L’effet-papillon, base de la théorie du chaos. Vous aussi vous pouvez mettre à profit le modèle… La théorie du chaos est la base de toutes les réorganisations qui secouent le monde depuis plus de 3 décennies. N’y voyez rien de complotiste. La théorie du chaos est un concept bien réel, basé sur une approche qui se veut scientifique qui a parfois révolutionné le monde pour le meilleur et trop souvent pour le pire. Son principe se base sur l’effet papillon. Il s’agit d’une expression qui résume une métaphore concernant le phénomène fondamental de sensibilité aux conditions initiales de la théorie du chaos (Wikipédia). La formulation exacte qui en est à l’origine, fut exprimée par Edward Lorenz lors d’une conférence scientifique en 1972, par la question suivante : « Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? » Les tenants du leadership organisationnel l’ont promue dans TOUS les domaines de la planète tant privés que publics.Le monde de l’entreprise a été le point de départ de sa mise en place. Sa résonance fut amplifiée par sa mise en place dans le secteur public. Ce faisant, les administrations publiques n’ont plus répondu à leurs fonctions traditionnelles de structurer et de porter l’Etat.
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La théorie du chaos est la base de toutes les réorganisations qui secouent le monde depuis plus de 3 décennies.
N’y voyez rien de complotiste. La théorie du chaos est un concept bien réel, basé sur une approche qui se veut scientifique qui a parfois révolutionné le monde pour le meilleur et trop souvent pour le pire.
Son principe se base sur l’effet papillon. Il s’agit d’une expression qui résume une métaphore concernant le phénomène fondamental de sensibilité aux conditions initiales de la théorie du chaos (Wikipédia). La formulation exacte qui en est à l’origine, fut exprimée par Edward Lorenz lors d’une conférence scientifique en 1972, par la question suivante :
« Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? »
Les tenants du leadership organisationnel l’ont promue dans TOUS les domaines de la planète tant privés que publics.Le monde de l’entreprise a été le point de départ de sa mise en place. Sa résonance fut amplifiée par sa mise en place dans le secteur public. Ce faisant, les administrations publiques n’ont plus répondu à leurs fonctions traditionnelles de structurer et de porter l’Etat. Les repères nationaux se sont alors effondrés emportant avec eux la confiance des citoyens dans leurs autorités, le sentiment de sécurité et la confiance dans l’avenir.
Pour nous ici, tout a commencé avec le management du chaos qui a frappé la gestion d’entreprise dès les années 90. Les multitudes de restructurations-fusions-acquisition, l’émiettement des entités en structures plus petites, le reengineering des structures de production dans un but de la globaliser, la mise en place de la transversalité des processus qui a révolutionner la production, mais surtout la mise en réseaux mondial et global des entreprises préalablement émiettées, ont imposé un bouleversement organisationnel tel que notre monde en est chamboulé.
Observez bien par exemple, comment votre environnement professionnel est organisé aujourd’hui. Vous conviendrez bien qu’un nombre impressionnant de repères a disparu. Voici quelques exemples de mutations.
Tout d’abord, les repères qu’un collaborateur pouvait développer envers son entreprise se sont envolés. Le collaborateur est livré à lui-même avec un sentiment d’insécurité suffisamment puissant qui l’empêche de percevoir son avenir au-delà du court terme.
Le statut de fonctionnaire a disparu, emportant le lien à l’Etat, employeur potentiel ultime, qui « garantissait » une « sécurité » professionnelle.
Il n’est plus possible de s’abriter derrière une figure hiérarchique rassurante. Vous êtes tout aussi exposé que votre patron au regard scrutateur de votre environnement, qui vous considère selon une équation de coûts/profits.
Tout collaborateur est soumis à des résultats censés être mesurables et contrôlables. S’il ne fait pas l’affaire, il est renvoyé chez lui. En Suisse, il est admis que la baisse d’efficacité soit un motif de licenciement.
La performance suit une pente ascendante. Des objectifs même irréalistes sont fixés qui mettent d’emblée la personne en situation d’échec. Il peut être demandé à des commerciaux par exemple une croissance du chiffre d’affaires d’une année à l’autre hors de toute réalité.
La mise en concurrence avec les jeunes d’abord, puis l’étranger low cost et enfin la machine a pour objectif de maintenir sur la brèche des collaborateurs qui vont tout donner pour ne pas perdre leur précieux salaire.
Ce point, nous amène directement à la tentation de piloter par le stress qui amène le « chef » à répercuter ses angoisses sur son équipe. La pression imposée est une conséquence directe d’une peur généralisée qui a de fortes chances d’aboutir à des maladies ou au dopage. Amphétamines, cocktails caféinés, cocaïne… Il y en a pour tous les goûts.
En 2009, une étude révélait que « des traces de cocaïne sur 90% des billets de banque ». Le journal El periodico publia alors un article qui attirait l’attention sur le fait que « des centaines de travailleurs dans le secteur financier, affirme Don Serratt -un ancien employé d’une banque d’investissement devenu directeur de la clinique pour les toxicomanes Life Works – prennent des drogues pour affronter l’anxiété des licenciements ou la baisse des rémunérations. « Un toxicomane en proie à l’anxiété plus il se sent anxieux plus il prend de la cocaïne. Et comme la cocaïne accroit l’anxiété, c’est un cercle vicieux ». Et Serrat d’accuser les compagnies financières de fermer les yeux puisque la consommation n’affecte pas directement le travail des employés ». (SOURCE)
Novethic titrait en 2016 un article « Les entreprises sortent enfin du déni ». Le rédacteur relevait que « pour des raisons personnelles ou pour rester performants, certains salariés consomment des substances illicites. » Depuis les causes n’ont cessé de s’aggraver…
Plus récemment, les exigences en matière de droit du travail des traités TTIP, CETA, TISA qui découlent de la globalisation du monde sont telles que la perte de repères cède la place à une révolution. Il se pourrait que le statut de salarié disparaisse pour laisser la place à celui d’indépendant payé à la mission.
Voilà ce qu’en dit E Masuyer dans une publication sur les mutations des droits du travail sous influence européenne:
Le contexte social européen de cette dernière décennie est marqué par le Livre vert de la Commission sur la modernisation du droit du travail (Livre vert, 2006), qui parmi d’autres recommandations, préconise, pour réduire les coûts sociaux, un plus large recours aux formes de travail indépendant, atypique. Ces modalités de travail sont favorisées pour satisfaire aux exigences de « flexicurité », que l’on peut résumer comme l’octroi de droits de protection sociale minimaux face à un recours massif à des relations de travail flexibles. Le droit du travail apparaît dans cette conception comme un facteur de rigidité et de segmentation du marché du travail par l’obligation qu’il fait de respecter un certain nombre de règles de protection du salarié (procédure de licenciement, délai de préavis, octroi d’une indemnisation en cas de rupture injustifiée, défense syndicale…). Ces règles devraient donc, dans cette vision des choses, être assouplies voire supprimées. La « sécurisation des parcours professionnels », par le bénéfice de prestations sociales de chômage, de congés maternité, prestations maladie, est censée améliorer le statut précarisé du travailleur dont l’emploi effectif serait soumis à une incertitude tenant au caractère atypique du contrat de travail (travail intérimaire, à temps partiel, à durée déterminée, etc.) voire aux droits attachés au statut de travailleur indépendant. C’est en ce sens que l’on peut penser que la flexibilité des relations de travail entraîne concomitamment un recul du salariat comme cadre traditionnel de la relation de travail et un brouillage entre salariat et travail indépendant.
Une révolution des droits du travail est donc en cours sur fond de chômage structurel et d’une migration vouée à l’exploitation salariale. Tout cela mène le chaos dans le monde du travail à son paroxysme. Alors oui l’effet papillon a bien pris racine dans l’entreprise pour le plus grand bonheur de quelques investisseurs du grand casino financier planétaire et pour le plus grand malheur de la grande majorité. Ce chaos devenu structurel avec les différentes crises, ne peut qu’être amplifié par des conflits culturo-ethnico-religieux latents.
Bref, ce ne sont là que quelques exemples de la révolution que vous avez subi dans votre environnement professionnel. Or, le modèle s’étend à tous les aspects de la vie… famille, éducation de vos enfants, gouvernance politique, rapports à la finance, mise en place d’une oligarchie, révolution technologique,…
Alors?
Alors pourquoi le grand nombre de personnes insatisfaites n’utilisent pas elles-mêmes le principe de l’effet papillon pour faire évoluer le monde dans la direction qu’elles souhaitent? Vos compétences sont un trésor dont vous ne soupçonnez ni l’ampleur, ni la puissance qu’elles peuvent dégager… Libérez-les!
Ne comptez plus sur quelqu’un d’autre pour libérer vos capacités et votre créativité. Il est toutefois indispensable de commencer par quitter l’habit de peur, d’insécurité, de sous-estimation de soi et autre déstabilisation personnelle.
L’échec n’est pas un problème. La paralysie dans l’action l’est.
Liliane Held-Khawam
Ci-dessous: Deux scientifiques nous parlent de la théorie du chaos
Pourquoi parle-t-on de théorie du chaos ? Jean-Luc Nothias (2009)
Certains physiciens pensent que leur science du XXe siècle se résume à trois découvertes : la relativité, la mécanique quantique et… le chaos. La relativité d’Einstein a fait sortir la physique de l’autoroute newtonienne où l’espace et le temps sont absolus. La mécanique quantique a également bousculé les principes newtoniens selon lesquels tout était mesurable. Enfin, la théorie du chaos a montré que le monde n’avait pas une prédictibilité déterministe.
C’est Pierre-Simon de Laplace qui avait postulé, en 1812, que si, à un moment donné, on connaissait la position et la vitesse de tous les objets de l’Univers ainsi que les forces qui s’exercent sur eux, on pourrait alors calculer leur devenir pour tous les moments à venir. Or la théorie du chaos prouve qu’il y a des processus que l’on ne peut pas complètement prédire.
Toutefois, un système chaotique n’est pas un système sauvage qui fait n’importe quoi n’importe comment. Sous son désordre apparent, se cache un ordre très strict. Un système chaotique obéit aux principes physiques qui s’appliquent à tous les autres systèmes. Mais il est d’une part impossible de prévoir son comportement sur le long terme et, d’autre part, inversement, de savoir quel était précisément son état dans le passé. On parle pour cela de «sensibilité aux conditions initiales», largement popularisée par la fameuse expression de «l’effet papillon».
C’est en 1972 qu’Edward Lorenz donne une conférence scientifique intitulée : «Prédictibilité : le battement d’ailes d’un papillon au Brésil provoque-t-il une tornade au Texas ?» L’image va faire le tour du monde et donner toute son ampleur aux théories du chaos (ce mot ne sera d’ailleurs «créé» que trois ans plus tard par deux autres mathématiciens).
Ancêtre des ordinateurs
Mais pendant sa conférence, Lorenz demande aussi à ses auditeurs de réfléchir à deux autres questions. En premier lieu, si un battement d’ailes peut induire une tornade, chaque battement d’ailes de ce papillon et de ses innombrables congénères provoque-t-il le même effet ? Enfin, un battement d’ailes de papillon peut-il empêcher la formation d’une tornade ?
Météorologue et mathématicien, Edward Lorenz travaillait au Massachusetts Institute of Technology. Il possédait l’un des tout premiers ordinateurs, qui ne s’appelait d’ailleurs pas encore comme cela. Une énorme machine électronique dotée de tubes à vide faisant un bruit terrible et tombant en panne très souvent. Lorenz avait mis au point un des premiers simulateurs météorologiques. En tâtonnant, il avait fait un modèle atmosphérique intégrant douze équations mettant en relation température, pression et vitesse du vent. Et il faisait tourner sa machine pour obtenir des simulations de situations météorologiques.
Chaque minute quand elle marchait, sa machine modélisait une journée météo. Ce qu’il trouvait lent. Un jour, à l’hiver 1961, voulant accélérer le processus, il lança ses programmes au milieu de leur exécution en tapant des données chiffrées à la main. Et avec seulement trois décimales au lieu de six. Après être allé boire un café pour échapper aux cliquetis de la machine, il constata que le résultat n’était pas du tout celui attendu.
Son premier réflexe est d’incriminer la machine. Puis, Lorenz réfléchit. Et vit que l’écart provenait du fait qu’il avait enlevé des décimales, pensant que c’était si minime qu’il n’y aurait pas de différence. Il n’aura de cesse dans les années suivantes d’explorer ce nouveau champ scientifique en utilisant les mathématiques.
Des systèmes dynamiques difficilement prévisibles
Conduisant ainsi à une redécouverte de prédécesseurs oubliés. Comme le grand mathématicien français Henri Poincaré à la fin du XIXe siècle. Lequel avait déjà touché du doigt dans ses travaux sur la mécanique céleste le problème des conditions initiales. Jacques Hadamard, lui aussi mathématicien français (qui aurait servi, dit-on, de modèle au savant Cosinus du fait de sa distraction), avait également exploré une partie du problème.
Une des caractéristiques de cette théorie, c’est qu’elle est totalement transversale dans tous les domaines scientifiques, que ce soit la physique, l’astronomie, la biologie, l’économie ou les sciences sociales. Partout se trouvent ces systèmes dynamiques trop difficilement prévisibles : croissance ou décroissance de populations animales, répartition de capitaux et flux financiers, systèmes stellaires et planétaires.
Elle est aussi complètement redevable au développement de l’informatique. À la fois parce que les ordinateurs ont permis de visualiser simplement ces états «chaotiques» et qu’ils ont permis, grâce à leur puissance de calcul, d’expliquer certains phénomènes naturels sur lesquels les chercheurs s’arrachaient les cheveux. Et qui ont été «résolus» par la théorie du chaos. Et un système chaotique n’est pas forcément complexe. Un pendule ou une balançoire peuvent ainsi parfois montrer des comportements chaotiques. Mais encore une fois, chaotique ne veut pas dire «irraisonné».
LE HASARD ET LE CHAOS. Par Noël Benalou, mathématicien
INTRODUCTION
D’emblée remarquons que l ‘interprétation scientifique du hasard commence par l’introduction du calcul des probabilités. Dans ce cadre, nous savons évaluer l’univers des possibles. Ainsi si nous lançons en l’air une pièce de monnaie équilibrée, l’univers des possibles est composé de pile et face et à chaque issue nous pouvons associer une probabilité qui est égale à 0,5. De même si nous lançons deux dés équilibrés un bleu et un rouge, l’univers des possibles est composé de 36 issues. C’est pourquoi calculer la probabilité d’un événement suppose la connaissance de l’univers des possibles. Cependant, dans la plupart des situations nous sommes confrontés à une infinité d’états du monde, et donc tout n’est pas probabilisable. Mais à vrai dire cela n’est guère étonnant dans la mesure où l’incertitude ne saurait se réduire au risque, lequel peut en effet être domestiqué au moyen du calcul des probabilités. En la matière il suffit de penser au monde de l’assurance ou bien au placement boursier avec ses rendements aléatoires. Ainsi connaissant deux paramètres tels que l’espérance mathématique et la variance , nous sommes à même de comparer deux portefeuilles d’actions du point de vue du risque, et, partant prendre une décision en fonction de notre attitude à l’égard du risque. Bref faire un choix dans l’incertain n’est une tâche aisée dans le concret du réel, et cela en dépit du perfectionnement les outils de calcul, car l’incertitude n’est pas probabilisable du fait que nos connaissances sont limitées, en ce sens que nous ne pouvons pas connaître tous les états du monde.
Après une brève discussion du conflit entre hasard et déterminisme, nous présenterons la théorie du chaos en mettant un accent particulier sur la croissance exponentielle et la dépendance sensitive aux conditions initiales. Délibérément nous avons choisi d’expliquer le chaos par des exemples afin d’en donner une idée intuitive. Ici le chaos n’est pas synonyme de désordre comme c’est le cas dans le langage courant, mais il s’agit d’un modèle dans lequel l’incertitude initiale joue un rôle fondamental en rendant vaine toute tentative de prédiction même sur un horizon temporel court de l’ordre de quelques jours. En la matière il suffit de penser aux prévisions formulées par les météorologistes, sans parler de la difficulté des prévisions dans le domaine des sciences molles telles que l’économie, bien que cette discipline affiche son ambition de mimer la démarche des sciences exactes comme la physique.
Bien évidemment, nous pouvons formuler des prévisions en assimilant l’économie à un système dynamique régi par des équations récurrentes et en exploitant les séries temporelles. Mais force est de constater que cette manière d’étudier l’évolution temporelle d’un système aussi complexe que l’économie ne prend en compte qu’un groupe restreint de variables économiques En outre elle présente le sérieux inconvénient de traiter l’incertitude comme des chocs exogènes ou des aléas. En tout cas cette manière de modéliser le monde réel, bien qu’elle soit privilégiée en macroéconomie, ne semble pas en mesure de prendre en compte l’incertitude endogène, à savoir l’idée selon laquelle l’incertitude ne vient pas seulement de la nature mais aussi des autres, un peu à l’instar de l’enfer c’est les autres! Du point de vue historique la théorie du chaos a été développée initialement par les mathématiciens français Hadamard et Henri Poincaré, puis elle a été redécouverte par le météorologue Edward Lorenz (MIT) dans les années 1960, grâce à des simulations sur ordinateur lors de l’étude des prévisions météorologiques. A cette occasions Lorenz a découvert les attracteurs étranges: c’est une courbe décrivant l’état de la convection atmosphère en dimension trois. Elle montre que l’évolution temporelle de la convection atmosphérique est très sensible aux conditions initiales. Cette étude a fourni un argument très fort en faveur de l’imprédictibilité des mouvements de l’atmosphère. Depuis nous savons pourquoi les prédictions à long terme des météorologues sont sujettes à caution.
Hasard et déterminisme
La question qui est au centre de la physique et donc de la compréhension du monde dans lequel nous vivons est de savoir si nous vivons dans un monde déterministe ou bien un monde dominé par le jeu des aléas et donc du hasard. A cet égard, il est utile de rappeler que la mécanique de Newton nous donne une image complètement déterministe du monde. En substance elle nous dit la chose suivante: si l’on connaît l’état de l’univers à un instant initial (d’ailleurs arbitraire), on peut déterminer son état à tout autre moment. Comme on peut le remarquer on est complètement dans un monde déterministe où le hasard n’a pas droit de cité, bien qu’il faille rappeler que depuis cette vision mécaniste a été réduite à une configuration particulière grâce à l’apport de la physique relativiste initiée par Albert Einstein et la physique quantique qui fait jouer au hasard un rôle de premier plan, du fait qu’il est impossible, par exemple, de spécifier simultanément la vitesse et la position d’une particule: si l’on améliore la précision sur la vitesse, on dégrade celle sur la position et vice-versa!
A ce propos le mathématicien français Simon de La Place a donné au déterminisme une formulation élégante qu’il convient de reproduire ici:
«Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée, et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps et ceux du plus léger atome: rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir comme le passé serait présent à ses yeux. L’esprit humain offre, dans la perfection qu’il a su donner à l’astronomie, une faible esquisse de cette intelligence.». Remarquons que cette citation a un parfum théologique et suscite en tout cas diverses questions. Ainsi ce déterminisme laplacien ne laisse aucune place au hasard et au libre arbitre de l’homme. On retrouve le vieux problème théologique de la prédestination défendu par Saint Augustin, Saint Thomas d’Aquin et Calvin. Ce qui est opposé au libre arbitraire humain ce n’est pas le déterminisme de la mécanique classique, mais l’omniscience et l’omnipotence de Dieu: rejeter la prédestination (Dieu a déjà opéré le tri entre les élus et les damnés) , c’est limiter les pouvoirs du Tout-Puissant, mais l’accepter revient à rendre inutile tout effort moral. Or, depuis nous avons appris grâce au théorème d’incomplétude de Gödel que ce qui explique notre libre arbitraire c’est notre complexité d’être humain! Autrement dit nous ne pouvons décider si une assertion est vraie ou fausse , et donc nous ne pouvons contrôler le futur en raison notamment des problèmes de calculabilité.
Il va sans dire que le déterminisme laplacien ne laisse aucune place au hasard. Par exemple, si je jette une pièce de monnaie équilibrée en l’air, les lois de la mécanique classique déterminent avec certitude si elle tombera pile ou face. Comme le hasard et les probabilités jouent en pratique un rôle important dans notre compréhension de la nature, nous pouvons être tentés de rejeter le déterminisme.
En réalité le dilemme hasard/ déterminisme est un faux problème, car il n’y a pas incompatibilité logique entre hasard et déterminisme: l’état d’un système à l’instant initial, au lieu d’être fixé de manière précise, peut être distribué selon une certaine loi de probabilité et donc de hasard. S’il en est ainsi à tout autre instant le système aura aussi une distribution au hasard, et cette distribution pourra être déduite de la distribution au moment initial, grâce aux lois de la mécanique.
Notons qu’en pratique l’état d’un système à l’instant initial n’est jamais connu avec une précision parfaite, c’est-à-dire que l’on admet un petit chouia de hasard pour l’état initial du système. C’est précisément ce petit peu de hasard qui peut donner beaucoup de hasard et donc beaucoup d’indétermination à un moment ultérieur. Ainsi en pratique hasard et déterminisme peuvent cohabiter de manière harmonieuse. Par conséquent il est possible de présenter la mécanique classique sans parler de hasard, mais ceci n’est pas vrai en mécanique quantique. A cet égard le paradigme du chaos explore le hasard déterministe et aboutit à la conclusion selon laquelle la prédiction est rendue difficile par la sensibilité du système aux conditions initiales. Une petite perturbation sur les conditions initiales d’un système peut avoir de grands effets à long terme sur sa trajectoire temporelle.
Cette idée simple a été introduite par les mathématiciens français comme Hadamard et Henri Poincaré en étudiant les systèmes dynamiques où le temps joue un rôle prépondérant. Ainsi pour Poincaré le hasard et le déterminisme sont rendus compatibles par l’imprédictibilité à long terme. Dans son style concis et précis voici comment il exprime la chose: «Une cause est très petite, qui nous échappe, détermine un effet considérable que nous ne pouvons pas ne pas voir, et alors nous disons que cet effet est dû au hasard.» Poincaré croyait au déterminisme et en même il savait que le hasard joue un grand rôle dans la vie de tous les jours. Il voulait trouver où le hasard avait sa source, sachant qu’à son époque on ignorait l’incertitude quantique. En tout cas il a compris qu’une description déterministe classique du monde pouvait donner lieu à une idéalisation probabiliste. Le mécanisme par lequel le hasard s’insinue dans le monde déterministe est celui de la dépendance sensitive aux conditions initiales.
Le problème de la sensibilité aux conditions initiales.
Pour comprendre cette histoire de dépendance sensitive aux conditions initiales d’un système dynamique tel que la circulation atmosphère ou le système économique soumis à des chocs exogènes, nous devons au préalable préciser la notion de croissance exponentielle.
Commençons par l’histoire de l’inventeur du jeu d’échecs qui fait appel à une suite géométrique et donc à une croissance à taux constant. Au roi qui voulait le récompenser, ce sage avait demandé que l’on mette un grain de blé sur la première case de l’échiquier, deux sur la seconde, quatre sur la troisième, et ainsi de suite en doublant le nombre de grains de blé à chaque case. Le Roi pensa d’abord que c’était là une récompense fort modeste et il ne s’est pas rendu compte que la quantité de blé est énorme, et que toute la production mondiale de blé, de 2015 par exemple, s’avère notoirement insuffisante pour la satisfaire. Ceci est facile à vérifier:
Si l’on double une quantité dix fois, on la multiplie par 1024 (2 puissance 10=1024), en vingt fois, on la multiplie par plus d’un million, et cetera… Quand une quantité croît de manière à doubler au bout d’un certain temps, puis qu’elle double de nouveau après le même intervalle de temps, et ainsi de suite, on dit que cette quantité croît exponentiellement, donc elle devient énorme. On en présence d’une situation de croissance exponentielle ou d’une croissance à taux constant.
Par exemple si je dépose 1000 euros à la banque à un taux de 5%, la somme doublera en un peu plus de 14 ans en résolvant l’équation suivante: 1000(1,05) puissance t = 2000, à condition de négliger les impôts et l’inflation! Notons que ce type de croissance s’observe dans le monde qui nous entoure, mais il ne dure pas très longtemps.
A présent nous allons utiliser l’exemple du crayon en équilibre pour illustrer la croissance exponentielle et montrer le rôle de la dépendance sensitive aux conditions initiales. Essayons de mettre un crayon en équilibre sur sa pointe; bien entendu nous n’y arriverons pas à moins de tricher. En effet le crayon n’est jamais lâché en équilibre, toute déviation le fera tomber d’un côté ou de l’autre. Les lois de la mécanique classique suggèrent que la chute du crayon s’effectue à un rythme exponentiel. Ainsi la déviation du crayon par rapport à sa position d’équilibre sera multipliée par 2 dans un certain intervalle de temps, puis par 2 de nouveau dans l’intervalle de temps suivant, et ainsi de suite, et bientôt le crayon se trouvera allongé au sol tel un gisant!
Cet exemple a moins la vertu de nous donner une illustration de la dépendance sensitive aux conditions initiales. En clair, un petit changement dans l’état du système à l’instant zéro (changement dans la position et la vitesse initiales du crayon) produit un changement ultérieur qui croît au fil du temps à un rythme exponentiel. Ainsi une petite cause telle que pousser le crayon à droite ou à gauche a un grand effet. Il importe de remarquer que quel que soit l’état du système au temps zéro, si l’on pousse un peu à droite ou à gauche, il en résultera des effets importants à long terme. Certes c’est contre-intuitif et il a fallu un certain temps aux mathématiciens et aux physiciens pour bien comprendre le mécanisme du chaos, et donc l’évolution temporelle d’un système intervenant dans un contexte purement déterministe.
Nous allons maintenant discuter l’exemple d’un jeu de billard avec des obstacles convexes en négligeant les frottements. Nous nous intéressons à la trajectoire décrite par le mouvement du centre de gravité de la boule de billard. En l’absence de toute collision, ce mouvement est rectiligne et uniforme. En revanche quand la boule heurte un obstacle, tout se passe comme si le centre de la boule était réfléchi par un obstacle plus grand. La trajectoire du centre de la boule est réfléchie précisément de la même manière qu’un rayon lumineux est réfléchi par un miroir. Cette analogie du miroir va nous permettre de comprendre le changement des conditions initiales dans le cas d’un jeu de billard.
Sur une table de billard supposons que nous avons une boule réelle et une boule imaginaire initialement au même endroit. On pousse simultanément les deux boules dans les deux directions légèrement différentes, mais avec la même vitesse. Les trajectoires des deux boules forment un certain angle que nous appelons alpha. Nous constatons que la distance entre les deux boules sera proportionnelle au temps, mais cette croissance proportionnelle n’est pas l’explosive croissance exponentielle. En effet, si le centre de la boule réelle et le centre de la boule imaginaire ont, après une seconde, une distance d’un micron, leur distance après 20 secondes ne sera que de 20 microns, autrement dit l’écart reste petit. D’autre part une réflexion sur le bord droit de la table n’apporte aucune modification à l’angle, cela veut dire que les trajectoires réfléchies forment le même angle alpha que précédemment. Par conséquent la distance entre la boule réelle et la boule imaginaire reste proportionnelle au temps ( on a le même effet qu ‘avec la réflexion de la lumière sur un miroir droit).
Intéressons-nous à présent aux collisions des boules avec les obstacles convexes de la table de billard. Ces obstacles ronds vont jouer le rôle des miroirs convexes. En effet on sait que les images réfléchies par un miroir convexe sont différentes de celles réfléchies par un miroir droit. Dans le cas de notre table de billard, initialement les deux boules forment un angle alpha, nous avons dit que cet angle ne change pas par réflexion sur un bord droit de la table de billard. Mais après un choc contre un obstacle convexe ou rond, les trajectoires divergent et forment un angle alpha prime qui est le double de l’angle initial alpha. Après un nouveau choc contre un obstacle rond, les trajectoires divergeront avec un angle 4 alpha. Après 10 chocs, l’angle sera multiplié par 1024 ( 2 puissance 10), et ainsi de suite. Si nous avons un choc par seconde, l’angle entre les trajectoires de la boule réelle et de la boule imaginaire va croître exponentiellement avec le temps. La distance entre les deux boules croîtra aussi exponentiellement avec le temps. Ainsi nous avons une sensibilité du système aux conditions initiales. En raison de cette incertitude sur l’état initial et des heurts avec les obstacles les deux mouvements n’ont plus rien à voir l’un avec l’autre.
En résumé on est en présence du chaos quand un peu d’incertitude initiale conduit à l’imprédictibilité à long terme du futur du système. En réalité beaucoup de systèmes dynamiques ont un comportement mixte où la prédiction est possible pour certaines conditions initiales, mais pas pour d’autres. Dans les systèmes complexes, l’évolution temporelle est irréversible en raison de l’entropie qui croît au cours du temps, et nous avons là une sensibilité du système aux conditions initiales. C’est cette condition qui semble être à l’origine du désordre et donc de l’impossibilité de formuler des prédictions fiables à long terme. Une petite cause peut avoir de grands effets au fur et à mesure le temps passe. C’est pourquoi l’effet papillon peut expliquer certains phénomènes complexes tels que la convection atmosphérique ou les évolutions historiques en rendant impossible l’éternel retour qui est censé se produire dans les systèmes simples.