Une grande voix s’est éteinte. Avec le départ de Jean d’Ormesson, le monde des libertés est très certainement endeuillé. Je vous poste deux messages forts de ce grand monsieur. L’un se trouve dans une vidéo, dans laquelle il dénonce le génocide dont sont victimes les Chrétiens d’Orient. L’autre message est une lettre ouverte, écrite en mai 2015, au président de la République, dans laquelle il demande de ne pas laisser dépérir nos biens les plus précieux : notre langue, notre littérature, notre culture. Sera-t-il entendu? Son regard pétillant, la finesse de son esprit, sa joie de vivre manqueront dans un paysage audiovisuel appauvri -… LHK Monsieur le président de la République, Plus d’une fois, vous avez souligné l’importance que vous attachiez aux problèmes de la jeunesse, de
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Une grande voix s’est éteinte.
Avec le départ de Jean d’Ormesson, le monde des libertés est très certainement endeuillé.
Je vous poste deux messages forts de ce grand monsieur.
L’un se trouve dans une vidéo, dans laquelle il dénonce le génocide dont sont victimes les Chrétiens d’Orient.
L’autre message est une lettre ouverte, écrite en mai 2015, au président de la République, dans laquelle il demande de ne pas laisser dépérir nos biens les plus précieux : notre langue, notre littérature, notre culture.
Sera-t-il entendu?
Son regard pétillant, la finesse de son esprit, sa joie de vivre manqueront dans un paysage audiovisuel appauvri -…
LHK
Monsieur le président de la République,
Plus d’une fois, vous avez souligné l’importance que vous attachiez aux problèmes de la jeunesse, de l’éducation et de la culture. Voilà que votre ministre de l’Éducation nationale se propose de faire adopter une réforme des programmes scolaires qui entraînerait, à plus ou moins brève échéance, un affaiblissement dramatique de l’enseignement du latin et du grec et, par-dessus le marché, de l’allemand.
Cette réforme, la ministre la défend avec sa grâce et son sourire habituels et avec une sûreté d’elle et une hauteur mutine dignes d’une meilleure cause. Peut-être vous souvenez-vous, Monsieur le président, de Jennifer Jones dans La Folle Ingénue? En hommage sans doute au cher et grand Lubitsch, Mme Najat Vallaud-Belkacem semble aspirer à jouer le rôle d’une Dédaigneuse Ingénue. C’est que son projet suscite déjà, et à droite et à gauche, une opposition farouche.
On peut comprendre cette levée de boucliers. Il y a encore quelques années, l’exception culturelle française était sur toutes les lèvres. Cette exception culturelle plongeait ses racines dans le latin et le grec. Non seulement notre littérature entière sort d’Homère et de Sophocle, de Virgile et d’Horace, mais la langue dont nous nous servons pour parler de la science, de la technique, de la médecine perdrait tout son sens et deviendrait opaque sans une référence constante aux racines grecques et latines. Le français occupe déjà aujourd’hui dans le monde une place plus restreinte qu’hier. Couper notre langue de ses racines grecques et latines serait la condamner de propos délibéré à une mort programmée.
Mettre en vigueur le projet de réforme de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ce serait menacer toute la partie peut-être la plus brillante de notre littérature. Montaigne et Rabelais deviendraient vite illisibles. Corneille, Racine, La Fontaine, Bossuet changeraient aussitôt de statut et seraient difficiles à comprendre. Ronsard, Du Bellay, Chateaubriand, Giroudouxou Anouilh – sans même parler de James Joyce – tomberaient dans une trappe si nous n’apprenions plus dès l’enfance les aventures d’Ulysse aux mille ruses, si nous ignorions, par malheur, qu’Andromaque est la femme d’Hector, l’adversaire malheureux d’Achille dans la guerre de Troie,si nous nous écartions de cette Rome et de cette Grèce à qui, vous le savez bien, nous devons presque tout.
Les Anglais tiennent à Shakespeare, les Allemands tiennent à Goethe,les Espagnols à Cervantès, les Portugais à Camoens, les Italiens à Dante et les Russes à Tolstoï. Nous sommes les enfants d’Homère et de Virgile- et nous nous détournerions d’eux! Les angoisses de Cassandre ou d’Iphigénie, les malheurs de Priam, le rire en larmes d’Andromaque, les aventures de Thésée entre Phèdre et Ariane, la passion de Didon pour Énée font partie de notre héritage au même titre que le vase de Soissons, que la poule au pot d’Henri IV, que les discours de Robespierre ou de Danton, que Pasteur ou que Clemenceau.