), elle s’est rapidement étendue à d’autres mouvements et partis, notamment le FN en France, puis à des gouvernements entiers : Royaume-Unis, Belgique et France en particulier. Outre-Atlantique, Trump et Clinton se sont tous deux prononcés contre ce traité, signant de facto son arrêt de mort.
Un soulagement ? Certainement pas. Si beaucoup de négociateurs européens ne se sont pas obstinés sur TAFTA, c’est qu’un autre accord, mieux ficelé, était en préparation : le CETA (Comprehensive economic and trade agreement), « Accord économique et commercial global » liant l’UE et, cette fois-ci, le Canada. Inutile de chercher de grandes différences entre TAFTA et le CETA, qui impliquent les mêmes mécanismes de suppression des barrières douanières (98% d’entre elles vont disparaître), d’harmonisation des normes et de juridictions indépendantes. La Wallonie a longtemps montré une farouche opposition à la signature de ce traité ; une opposition ayant valeur de veto puisqu’elle empêchait la Belgique et donc l’UE toute entière de ratifier le texte.
L’harmonisation des normes commerciales, en particulier, fait débat. Cette clause doit par exemple permettre aux constructeurs automobiles de vendre des modèles identiques sur les deux continents (jusqu’à présent, les normes diffèrent par exemple pour la taille des phares ou celle des pare-chocs). Mais c’est surtout l’application de ce principe à l’agro-alimentaire qui s’avère dangereuse. En effet, l’Europe applique un principe de précaution qui veut qu’un produit soit interdit tant qu’un doute subsiste sur ses risques pour le consommateur. Or, elle s’est dite prête à s’aligner sur le modèle canadien, qui préconise l’inverse : on attend que le risque soit avéré pour retirer un produit du marché ! Et nul besoin de préciser que le CETA signe l’arrivée en force des OGM non-labellisés (le Canada en est le 3ème producteur mondial), des pesticides, du bœuf aux hormones, du poulet blanchi au chlore et du porc enrichi à la ractopamine, une hormone interdite dans 160 pays. Ce principe « d’harmonisation » vaut d’ailleurs pour une multitude de domaines et permettra par exemple l’importation de gaz et pétrole de schistes obtenus par fracturation hydraulique, l’implantation de nouvelles compagnies de transport ou encore d’écoles privées pouvant exiger des subventions ; un affaiblissement du droit du travail et du droit syndical européen est même envisagé par les négociateurs canadiens.
Autre élément qui donne la nausée : la mise en place de tribunaux d’arbitrage, indépendants de la justice publique, pour régler les différends entre investisseurs et Etats. Le CETA, comme d’autres traités avant lui, autorise les entreprises à attaquer un Etat si celui-ci engage une politique publique allant à l’encontre de leurs intérêts. Certains exemples sont ainsi particulièrement marquants : L’Allemagne a été attaquée pour avoir décidé de sortir du nucléaire ; une société canadienne exige 250 millions de dédommagement à son gouvernement suite au moratoire québecois sur l’extraction de gaz de schiste sous le Saint-Laurent. Enfin, PhilIip Morris a traîné l’Etat australien devant les tribunaux pour sa politique anti-tabac.
Dans ce contexte, il est difficile de comprendre que seule une petite région d’Europe ait décidé de s’opposer au texte : la Wallonie, province de 3,5 millions d’habitants, trop peu pour véritablement inquiéter l’ogre CETA. Nul ne connaît précisément les pressions qu’a subies le président-ministre wallon Paul Magnette suite à son refus au soir du 16 octobre dernier. Toujours est-il que quelques jours plus tard, l’accord était finalement signé en grandes pompes, moyennant un compromis plus que discutable. La Belgique aurait en effet obtenu quelques garanties : le maintien de la législation européenne sur les OGM, le droit d’activer une clause de sauvegarde en matière agricole en cas de déséquilibre des marchés, des garanties sur les tribunaux d’arbitrage (les juges devraient être nommés et rémunérés par l’UE et non par les parties concernées qui pourraient alors influencer les sentences). Enfin, la Belgique pourra demander un avis à la Cour de justice de l’UE sur la conformité de ce fameux mécanisme d’arbitrage avec le droit européen.
Inutile d’avoir un doctorat en relations internationales pour comprendre que ces concessions ne sont rien de plus qu’un pétard mouillé. « La substance du traité n’a aucunement changé», a d’ailleurs rappelé Jean-Claude Juncker lui-même au moment de la signature de l’accord. Le CETA demeure une attaque frontale contre la souveraineté de l’UE, qu’il s’agisse de son système juridique ou de son industrie (agro-alimentaire en particulier). Un vrai traité, synonyme de progrès, se doit d’exiger des lois contraignantes en matière de santé publique, des normes sociales équitables, une protection du service public et une garantie des engagements climatiques, sur la base de critères au moins aussi stricts que ceux qui prévalent sur le continent européen.
Au final, beaucoup s’accordent à penser que le CETA n’est rien d’autre qu’un « cheval de Troie » de TAFTA. En effet, de nombreuses compagnies américaines ont des filiales au Canada qui leur permettront d’accéder au marché européen sans grande difficulté ; pour les autres, il leur suffira de déplacer leur siège social à Toronto ou Vancouver.
Reste pourtant une lueur d’espoir. Le traité n’est pour l’heure appliqué que de manière partielle et provisoire, le temps d’être ratifié par l’ensemble des parlements des Etats-membres et du Canada. Le psychodrame belge risque de faire des vagues dans d’autres pays de l’UE tout au long de ce processus, qui peut prendre des années. Il n’est pas impossible que certaines nations ouvrent les yeux sur les menaces émanant de ce traité et emboitent le pas à la Wallonie pour s’y opposer. Et ainsi sauver ce qui peut encore l’être.